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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 14:54

 

Rue89 - Témoignage 12/03/2013 à 11h54

 Bruno Asinus | Intérimaire dans l'agroalimentaire

 

 

Dans l’entreprise de plats préparés où Bruno était intérimaire, une chef d’équipe imposait le bonnet d’âne aux ouvriers coupables d’erreurs. Personne n’a moufté.

L’action se passe dans le nord des Deux-Sèvres.

Il y a bien entendu un lien indirect avec les plats préparés avec de la viande de « chœuf ou de bœuval ». Dans le sens où ce type d’entreprise est une caricature de la société de consommation néolibérale avec ce que ça engendre en terme de non respect de l’humain, de l’environnement, des clients et de tous les éléments de la chaîne.

Pour ne pas mourir intellectuellement (il est conseillé de laisser son cerveau chez soi pendant la période de travail) et quand le rythme le permettait, j’ai passé mon temps à essayer de comprendre le fonctionnement de l’unité mais aussi mon comportement, mon évolution intellectuelle et celle des autres employés.

Il y a aussi un lien indirect avec le « Indignez-vous » de Stéphane Hessel, dans le sens où le système broie les personnes qui y travaillent et finit par leur enlever toute prise de recul, toute analyse, toute critique exprimée. En résulte une espèce de léthargie dans laquelle la capacité à s’indigner, à réagir à des événements n’existe plus. Je pourrais en parler pendant des heures...

La violence des lieux

Je ne travaille plus dans cette entreprise puisque mon contrat (9 mois d’intérim à raison d’un contrat par semaine) n’a pas été renouvelé, en partie suite à cet événement. Ce qu’ils cherchent, ce sont des employés qui travaillent et qui ne disent rien. Et ça marche, c’est du management par la peur. L’entreprise s’appelle Gastronome.

Je ne sais pas si l’instigatrice du bonnet d’âne a été sanctionnée par la direction, mais elle a été absente 3 semaines peu après cet événement, soi-disant pour dépression.

Un petit témoignage de ce que peut être l’inhumanité. Cette aventure vécue ne se passe pas au temps de Germinal, non, non, nous sommes bien en 2012-2013. Quand je la raconte beaucoup me disent c’est une blague, c’est une image mais pourtant …

Employé en intérim comme manutentionnaire dans une usine agro-alimentaire, j’ai pu observer les comportements des personnes qui y travaillent et certains m’ont laissé sans bras.

L’usine est un environnement nouveau pour moi. J’y suis confronté à la violence des lieux : horaires décalés, lumière artificielle, bruit permanent, flot de viande ininterrompu, violence physique de tâches répétitives, etc. Je dirais que pour ça, et heureusement, le corps humain a une capacité d’adaptation extraordinaire.

Insupportable inhumanité

Octobre 2012, de mon poste à une vingtaine de mètres, j’aperçois une employée coiffée d’un bonnet d’âne en carton orange fluo. Je suis fou furieux. En retour de pause, l’employée recoiffe son bonnet d’âne. J’ai la chance d’être à un poste où je peux bouger et engager la conversation avec d’autres. Je questionne sur ce que je considère comme l’insupportable inhumanité de ce comportement.

La chef d’équipe sanctionnée

Contacté par Rue89, le groupe Gastronome a reconnu, après enquête interne, que cet événement s’était bien produit sur son site de Montcoutant (79) en octobre dernier. Un responsable a expliqué que l’entreprise n’a pas eu connaissance de cette règle du port du bonnet d’âne pour les salariés qui exécutaient mal leurs tâches. Au moment des faits, et jusqu’à la publication de ce témoignage, « ni le délégué syndical, ni le comité d’entreprise, ni la personne concernée par le port du bonnet d’âne » n’ont alerté la direction. L’entreprise a précisé que cette pratique était « inqualifiable » et « intolérable ». La chef d’équipe, instigatrice du bonnet d’âne, a été convoquée ce matin par un comité CHSCT-CE et serait sanctionnée par un avertissement. Cinq mois après les faits, 12 heures après nos appels. Rodolphe Baron

On me répond par un petit sourire désolé, un haussement d’épaules. Je finis par apprendre que la chef d’équipe personnel (qui gère une trentaine de personnes) vient d’instaurer le bonnet d’âne pour les personnes qui commettent des erreurs dans les tâches qui leur sont confiées. Je suis encore plus hors de moi et finit par interpeller une autre chef d’équipe et lui demande de faire cesser cette mascarade.

Apprenant ma révolte, l’instigatrice vient à ma rencontre en vociférant que je n’ai pas d’humour et l’altercation dure quelques minutes. Elle me proclame que tout le personnel est au courant, y compris la direction. Sentant ma détermination à ne pas laisser perdurer cette aberration, elle me quitte et dans la minute qui suit, le bonnet d’âne disparaît. Au fond de moi, la colère est toujours là, mais j’ai la satisfaction d’avoir œuvré pour la dignité humaine, même si cette personne a le pouvoir de mettre fin à mon contrat.

Le bonnet d’âne n’est jamais réapparu mais des questions se posent : pourquoi suis-je le seul à être intervenu ? Pourquoi le syndicat n’a, à ma connaissance, pas réagi ? La réponse est à mon avis que je n’avais pas encore été broyé, lobotomisé par le système.

Un soir, je finis de lire « L’Etabli » de Robert Linhart. Je fais des parallèles incessants entre son vécu et le mien. Le livre se termine par son licenciement. Ironie du sort, le lendemain, on m’apprend que ma mission n’est pas renouvelée. La chef d’équipe n’arrive pas à me faire évoluer et ne souhaite pas continuer avec moi.

 


Un âne (OxOx/Flickr/CC)

 

 

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