LEMONDE.FR | 08.11.11 | 14h54
Mangion : Qu'avez vous l'intention de faire au vu de ce plan qui vise une fois de plus les bas salaires et les classes moyennes ?
Véronique Descacq : D'abord consulter nos militants dans nos entreprises qui sont en contact direct avec les salariés. C'est aux salariés de nous dire comment ils ressentent ce plan et de nous confirmer notre analyse sur les difficultés concrètes qu'ils rencontrent, en particulier sur leur pouvoir d'achat. Dans les prochains jours, nous allons rencontrer les autres organisations syndicales pour convenir ensemble de contre-propositions ou d'actions pour la suite à donner.
Bernard : La CFDT compte-t-elle appeler à la grève contre le nouveau plan de rigueur ?
Pour l'instant, ce n'est pas le sujet. On peut douter qu'une grève apporte une solution à la question du pouvoir d'achat des salariés. Ce que l'on veut, c'est que le gouvernement entende nos contre-propositions.
LOLO : Quels moyens avez-vous pour faire entendre vos contre-propositions ?
La pertinence de celles-ci et de convaincre l'opinion qu'en supprimant les exonérations sur les heures supplémentaires qui n'apportent rien en pouvoir d'achat et qui pénalisent l'emploi, on engrange plus de 4 milliards par an, soit la moitié du plan qui est proposé aujourd'hui par le gouvernement.
pierre : A propos des retraites quelles pourraient être à présent les revendications ?
Les revendications de la CFDT sur les retraites, c'est de raisonner en durée de cotisation plutôt qu'en âge. Parce que l'âge pénalise les gens qui ont eu des carrières accidentées, essentiellement les femmes et cela pénalise aussi les gens qui ont des métiers pénibles. Très concrètement, c'est d'empêcher le passage accéléré à 67 ans pour les métiers pénibles et les carrières accidentées. C'est la remise en cause du passage à 67 ans qu'il faudra obtenir.
LE ROUX : Quand vous arrêterez vos querelles inter-syndicales pour lancer un mouvement de grèves générales illimitées contre les agences de notations pour la défense des intérêts des salariés? (je suis syndiqué à la CFDT retraité)
Sur le sujet, il n'y a pas de querelles intersyndicales, mais la volonté de travailler en commun. Un mouvement de grève illimité ne se décrète pas du plus haut des confédérations. C'est la mobilisation des salariés sur le terrain qui peut en assurer la réussite. On prend le pouls des salariés mais après, on ne sent pas la volonté des salariés de se lancer dans une grève massive illimitée.
En revanche, il est vrai que l'on doit mettre la pression sur l'Europe en particulier et aussi sur le G20 pour encadrer les agences de notation. Et nous contestons la légitimité de ces agences pour noter les Etats.
Laurent : Croyez-vous que la France a les moyens de maintenir son niveau de protection sociale ?
Je pense que maintenir un haut niveau de protection sociale, c'est à la fois un enjeu de cohésion sociale et un enjeu de développement économique. Parce que cela soutient des pans entiers de l'activité économique. La question est de savoir ce que les citoyens sont prêts à mutualiser comme ressources pour avoir ce haut niveau de protection sociale.
Cela veut dire aussi qu'il faut réformer la protection sociale pour qu'elle réponde mieux aux enjeux de la société d'aujourd'hui (évolution du monde du travail, évolution de la famille...). Pour répondre à ces deux enjeux, cohésion et soutien de l'activité économique, il y a beaucoup de redéploiement à faire à budget constant en matière de politique familiale, par exemple. Mais il faut accepter qu'en matière de santé, les coûts sont amenés à évoluer du fait des progrès médicaux et de l'allongement de la durée de vie et qu'il faudra trouver des ressources supplémentaires au travers d'un impôt équitable, comme la CSG par exemple.
jean-claude : N'êtes-vous pas bloqué dans vos actions par l'échéance prochaine de l'élection présidentielle ?
C'est moins le monde du travail et le syndicalisme qui est bloqué dans son action que le politique. On voit bien d'ailleurs que le plan annoncé hier tente de répondre à un double enjeu : rassurer les agences de notation sans inquiéter l'électorat. Du coupe, il ne propose pas de perspective à long terme.
LEBRANCHE : Que pensez-vous du programme du PS sur la protection sociale ? Allez-vous soutenir un candidat ?
Nous n'allons soutenir aucun candidat. En revanche, nous présenterons nos propositions sur l'emploi, la protection sociale, la fiscalité à tous les candidats républicains. Et nous transmettrons leurs réponses à nos propositions.
Jason : Etes vous satisfaite du "gel" des salaires du gouvernement proposé dans le plan de rigueur ?
Cela me paraît une mesure peut-être démagogique. Les augmentations sont déjà gelées pour l'ensemble des fonctionnaires. Cela me paraît la moindre des choses qu'il en soit de même pour les ministres.
92 : Allez-vous rencontrer Xavier Bertrand dans les prochains jours pour discuter de la rigueur comme il vous l'a proposé ?
