Immolation sur la place Tiananmen, le 21 octobre 2011, à Pékin, en Chine (Capture d'écran du Daily Telegraph)
Ça s'est passé au cœur de Pékin, mais il a fallu 26 jours pour que l'information sorte : un homme s'est immolé le 21 octobre sur la place Tiananmen, au centre de la capitale chinoise, devant le portrait du président Mao qui orne toujours la porte de la Paix céleste qui mène à la Cité interdite, lieu le plus symbolique du pays.
C'est un touriste britannique qui a pris la photo ci-dessus, finalement publiée cette semaine par le Daily Telegraph de Londres, forçant les autorités chinoises à publier un communiqué. Officiellement, donc, l'homme s'appelle « M. Wang », l'un des noms les plus courants en Chine, et a voulu protester contre un jugement civil le concernant, « rien de politique » affirme Pékin.
On n'en saura sans doute jamais plus sur cette immolation, la première depuis dix ans sur cette place qui a vu se dérouler les plus grands événements de l'histoire chinoise. Il y a dix ans, en effet, deux membres de la secte Falungong s'étaient donnés la mort par le feu pour protester contre la répression dont était victime leur mouvement. Depuis, la surveillance de la place a été renforcée.
L'incident d'octobre à Pékin s'ajoute à une liste, de plus en plus longue, d'immolations de protestation en Chine.
Le logement, source de révolte
La semaine dernière, une femme de 81 ans s'est donnée la mort par le feu dans la province du Henan, dans le centre de la Chine, pour protester contre la démolition prévue de sa maison, une cause importante de mécontentement dans le pays.
La femme est montée sur le toit de sa maison et s'est aspergée d'essence avant de mettre le feu. Une partie de sa famille a été arrêtée pour « perturbation à l'ordre public », selon le Nanfang Dushi Bao de Canton, un journal connu pour sa liberté de ton.
D'autres personnes dans le même cas se sont données la mort ces dernières années en Chine. En septembre, à Shanghaï, une autre femme âgée de 77 ans, médecin, avait eu recours à un autre mode de protestation : elle avait manifesté, nue et à genoux devant le siège du tribunal local.
Au Tibet, la protestation par le feu
Mais c'est surtout au Tibet que la vague de protestations par le feu est la plus importante : pas moins de onze tentatives d'immolation conduisant à six décès depuis le début de l'année, pour la plupart des moines ou des nonnes bouddhistes protestant contre l'occupation chinoise.
La dernière en date remonte au 3 novembre, avec la mort d'une nonne âgée de 35 ans, dans la localité de Ganzi.
Radio Free Asia, un média financé par les Etats-Unis, vient de diffuser une vidéo reçue du Tibet, qui montre, avec des images terribles à déconseiller aux âmes sensibles, le corps en flamme d'un moine bouddhiste du monastère de Tawu Nyitso.
Ces protestations par le feu sont embarrassantes pour le gouvernement de Pékin car elles sont bien souvent filmées ou photographiées, et les images circulent de manière virale sur le Web, malgré les filtrages et la censure.
Seule l'immolation de la place Tiananmen a mystérieusement échappé à ce « journalisme citoyen » au sens premier du terme, sans doute en raison du caractère particulièrement sensible du lieu depuis le massacre de juin 1989.
Social ou national, ce désespoir qui conduit à la mort vient contredire l'image d'« harmonie » que veut présenter le pouvoir chinois.