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Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

Cévennes : une multinationale veut exploiter la châtaigneraie...un gâchis qui profite à une multinationale

 

Info reçue par mail

 

"On va brûler des forêts, transporter du bois sur 400 bornes et perdre 60 % de l’énergie. C’est un gâchis qui profite à une multinationale. C’est de l’opportunisme, du greenwashing : on repeint en vert une démarche économique. Leur boulot, ce n’est pas de retaper la châtaigneraie cévenole."

 

Cévennes : une multinationale veut exploiter la châtaigneraie

  ARNAUD BOUCOMONT

 La multinationale E.On propose d'exploiter le bois cévenol et de le transformer en électricité dans son usine de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône. Eldorado ou massacre ? Pros et antis s'affrontent.

Voilà des décennies que pas grand monde ne se souciait de la châtaigneraie cévenole. "C'est une belle endormie à moitié morte, elle a été abandonnée depuis une cinquantaine d'années", insiste Christophe Gleize, patron de l'entreprise forestière UFV au Vigan et président d'Arfobois, l'interprofession rassemblant la filière en Languedoc-Roussillon.
Et voilà qu'un groupe allemand, E.On, se penche au chevet de la belle mourante. Pour la réveiller, au terme d'intérêts communs bien compris. Un mariage de raison plus que d'amour, mais au moins une perspective : fournir la multinationale en bois cévenol, pour brûler ce bois mort ou mal conformé aujourd'hui difficilement valorisable et le transformer en électricité, au sein de l'usine de Gardanne (Bouches-du-Rhône). Et assurer ainsi une seconde vie aux Cévennes.
A Gardanne, l'usine E.On attend le bois cévenol
Si E.On marche sur des œufs en Cévennes, il fait face à un contexte également polémique en interne : les grèves se sont succédé sur le site de Gardanne, dans le cadre de la restructuration de cette usine spécialisée dans le charbon qui se reconvertit à la biomasse… Avec une réduction d’effectifs à la clé. Une visite de presse de l’usine était prévue vendredi. Elle a été annulée au dernier moment, sur fond de négociations sociales tendues.
35 000 tonnes de bois des Cévennes
La mise en service industrielle est prévue pour la mi-2015. La moitié de l’approvisionnement forestier se fera via des importations, dans un premier temps. "Notre engagement est de voir ces importations disparaître dans dix ans", indique Stéphane Morel, le secrétaire général d’E.On France. Un chiffre annuel de 35 000 tonnes est avancé pour les Cévennes, mais c’est "une estimation crédible", qui peut être revue à la hausse ou à la baisse. "45 000 tonnes, pourquoi pas. Sur 300 000 hectares, la superficie totale des Cévennes, ça correspond à une surface entre 500 et 2 000 hectares", précise-t-il.
Après des réunions un brin tendues, sur le mode "E.On dehors !", rappelle le secrétaire général, la situation s’est apaisée, estime-t-il, à force de pédagogie. Un appel à initiatives a été lancé, doté d’une "somme modeste", reconnaît Stéphane Morel, de 200 000 €. Objectif : faire émerger des solutions pour extraire le bois dans les pentes, ou encore amener les petits propriétaires à se regrouper dans des unités de gestion.
Stockage à Gardanne
À Gardanne, le bâtiment de stockage du bois sera prêt à la fin du mois. Turbine vapeur et alternateur seront installés dans l’été. Même si la phase vraiment opérationnelle n’est prévue qu’en 2015, il faut déjà préparer les arrivées : une vingtaine de contrats ont été signés avec différents opérateurs, sur la totalité des zones d’approvisionnement. Quatre l’ont été sur le Gard et la Lozère, "pour un total de 21 000 tonnes" qui atteint déjà les deux tiers de l’objectif cévenol.
E.On justifie ses prix d’achat inférieurs à celui des petites chaufferies : "C’est le prix normal des gros tonnages, avec une visibilité garantie sur quatre ou cinq ans." Quant au fait que l’usine ne fasse que de l’électricité, et pas de la cogénération électricité-chauffage, M. Morel précise que "cette dérogation a été actée par l’État en fonction de l’enjeu électrique pour la région Paca". Et, selon lui, l’efficacité énergétique, qui sera à Gardanne "de 41 %", pourrait passer à "50 % si nous contractualisons de la vente de vapeur".
Opposition de militants associatifs
Mais ne serait-ce pas là le baiser de la mort ? Des militants associatifs dénoncent en tout cas un remake de "la déforestation du XIXe siècle, avec ses conséquences désastreuses, dégradation des sols, inondations, désertification rurale". Nuançons la vision de mort des Cassandre : E.On compte se fournir en bois dans un rayon de 400 kilomètres autour de Gardanne. La part cévenole ne pèserait, annuellement, que pour 40 000 tonnes, sur un total d'environ 400 000. Soit 10 %. Et sur une surface qui va du Vigan à l'Ardèche. Une goutte d'eau, a priori : un grumier peut transporter 40 tonnes de bois. Voilà qui ferait 1 000 camions par an, trois par jour.
5 millions de tonnes de châtaigniers dépérissent dans les Cévennes
"La filière bois estime qu'il y a cinq millions de tonnes de châtaigniers dépérissant dans les Cévennes, assure Christophe Gleize. E.On et la bioénergie en général, c'est une chance, celle de créer des emplois et de protéger la châtaigneraie. Les gens parlent du gaz de schiste, mais notre pétrole, il est là. 1 000 tonnes, c'est un emploi. 40 000 tonnes, c'est 40 emplois."
