La réforme de l’inspection du travail, qui supprime 10 % des postes et menace l'indépendance des agents de contrôle, est entrée en vigueur le 1er décembre. Dans le Nord-Pas-de-Calais, elle ne passe pas. Nouvelle journée d'action ce jeudi.
Dans le maquis de réformes lancées au pas de charge par le gouvernement dit de gauche, une réforme est passée à la trappe du débat public. Une réforme majeure : celle de l’inspection du travail, la police du travail, indispensable pour faire respecter les droits les plus élémentaires des salariés victimes de l’arbitraire patronal encore plus virulent dans le contexte économique actuel de chômage massif et de croissance en panne (lire ici et là nos articles).
Fomentée par Jean-Denis Combrexelle, l'inamovible directeur général du travail sous la droite, maintenu sous François Hollande et finalement remercié en mai dernier après treize ans de dérégulation sociale (au profit d’un énarque qui achèvera son travail, Yves Struillou), elle est entrée en application le 1er décembre 2014. Et elle ne passe toujours pas dans les rangs des agents de l’inspection du travail toujours aussi vivement opposés à ce projet devenu réalité que leur tutelle ose appeler « ministère fort » alors qu’il s’agit d’un démantèlement.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, la mobilisation ne faiblit pas contre cette réforme qui prévoit une nouvelle organisation du travail, menace l'indépendance des inspecteurs qui passent sous la coupe de leurs supérieurs hiérarchiques et n’améliore pas le quotidien des agents de terrain en sous-effectifs criants comme le montre notre reportage à lire ici au centre commercial d’Evry en région parisienne pourtant au pied de l’Inspection du travail.
Grâce aux unions locales, la mobilisation aux objectifs pourtant modestes au départ (obtenir que des postes vacants soient pourvus, le retour des 20 postes d'agent de contrôle supprimés au niveau régional au 1er décembre 2014, obtenir des boîtes mail, bref des moyens pour pallier la désorganisation et la surcharge de travail liées à la réforme en cours) se durcit même depuis plus de deux mois. Une nouvelle action est prévue ce jeudi 12 février à 14 h 30 devant les locaux de l’union territoriale de Lille à l’appel de la CGT, de FO, de la FSU et de SUD Travail-Affaires sociales. Au moment même où un agent, comme d’autres avant lui, est convoqué pour un entretien disciplinaire par l’administration qui lui reproche de lutter contre cette réforme...
Les sections syndicales de la Direccte du Nord-Pas de Calais dénoncent cette mise au pas forcée comme la diminution du nombre d’agents de contrôle, déjà très restreint, de 10 % des effectifs en moyenne au niveau national comme au niveau régional (une vingtaine de postes en moins dans le Nord-Pas-de-Calais), le renforcement de la hiérarchie dans le but d’imposer aux agents de contrôle de limiter leurs actions aux priorités définies par le pouvoir politique plutôt que de contrôler la réglementation du travail dans son ensemble et de répondre aux attentes légitimes des salariés.
« Cette réforme a d’ores et déjà pour effet de désorganiser complètement les services de l’inspection du travail au détriment des usagers, qui n’arrivent même plus à identifier qui contrôle leur entreprise, pointe Jérome Oriol de Sud-Travail. Pendant toute la durée de la réforme, au moins sept ans, certains secteurs, sur lesquels aucun agent permanent n’est affecté, deviendront des zones de non-droit du travail. A titre d’exemple, la plupart des entreprises d’Euralille, de la Z.I. de la Pilaterie, de Marcq-en-Barœul, de Lambersart, etc., ne seront plus contrôlées ; les décisions administratives concernant les entreprises de transports de l’est lillois, des CIT de Roncq et Lesquin, etc., ne seront plus rendues. Cyniquement, on nous dit qu'il va falloir faire des choix, on ne fait déjà que ça, le très urgent chassant l'urgent, ce qui concrètement veut dire – certains directeurs l'ont dit en réunion – ne plus contrôler les entreprises de moins de 50 salariés. »