8 mars 2013
5
08
/03
/mars
/2013
17:57
Durant des années, grâce à des artifices comptables « discutables », l'une des filiales monégasques de BNP Paribas n'a pas payé un sou d'impôt, comme le révèle « Marianne », qui a eu accès à un document d'audit. Alors que le projet de loi sur les activités bancaires passe devant les sénateurs, le texte ne prévoit toujours pas que les banques publient la répartition géographique de leurs bénéfices et de leurs impôts. On comprend pourquoi...
Jacques Brinon/AP/SIPA
Pourquoi les banques se sont-elles battues pour ne pas publier la répartition géographique de leurs bénéfices et des impôts qui les frappent ? Comment les établissements français se sont-ils débrouillés pour ne
payer que 8 % d’impôt sur les sociétés (IS), quatre fois moins qu’une PME, sur la période 2002-2009 ? Le document d’audit de l’antenne monégasque de BNP Paribas Wealth Management Suisse, elle-même filiale du groupe de la Chaussée-d’Antin, que
Marianne s’est procuré, lève une partie du voile.
A Monaco, BNP Paribas n’a pas payé un fifrelin d’IS jusqu’en 2010. La filiale du géant bancaire a réussi la prouesse de faire remonter vers sa maison mère suisse une centaine de millions d’euros de dividendes (23 millions d’euros pour la seule année 2006) sans passer par la case percepteur. Maison mère qui refilait ensuite le tout à Paris, contribuant ainsi aux résultats mirobolants du groupe, 6,6 milliards d’euros sur le dernier exercice. L’exploit est de taille. A la limite de la légalité, selon le rapport signé par deux auditeurs, Jean-Humbert Croci et Claude Palmero.
Fac-similé du rapport des commissaires aux comptes
Ce document illustre parfaitement les libertés comptables que s’autorisent les multinationales. Quitte à gruger les aimables paradis fiscaux qui les accueillent. Pour BNP Paribas, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, l’astuce consistait à jouer sur une niche fiscale monégasque : toute entreprise réalisant plus de 75 % de son chiffre d’affaires dans la principauté est dispensée d’impôt sur les sociétés. Problème : dans la pratique, c’est en France que l’essentiel du chiffre d’affaires est constitué. Pas sur le Rocher. Qu’à cela ne tienne, la filiale monégasque a artificiellement gonflé son activité en souscrivant un prêt (4 milliards d’euros, rien que cela) depuis Guernesey à un taux lambda, puis en prêtant cet argent à BNP Paribas France à ce même taux : + 0,02 %.
Un tour de passe-passe que les commissaires aux comptes de la banque ont eux-mêmes jugé « disproportionné et artificiel ».Pis, il a été dissimulé aux autorités monégasques, notent-ils : « Cette garantie financière n’est pas précisée dans les notes aux comptes annuels. […] Cette convention n’est pas non plus mentionnée dans les opérations “article 23” [déclaration visant justement à identifier les opérations fictives entre une filiale et sa maison mère]. » Et de conclure que cette « position est justifiée même si elle pourrait être discutable ». Situation que le groupe n’ignorait évidemment pas.
Grâce à ce chiffre d’affaires bidon, la filiale monégasque, on l’a vu, n’était pas taxée sur ses profits. Elle ne s’est donc pas privée pour les gonfler au maximum. Comment ? En utilisant là encore un jeu d’écritures. « Un écart de 5,8 millions d’euros (au 31 décembre 2008) existe entre la charge comptabilisée [et] le montant refacturé […] historiquement plafonné autour de 1 million d’euros », notent les auditeurs. Autrement dit, la maison mère suisse fournissait environ 7 millions d’euros de services à sa succursale monégasque… qui n’en payait que 1 million. En 2008, ces 5,8 millions d’euros représentaient 40 % de son bénéfice total ; en 2009, presque 80 % ! Victime collatérale : la France, qui collecte la TVA pour le compte de Monaco, a ainsi vu s’échapper plus de 1 million d’euros de recettes fiscales par an.
En 2010, à l’occasion de l’absorption par BNP Paribas de Fortis, à Monaco comme ailleurs dans le monde, la banque a mis fin à cette gonflette. En réalité, elle n’en avait plus besoin. En avalant Fortis, BNP Paribas Monaco a hérité de 8,9 millions d’euros de déficits fiscaux, autrement dit une créance sur le fisc d’Albert II. De quoi voir venir, et alimenter un peu plus les profits records de la première banque française.
Published by democratie-reelle-nimes
-
dans
Economie et social