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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 13:47
Rue89 - Anti-crise 04/06/2012 à 15h17
Lelia de Matharel | EtudianteEnvoyer l'article par email

 

 

 


La maison de Can Masdeu (Lélia de Matharel)

 

(De Barcelone) Perché sur une colline au-dessus du quartier des Roquetes, on vient y planter des choux, à la mode barcelonaise. Mais aussi des tomates, des salades, des carottes… Un grand potager permet aux 23 habitants du squat de Can Masdeu de se nourrir.

Making of
Ce reportage a été réalisé par une étudiante en journalisme de l’Ijba dans le cadre du projet Barcelone Kultur Lab (BKL).

Depuis dix ans, ils vivent en autarcie. Ils ne consomment quasiment que les légumes de leur jardin. Le jeudi, tout le monde peut venir leur donner un coup de main. En échange, le dîner est offert par la communauté dans la grande bâtisse de briques rouges.

Lydia, une habitante du squat, me montre le plan de betteraves que je dois arroser. A la main. J’ai mal au dos d’avance : je suis plutôt rat des villes que rat des champs.

A quelques mètres de moi, une femme me tourne le dos. Elle cueille des petits pois et les jette dans un seau en plastique noir. Elle se retourne et m’adresse un sourire d’encouragement. Je me mets au boulot dare-dare. Pas à cause du sourire, mais parce qu’elle porte son bébé emmailloté contre elle. Si elle peut, alors je peux.

 


Fraiz et Antonio dans la potager (Lélia de Matharel)

 

La résistance a payé

J’observe la maison à la dérobée. Une ancienne léproserie qui appartient aux pouvoirs publics. L’édifice a été laissé à l’abandon pendant 53 ans. En décembre 2001, vingt squatteurs s’y installent, retapent le toit effondré d’un bâtiment et installent une piscine de récupération d’eau de pluie. Au bout de six mois, ils reçoivent un ordre d’expulsion.

La résistance s’organise : les occupants construisent des barricades pour empêcher les forces de l’ordre de rentrer dans le squat. Les 60 policiers mobilisés finissent par percer leurs défenses. Mais onze squatteurs se sont installés à l’extérieur du bâtiment, perchés sur des planches de bois à l’équilibre précaire. Impossible de les déloger de force, c’est trop dangereux. Après trois jours de siège, l’ordre d’expulsion est annulé.

Depuis, plusieurs procès ont eu lieu, mais les irréductibles sont toujours dans la place. A l’heure où les expulsions de propriétaires étranglés par les remboursements se multiplient, où le chômage atteint des records (24,3%), ce lieu ressemble à une prémonition. On y perçoit mieux, mais protégés, l’écho de la folie immobilière et financière qui a emporté l’Espagne au bord du gouffre.

 


L’entrée du squat (Lélia de Matharel)

 

Avant, Fraiz vivait dans un bus

Après une heure de sueur et de reins qui craquent, je m’assieds à cheval sur mon arrosoir. Les deux chasseurs de mauvaises herbes de la rangée d’à coté gloussent. Je tente une approche. Antonio et Pilar se sont rencontrés dans un couvent de moines bouddhistes à Blanquefort (Gironde). Je fais mes études à Bordeaux. J’ai vérifié sur Mappy : le couvent est à une demi-heure de mon école.

J’arrache un plant de fraises sans faire exprès et me fait taper sur les doigts par le vieux monsieur à l’arrosoir. C’étaient les trèfles qu’il fallait enlever. Heureusement, une cloche sonne dans la maison et met fin à ma leçon de jardinage. A la soupe. Je grimpe l’escalier escarpé qui conduit à la salle commune.

Sur le buffet est posé le plus grand saladier qu’il m’ait été donné de voir. Il contient une quantité de risotto suffisante pour nourrir Gargantua et tous ses enfants. Chacun se sert et s’installe autour de la grande table. On est dix-huit. Je m’enfonce dans le fauteuil noir défoncé qui m’a été attribué, mes muscles commencent un peu à se détendre.

Fraiz s’installe au piano installé dans un coin de la pièce. Elle habite à Can Masdeu depuis huit ans. Avant, la jeune femme vivait dans un bus. C’est un vrai pilote, elle a roulé dans toute l’Europe. La bourlingueuse a posé ses valises à Barcelone la semaine ou le squat a ouvert. Cela faisait plusieurs années qu’elle rêvait de vivre dans une communauté. J’écoute de toutes mes oreilles, fascinée de voir les mains de Fraiz, abîmées par le travail du jardin, jouer avec autant de légèreté.

Une vie à 50 euros par mois

Une exclamation nous tire de notre torpeur. Il y a un arc-en-ciel dehors. Grand barouf de chaises repoussées précipitamment. Je m’installe avec Lydia sur la terrasse située devant les toilettes sèches. Elle sont à côté de la maison et surplombent toute la vallée.

 


Les toilettes sèches du squat (Lélia de Matharel)

Dans la maison, un tintement de vaisselle. Ici, chaque occupant prépare, sert et range un repas deux fois par mois. Deux jours par semaine sont consacrés à la vie de la communauté :

  • travail dans le potager ;
  • préparation de la pâte à pain ;
  • entretien des parties communes…

Le reste du temps, les habitants de Can Masdeu sont libres. Ils doivent simplement mettre 50 euros chaque mois dans le pot commun pour les dépenses courantes, comme le sel, le sucre, ou l’abonnement téléphonique.

Il se fait tard, il faut que je retourne dans le bruit de la ville. J’essaye tant bien que mal d’exprimer mes remerciements pour le dîner et je m’en vais. Je dérape sur le chemin de terre qui descend à pic vers Barcelone.

Un dernier coup d’œil à la colline et je m’engouffre dans une bouche de métro qui me crache de l’air chaud et puant au visage.

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