Traduction française :
(par Mickael Lesage)
« Cher Japon,
tu fascines et envoûtes l’Occident depuis de très nombreuses années, par ta culture du respect et de la soumission, par tes avancées technologiques, par la beauté de tes paysages… Mais ton peuple a vu la haine détruire ses villes et ses hommes, un jour d’août 1945, et le respect et la soumission disparaissent peu à peu face à la mort instantanée. La crise économique t’as frappé toi aussi, et le marché technologique s’effondre. Il te restait ta grâce, celle des tes montagnes qui s’érigent au milieu de nulle part, celle de tes campagnes et de ta verdure, si joliment louée par Miyazaki, et tes villes futuristes qui te font osciller entre passé et modernité. Pays adoré, tu sais pourtant rester discret…
Et il fallut une catastrophe pour que le monde se rappelle du peuple japonais. Comme à Kōbe en 1995, tu es revenu à la une de l’actualité, mais cette fois-ci, les conséquences seront tout autres. Dans quelques années, on parlera de Fukushima comme on parle de Tchernobyl aujourd’hui : ses méfaits, les mensonges qui l’entourent, les morts et les contaminés. Lorsque la catastrophe est survenue, tu occupais la première place de l’actualité, avec les images chocs qui vont avec et les chiffres toujours plus terrifiants. Puis, comme si tout était résolu, tu es redevenu discret, comme à ton habitude. Le peuple à la mémoire courte est passé à autre chose, plus question d’aide internationale ou de soutien moral, démerdez vous, jusqu’a la prochaine fois.
A l’empoisonnement d’un pays, on préfère les guéguerres d’égos de quelques pantins ridicules lancés dans une course aux voix pathétiques ; à un sujet dont les écologistes n’ont pas su s’emparer, on préfère les problèmes franco-français. Serait-ce cynique d’espérer une telle catastrophe en France, pour voir les médias des autres pays s’en désintéresser aussitôt ? Pour voir les victimes oubliées dans l’instant ? L’égoïsme rend mauvais. Et l’homme n’est pas bon à la base. Vers quoi allons-nous ?
Japon, je rêve de te découvrir depuis des années. Et un an après Fukushima, tu oscilles, encore plus, entre tes paradoxes.
Et au printemps, quand reviennent les cerisiers, les rossignols chantent, bercés par le doux parfum d’une radioactivité grandissante. Et tes enfants apprennent à compter en microsieverts – et tes poissons sont toujours frais, apparemment…
Et derrière la fenêtre de ce Shinkansen, je me demande juste… que vas-tu devenir , qu’allons-nous devenir ?
Pendant ce temps, Japon, tu pourris en silence, les dégâts continuent, et les séquelles seront irréversibles.
Stop au silence, stop au nucléaire. »
Source: http://fukushima.over-blog.fr/