Xavier Bertrand n'a pas proposé de nous rencontrer pour parler de la rigueur, mais seulement pour parler de l'économie sur les dépenses de santé. Or, nous, nous pensons qu'il y a beaucoup d'autres sujets qui concernent les salariés. En particulier, tout ce qui concerne la fiscalité. Ce que l'on veut dire au gouvernement, c'est qu'il est temps qu'il revienne sur l'exonération des heures supplémentaires.
Si le préalable du gouvernement, c'est qu'il ne veut pas parler de cela, on ne voit pas bien ce que l'on va dire à Xavier Bertrand. Tant qu'il cantonne la conversation aux 700 millions économisés sur les dépenses de santé, nous n'irons pas le rencontrer. En revanche, on veut rencontrer le premier ministre sur l'ensemble du plan.
José : Quelle mesure vous semble la plus scandaleuse dans le plan de rigueur annoncé hier ?
Avec celle des retraites, il y a celle sur la moindre revalorisation des allocations familiales et allocations logement. Surtout qu'elles semblent vouloir être pérennes. Cela aura pour conséquence un décrochage très sérieux en terme de pouvoir d'achat pour les familles, mais aussi pour les jeunes, avec en particulier les allocations logement. Alors que l'on sait que ces allocations logement sont importantes pour l'insertion.
Marka : Ne pensez-vous pas que l'austérité va être encore pire l'année prochaine ?
Ce qui est préoccupant, c'est que le plan ne prévoit de mesures de relance de l'activité économique ni de mesure de soutien à l'emploi. La crainte que nous avons, c'est ce que ce plan aggrave la récession et que de nouvelles mesures d'austérité soient prises l'année prochaine.
C'est la raison pour laquelle nous regrettons qu'il n'y ait pas un volet de politique industrielle dans le plan annoncé. Mais nous regrettons aussi l'abandon de la réforme de la dépendance qui aurait permis de soutenir l'activité des services à la personne. Les travaux de cet été, des commissions, du Conseil économique et social et des organisations syndicales ont démontré qu'un plan pour la dépendance était facilement finançable avec une faible taxation des héritages.
claude : Comment peut on accepter de voir encore modifiées les conditions de départ en retraite sans aucune concertation avec la représentation des salariés alors qu'il avait été mis dans la loi que la négociation était un préalable à tout texte légal ?
Vous avez raison. Depuis plus d'un an maintenant, la concertation avec les organisations syndicales passe à la trappe. C'est contraire à tous les engagements du début de mandat. Et cela suscite l'exaspération et l'incompréhension des salariés. Pourtant, sur le sujet des heures supplémentaires, il y a un consensus parmi les organisations syndicales qui aurait pu être mis à profit par le gouvernement.
Bertrand : Alors que la conjoncture politique, économique et sociale donne crédit aux revendications salariales, le mouvement social-syndical et quasiment inexistant. Comment expliquez-vous cela ?
A la CFDT, on a à la fois une vision d'ensemble des enjeux économiques et sociaux et des propositions très concrètes sur tous les sujets qui touchent à la vie quotidienne et au pouvoir d'achat des salariés : conditions de travail, fiscalité, protection sociale, salaires... En ce moment, le gouvernement est à fois focalisé sur l'opinion des agences de notation d'une part et sur les enjeux électoraux d'autre part.
De leur côté, les salariés ont conscience de la gravité de la situation économique. Ils sont eux-mêmes violemment percutés par le chômate et les baisses de pouvoir d'achat. Mais ils ne pensent pas que ce soit au travers des grèves que la situation évoluera.
Christophe : Pour en revenir aux allocations familiales, ne croyez-vous pas qu'il serait nécessaire de définir un plafond de ressources au-dessus duquel les ménages concernés ne pourraient prétendre à en bénéficier ?
A la CFDT, on est très attaché à l'universalité des allocations familiales. Tous les salariés participent à son financement, donc tout le monde doit pouvoir en bénéficier. En revanche, faire entrer les allocations familiales dans le barême de l'impôt sur le revenu pourrait être une bonne piste pour rendre les choses plus équitables. Il y a des dispositifs bien plus inéquitables, parce qu'ils profitent proportionnellement plus aux revenus élevés. Le quotien familial et les avantages familiaux de retraite, la CFDT propose de donner le même montant par enfant à tout le monde, quels que soient les revenus.
Guest : Pourquoi les syndicats ne disent pas simplement les choses. A savoir qu'une gestion très rigoureuse est nécessaire, mais que la véritable question qui se dessine est de savoir qui subira les ajustements nécessaires ?
Il me semble que c'est ce que l'on dit. A la CFDT, on a la conviction que la question de la dette est à prendre en compte sérieusement. Il faudra donc faire des efforts, en particulier augmenter les ressources de l'Etat et de la protection sociale. Toute la question est de faire en sorte que ces efforts soient équitablement répartis. C'est la raison pour laquelle nous proposons une remise à plat de la fiscalité pour rendre les impôts plus progressifs.
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