Le conseil des prud'hommes de Compiègne a invalidé ce vendredi le licenciement de près de 700 anciens salariés de l'usine Continental de Clairoix (Oise). C'est une décision majeure, qui sonne comme un avertissement pour le patronat comme pour le gouvernement qui a mis en place les accords sur l'emploi.
En invalidant ce vendredi 30 août le licenciement de 678 anciens salariés de l'usine Continental de Clairoix dans l’Oise, pour défaut de motif économique, et en ouvrant ainsi la voie aux indemnisations des personnes licenciées, le juge départiteur du conseil des prud'hommes de Compiègne a rendu un jugement majeur (que vous pouvez lire ici ) sur le plan des luttes sociales à l’heure où celles-ci ont tant de mal à exister.
Certes, cette victoire judiciaire, accueillie dans les larmes plus que dans la joie après des mois de bataille sur tous les fronts, a un goût amer pour les Contis, car l’argent (de 18 000 à 100 000 euros d'indemnités, soit entre deux et quatre ans de salaire selon les cas) ne leur rendra pas leur emploi, ne réparera pas le désastre humain et social qu’ils endurent depuis la fermeture de leur usine en 2009. En cas d'appel du groupe Continental, par ailleurs, ces versements seront suspendus dans l'attente d'une nouvelle décision.
Comme le rappelle Xavier Mathieu, le leader CGT de ce conflit social qui a tant défrayé la chronique sous le quinquennat Sarkozy, Continental-Clairoix, « c’est d’abord un sacré paquet de cadavres » et une tout autre réalité des plans de reclassement. En tout, sur les 1 120 personnes concernées par la fermeture, seules 300 ont trouvé un CDI et quelques-unes ont réussi leur reconversion, quand la plupart se sont cassées les dents au bout d'un an à gérer un tabac ou un salon de coiffure. Six cents sont encore inscrites à Pôle Emploi, plus d’une centaine ont divorcé, des dizaines ont plongé dans la dépression, l’alcoolisme, etc. dans une région, la Picardie, sinistrée économiquement et socialement.
Mais il n’empêche que cette décision de justice, dans la suite logique de celle rendue en février dernier par le tribunal administratif d'Amiens, qui a contesté le motif économique du licenciement de 22 salariés protégés, fera date. Car elle constitue un camouflet cinglant pour l’équipementier automobile Continental et sa maison-mère allemande, reconnue comme co-employeur et donc comme responsable des licenciements.
Non seulement les prud’hommes de Compiègne jugent que le site de Clairoix n’aurait jamais dû fermer en mars 2009, qu’il n’y avait aucune cause réelle et sérieuse économiquement pour laisser sur le carreau un millier d’employés mais il livre une analyse très exigeante de la notion de sauvegarde de la compétitivité en estimant que Continental n’a pas respecté l’accord de 2007 sur le temps de travail.
Cet accord de compétitivité avant l’heure, qui prévoyait un retour aux 40 heures hebdomadaires contre la garantie d’un maintien de l'emploi dans le site jusqu'en 2012, a volé en éclats en mars 2009 lorsque le groupe a annoncé la fermeture de l’usine, la présentant comme inéluctable du fait de la crise historique qui a frappé dès 2008 la filière automobile et qui a entraîné une surcapacité de production de pneus.
Pour l’avocate Marie-Laure Dufresne-Castets, qui défend 540 Contis, « cette décision courageuse sonne même aujourd’hui comme un avertissement aux partenaires sociaux et au gouvernement », à l’heure où le Code du travail a été entièrement revu avec l'ANI. Signé en janvier, l’accord national interprofessionnel (ANI) sur l'emploi, désormais transcrit dans la loi, limite notamment les possibilités de recours contre les plans sociaux et généralise les accords de maintien dans l’emploi, ces fameux accords de compétitivité, au cœur du dossier Continental, que François Hollande a fait.
« Alors qu’en matière de lutte dans les entreprises, nous sommes dans une phase de régression pour les salariés, ici, un juge vient désavouer les partenaires sociaux et le gouvernement qui ont consacré dans le Code du travail une pratique qui ne fait pas ses preuves, celle des accords donnant-donnant dits de maintien dans l’emploi. Les Conti y ont cru, ils ont fait des sacrifices, accepté de revenir aux 40 heures, mais leur employeur n’a pas respecté le contrat », conclut l’avocate.
Le groupe allemand, lui, étudie très sérieusement la possibilité de faire appel, estimant ces décisions « juridiquement infondées » et « incompréhensibles, notamment parce que le plan de sauvegarde de l'emploi de Clairoix est l'un des plus généreux de ces dernières années en France », écrit-il dans un communiqué.