Les services diplomatiques se plient décidément en quatre pour Pierre Sarkozy. Le fils « DJ » du Président vient d'être rapatrié d’Ukraine dans un avion gouvernemental à la suite d’une intoxication alimentaire (en partie aux frais de l’Etat, comme l’a révélé Le Canard enchaîné). Du 20 au 26 février, en pleine saison des carnavals, l’aîné de la fratrie Sarkozy sera cette fois au Brésil pour des concerts en boîte de nuit, où l’ambassade de France lui mitonne un accueil de « VIP ».
D’après un courrier que Mediapart s’est procuré, adressé le 1er février au ministère brésilien des relations extérieures, l’ambassade « sollicite l’ouverture du salon d’honneur » dans chacun des trois aéroports que traversera « l’artiste » (Sao Paulo, Rio et Florianopolis). Aux atterrissages comme aux décollages, requiert expressément le courrier.
Les services français signalent au passage que Pierre Sarkozy voyagera avec sa bande : un ami photographe et Fama Niang, sa « manageuse », ancienne directrice artistique dans la société de production de Carla Bruni.
Officiellement, l’ambassade de Brasilia ne commente pas. Officieusement, on justifie quand même : il faut bien simplifier le parcours du jeune homme, cible potentielle des paparazzis – voire pire.
Pour assurer la protection de Pierre Sarkozy, l'ambassade sollicite d'ailleurs «le concours de la Police fédérale» brésilienne (comme mentionné par Le Canard du 8 février). Ce courrier, cependant, dévoile surtout le dispositif de sécurité français dont bénéficie le « DJ ». Dans leur lettre, les services réclament en effet « une autorisation d’introduction et de port d’armes à feu sur le territoire (brésilien) en faveur de deux officiers ». On découvre ainsi que deux policiers du GSPR (le groupement de sécurité du président de la République) escortent le fils du chef de l’Etat dans ses déplacements aux quatre coins du monde.
Interrogée par Mediapart, la direction générale de la police nationale (dont dépend le prestigieux GSPR) refuse de détailler. «Ce serait fragiliser le dispositif», nous objecte le service communication. Et de balayer nos interrogations sur le coût d’une telle protection, le nombre de membres de la famille présidentielle « sécurisés », ou le nombre d’officiers assignés en permanence à cette tâche.
Du point de vue du contribuable, ces questions sont pourtant légitimes. Pour assurer la sécurité rapprochée de Nicolas Sarkozy et de ses proches, le GSPR est passé de 84 hommes au 1er janvier 2008 à 89 aujourd’hui – qui viennent s’ajouter aux effectifs de la gendarmerie et de la préfecture de police traditionnellement affectés à la surveillance de l’Elysée (362 personnels recensés au début du quinquennat).
« Il est évidemment nécessaire de protéger certains membres de la famille du chef de l’Etat», réagit le député socialiste René Dosière, spécialiste du budget de l’Elysée. «Les enfants du président de la République font l'objet d'une protection policière comme les enfants et petits-enfants des présidents précédents», se charge d'ailleurs de rappeler le porte-parole du ministère des affaires étrangères à Mediapart.
Mais René Dosière affine sa réponse : «Je comprends que Louis, le fils de 14 ans du Président, installé avec Cécilia aux Etats-Unis, soit sécurisé par le GSPR, même si ça coûte cher. Mais l’Etat doit-il protéger Pierre, enfant majeur qui a sa propre indépendance financière, quand il parcourt le monde pour ses activités professionnelles ? Je mettrais un point d’interrogation. Protège-t-on le père de Nicolas Sarkozy ? Ses frères ? Sa mère ? »
Dans le rapport annuel du député Jean Launay (PS) consacré aux dépenses de l’Elysée, on découvre que le coût salarial supporté par l'Etat pour les hommes du GSPR atteint 5.753.892 euros par an, plus 1.690.579 euros de primes, soit 7,5 millions tout compris (chiffres au 31 décembre 2010). En moyenne, pour chaque policier d'élite, le coût salarial atteint donc 83.645 euros. En extrapolant, on peut ainsi estimer que la sécurité rapprochée de Pierre Sarkozy coûte 167.000 euros par an à la République, rien qu’en rémunérations. Restent les frais de bouche, le matériel, le transport, etc.
Or, précisément, Pierre Sarkozy semble entraîner son escorte dans un marathon mondial des discothèques. En fouillant quelques minutes sur internet, on retrouve sa trace ces derniers mois en Ukraine, Autriche, Russie, Suisse, Allemagne, à chaque fois dans des clubs prisés de la jet-set.
– En juin 2011, il mixait ainsi au « b-hush », une boîte de Kiev (Ukraine) :
– Fin juillet 2011, il jouait au festival de Zurich (Suisse), et livrait une interview à Blick :
– Mi-octobre 2011, il se produisait au « Posh Club » à Vienne :
– Fin novembre, il était visible à Yaroslav (Russie), au « Honey club » :
– Le 22 novembre 2011, il joue en Allemagne, pour l'anniversaire du Sofitel de Hambourg :
– Début décembre 2011, il faisait une pause à Paris pour animer une soirée Gucci (à 6 min) :
– Mi-janvier 2012, il siégeait aux premières loges de la « Fashion week » de Berlin, au défilé Laurel :
Davantage de transparence sur le coût supporté par l'Etat pour suivre le rythme ne nuirait pas.
S'agissant des équipements fournis au GSPR, on déniche tout juste ce détail dans un rapport du député Jean Launay, enfoui dans un tableau listant les voitures achetées pour les besoins de la Présidence en 2009 : « Congressional Motors: GSPR USA : 26.832 euros ». Il semble, en clair, que les activités américaines du GSPR (auprès du fils cadet du Président, Louis Sarkozy ?) aient nécessité l’acquisition d’un (ou de) véhicule(s). Pour le reste, mystère.