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Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

Chuck Hagel et le « lobby juif » américain

 

 

Marianne - D'ici et d'ailleurs
Jeudi 17 Janvier 2013 à 14:00
Elie Barnavi - Marianne

 


Pablo Martinez Monsivais/AP/SIPA
Pablo Martinez Monsivais/AP/SIPA
Le président des Etats-Unis vient de nommer Chuck Hagel secrétaire à la Défense. A la veille d'échéances politiques et stratégiques délicates, c'est un choix logique. L'ancien sénateur de l'Etat du Nebraska est un poids lourd de la politique américaine. Spécialiste des questions de défense, il est, entre autres, président du Conseil de l'Atlantique, un organisme non partisan de promotion de la coopération transatlantique et de la sécurité internationale, et président du Conseil sur le renseignement à la Maison-Blanche. Ce héros décoré de la guerre du Vietnam est par ailleurs un conservateur bon teint, qui a reçu à vie la note flatteuse de 84 % de la part de l'American Conservative Union, le lobby conservateur le plus ancien et le mieux implanté du pays.  

Mais Hagel est aussi ce qu'on appelle là-bas un maverick, un non-conformiste. Républicain en rupture de ban, il a tourné le dos à son parti à cause de la guerre d'Irak, qu'il a qualifiée d'«une des cinq plus grosses bourdes de l'histoire des Etats-Unis». Quant à l'administration Bush, il l'a décrite comme «la plus faible en qualité, en aptitude, en consensus - pratiquement dans tout domaine et de toute présidence depuis quarante ans». Pour l'impétrant comme pour le président, la confirmation sénatoriale ne s'annonce pas comme une partie de plaisir.

Avant même le bras de fer attendu sur le Capitole, la campagne anti-Hagel s'est concentrée sur l'attitude supposée inamicale de celui-ci à l'égard d'Israël. L'homme s'est en effet permis d'exprimer des doutes sur l'efficacité des sanctions contre l'Iran et s'est montré hostile à d'éventuelles frappes aériennes israéliennes contre les installations nucléaires iraniennes. Pis, il a pris à rebrousse-poil ce qu'il a appelé le «lobby juif» et est allé jusqu'à rappeler, impertinence suprême, qu'«[il n'était] pas un sénateur israélien, mais un sénateur américain».

Aussi bien, les principales organisations juives et leurs alliés de la droite républicaine ont lancé une campagne furieuse contre sa candidature. En face, des membres éminents de l'establishment sécuritaire et diplomatique, mais aussi des voix juives – et sionistes – respectées, à l'instar de Thomas Friedman, du New York Times, et l'organisation J Street, le pendant «libéral» du puissant lobby «pro-israélien» Aipac, ont pris vigoureusement position en sa faveur. Friedman est allé jusqu'à qualifier la campagne de diffamation contre Hagel d'«écœurante».

Cette affaire prend valeur de test à plus d'un titre. D'abord, elle est susceptible de redéfinir les contours du concept de «pro-Israël». Après tout, Hagel a toujours soutenu l'engagement américain en faveur de la sécurité de l'Etat hébreu. Seulement, il ne pense pas que soutenir Israël signifie nécessairement endosser toutes les lubies de son gouvernement.

C'est donc au premier chef un test pour l'Aipac, pour lequel «pro-Israël» a fini par signifier «pro-Likoud». Ses dirigeants semblent l'avoir compris puisqu'ils n'agissent pour l'instant que par procuration. En effet, qu'Hagel emporte la nomination, et ce sera un coup dur porté à son prestige ; qu'il la rate, et ce sera la preuve de sa toute-puissance. Inconfortable dans les deux cas.

Enfin, et surtout, cette affaire est un test pour l'administration Obama en ce début de second mandat. Qu'elle perde ce bras de fer, et cela augurera mal des espoirs nourris par le camp de la paix israélien, comme par l'ensemble des alliés des Etats-Unis, d'une action américaine décisive en faveur de la paix au Proche-Orient. Gageons qu'elle le gagnera.

Chronique publiée dans le magazine Marianne (821), du 12 au 18 janvier

 

 

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