Pour ceux qui se souviennent de leur cours de sciences naturelles, voici revenir le temps des les réflexes conditionnés. Rappelez vous l’expérience du russe Pavlov : le petit chien reçoit une décharge électrique et une lumière s’allume, il aboit. Au bout d’un certain nombre d’occurrence, la simple lumière rouge suffit à le faire hurler à la mort. Et bien la presse occidentale, à force de crises grecques répétées, est désormais dressée à crier « les Grecs hors de la zone euro !». C’est ce que fait ce jour le quotidien Le Monde, qui titre « le poison grec tétanise à nouveau l’Europe ». Suit un grand article qui dresse un scénario quasi inéluctable de la sortie de la Grèce de la monnaie unique. Et les journalistes ne sont pas seuls dans ce cas. On trouve le même réflexe « il faut sortir de l’euro » chez Jacques Sapir.
Dans les deux cas, un oubli plus que fâcheux : les Grecs, eux, ne veulent pas sortir de l’euro ! Ils ont voté à près de 80% pour des partis qui ne se sont pas présentés sur ce programme et à plus de la moitié pour le refus de l’austérité imposé par la troïka FMI-BCE-Union européenne. Pour les Grecs, le dernier sondage donnait 65% en faveur de la monnaie unique et une quinzaine de pour cent pour la sortie. Alors de deux choses l’une : soit on prend au sérieux la démocratie (« pouvoir du peuple », en grec justement) et on écoute le message des Grecs, soit on prend les citoyens grecs pour des ploucs qui n’ont rien compris alors qu’ils subissent leur cinquième année de récession, et on prétend faire le bonheur des peuples à leur place.
Nous retombons d’ailleurs dans le travers que Marianne dénonçait le 2 novembre dernier, lorsque les Européens avaient interdit au Premier ministre grec de convoquer son peuple pour voter ou non son quitus au plan de rigueur tout juste négocié en échange de l’aide européenne. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel avait contraint le malheureux Georges Papandreou à renoncer en exigeant de lui un référendum « sur l’appartenance à la zone euro » (et donc à l’Union européenne), sous la menace de déclarer le pays en faillite. On trouvera ici notre papier sur la nouvelle « doctrine de la souveraineté limitée » en Europe.
Merkel et Sarkozy avaient piétiné la démocratie. Elle se venge cinq moins plus tard. Car le résultat des élections en Grèce, faute de déboucher sur la formation d’un gouvernement, est l’équivalent du référendum sur l’austérité que « Merkozy » ne voulait à aucun prix. On en revient au même problème : les Grecs veulent desserrer l’étau de la récession, retrouver un avenir, et rester en Europe et dans l’euro. Il n’y a donc qu’un chemin : il faut aider les Grecs, pas les enfoncer dans le trou noir des privations, ni les chasser comme des malpropres vers une catastrophe plus grande encore.
Et il y a urgence : en évitant le référendum en novembre dernier, Sarkozy et Merkel ont certes reculé l’échéance, mais Hollande et Merkel se retrouvent face une situation encore plus dégradée, car en novembre 2011, il y avait encore un pouvoir politique à Athènes pour tenter de gérer la crise. En mai 2012, on s’achemine dangereusement vers l’anarchie, en plus de la crise…
PS : Les Français ont aussi fait le choix politique de l’euro le 22 avril 2012. Dans une campagne où la question détait posée pour la première fois depuis 1992, le seul candidat véritablement pour la sortie de l’euro, Nicolas Dupont Aignan, qui a fait une campagne talentueuse, a récolté moins de 2% des suffrages. Marine Le Pen, elle, a mis la thématique sous un mouchoir lorsqu'elle s'est aperçue qu'elle n’était pas populaire. Le sondage en grandeur réelle du premier tour fait donc apparaître un rapport de 80/20 en faveur du maintien dans la zone euro.