Bien maigre récolte, pourrait-on dire. Mais le marché de la bioénergie dépasse largement le cadre d'E.On. En 2016, des taxes seront instituées sur les industries polluantes en CO2. De nombreuses collectivités activent donc la bascule vers la biomasse pour leurs chaudières. Les Cévennes pourraient donc profiter d'un marché bien plus large qu'E.On. Et les concurrences commencent à s'aiguiser, tirant les prix vers le haut.
Des prix jugés trop bas
Les acteurs de la filière forestière s'épient, jaloux de leurs territoires. L'usine de papier de Tarascon voit d'un très mauvais œil l'arrivée d'E.On. Le rapport de forces va aussi s'établir entre zones d'approvisionnement : les forestiers provençaux résistent pour l'instant aux offres d'E.On, jugeant les prix trop bas.
Si la bioénergie perturbe le marché du bois, encore faut-il que la forêt cévenole puisse entrer dans le jeu. "Qui va aller couper les arbres ?, interroge Christophe Gleize. Les forestiers préfèrent couper du résineux, beaucoup mieux conformé. Le châtaignier, c'est un bordel innommable." Ils n'ont pas des engins adaptés, les pentes sont sévères et le contexte, une succession de taillis, n'aide pas à un accès facile et à une rentabilisation optimale.
Christophe Gleize plaide pour "un dispositif de compensation" pris en charge par l'État. L'argument fait bondir un autre Viganais, Pierre Muller, adjoint à l'environnement de la ville : "Je ne vois pas pourquoi l'État irait mettre du fric pour faire tenir un projet bancal : il n'y a pas de cogénération, il faut du transport. Et, en plus, on ferait payer le contribuable ? Ce serait du Kafka !"
Christophe Gleize se veut en tout cas rassurant sur un point : les Cévennes ne seront pas massacrées. "On ne va pas faire un gros trou, assure-t-il. On connaît le poids des médias, des locaux qui vont se mettre en association et tout bloquer." Un protocole a été signé entre E.On et le Parc national des Cévennes pour encadrer les exploitations possibles.
L'élue Sophie Pantel : "On ne crache pas dessus, mais on reste vigilant"
Mais il s'agit surtout d'une déclaration d'intentions. Rien n'est cartographié, quantifié. Et ni le PNC ni l'État n'auront les moyens de tout vérifier. "On est protégé par les demandes d'autorisation", se rassure la conseillère régionale Sophie Pantel. "On ne crache pas dessus, mais on reste vigilant, poursuit-elle. Les quantités prélevées sont bien inférieures à ce que prélèvent déjà les entreprises locales. Et ce sont elles qui défoncent les routes et les barrières de dégel, ce n'est pas E.On."
Si le châtaignier n'était pas exploitable, l'usine de Gardanne "n'exclura pas d'exploiter du résineux, dans des zones plus faciles d'accès", note le Mendois Jean-Pierre Lafont, ex-directeur de la Forêt privée lozérienne et gardoise. Ça peut d'ailleurs être une piste : éradiquer la présence des pins qui ont souvent colonisé des pans entiers de montagne.
Redonner de la vigueur aux châtaigniers
Mais pour Jean-Pierre Lafont, il est urgent d'agir sur le châtaignier. "Il faut leur redonner de la vigueur. Et si l'on coupe, l'année d'après, il y a déjà des repousses d'un mètre. C'est une essence qui a besoin d'être renouvelée tous les trente ans. Ça fait soixante ans qu'il ne s'y passe plus rien. J'ai fait beaucoup de réunions sur la châtaigneraie dans ma carrière. Ça intéressait les gens, mais après, rien ! L'amour des Cévenols pour le châtaignier est platonique."
Originaire de Saint-Germain-de-Calberte, au cœur des Cévennes, Jean-Pierre Lafont se navre de voir sa châtaigneraie "crever à petit feu". C'était déjà, dans les années 70, le titre d'un livre de Jean-Pierre Chabrol, Le Crève-Cévenne. Les genêts, envahissants, qui étouffent le pays. La vie qui se retire. À petit feu. Le grand feu de la biomasse parviendra-t-il à la faire renaître de ses cendres ?
Pierre Muller, adjoint à l'environnement au Vigan : "Un gâchis"
Quelle est votre position quant au projet d’E.On ?
Je ne me fais pas trop d’illusions sur la stratégie de ce groupe transnational qui a besoin de points carbone parce qu’il pollue beaucoup sur d’autres sites. Ils ne font pas de cogénération à Gardanne : ils ne font que de l’électricité, pas de chauffage. On va brûler des forêts, transporter du bois sur 400 bornes et perdre 60 % de l’énergie. C’est un gâchis qui profite à une multinationale. C’est de l’opportunisme, du greenwashing : on repeint en vert une démarche économique. Leur boulot, ce n’est pas de retaper la châtaigneraie cévenole.
Ce n’est pas une mauvaise idée en soi de s’y intéresser…

Oui, tout le monde sera d’accord pour dire que la châtaigneraie cévenole est dégénérative. Quelques écolos babas défendent les châtaigniers mais cette châtaigneraie n’est pas défendable. Ça ne peut lui faire que du bien d’être régénérée. Mais il y a beaucoup de nuages sur ce beau projet. Les propriétaires vont prendre leurs 500 € l’hectare et ils achèteront un nouvel écran plat ! Si on fait ça, on aura loupé quelque chose : il faut, au contraire, que les gens se rassemblent, en groupements forestiers ou en coopératives, il faut un suivi de la régénérescence, pour éclaircir, sélectionner les rejets. Et il faut aussi parvenir à brûler le bois localement : pourquoi donner à E.On ce qu’on pourrait utiliser dans des chaudières collectives ici ? On est fauché. Le premier qui se pointe avec un Mickey ou un Disneyland, les maires vont se jeter sur lui. C’est le danger, comme celui du gaz de schiste ou des éoliennes.

 

 

 

 

 

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