Source : rue89.nouvelobs.com
Le concepteur de jeux Ian Bogost signe une nouvelle tribune, sur The Atlantic, qui mérite l’attention : « La cathédrale du calcul ».
Il y dénonce à nouveau la culture algorithmique, symbole que la science et la technologie sont devenues une nouvelle théologie. Cette culture algorithmique dont tout le monde parle est une dévotion, une supplication faite aux ordinateurs, un moyen de remplacer Dieu dans nos esprits alors même que nous prétendons simultanément que la science nous a rendu imperméables à la religion.
Et dans cette nouvelle théologie, l’ordinateur, le logiciel et les algorithmes tiennent une place particulière, explique-t-il :
« La première erreur est de transformer les ordinateurs en dieux. La deuxième, de traiter leurs sorties comme les Ecritures. »
Le contre-exemple Netflix
Ces technologies sont pourtant loin de fonctionner avec l’efficacité qu’on leur prête. Ian Bogost revient sur le concours lancé par Netflix pour améliorer son moteur de recommandation et comment celui-ci se termina sans vainqueur. La plateforme américaine a fini par minimiser les évaluations des internautes en développant une multitude de sous-genres pour classer et recommander ses films. Nous sommes loin de la magie des algorithmes : Netflix forme des gens pour regarder des films et taguer les contenus ; une foule de mots-clés est ainsi présentée aux clients, en fonction de leurs habitudes de visionnage.
La plateforme fonctionne donc selon des méthodes qui ressemblent plus à un procédé de fabrication chinois, avec des process complexes et multiples dont seul un fanatique appellerait le résultat final un algorithme.
« Ils sont des caricatures »
Que seraient les Big Data sans le raffinage et le nettoyage souvent complexes et manuels de données brutes ? Que serait Google Maps sans satellites, sans ses voitures ?
Les algorithmes ne sont pas des dieux.
« Ils sont des simplifications, des distorsions. Des caricatures. Ils prennent un système complexe du monde et le rendent abstrait via des processus qui captent une partie de la logique de ce système et jette le reste. Et se couplent à d’autres procédés, machines et matériaux qui réalisent les parties qui ne relèvent pas du calcul de leur travail.
Malheureusement, les systèmes informatiques ne veulent pas admettre qu’ils sont burlesques. Ils veulent être innovants, perturbateurs, transformateurs… Et un tel zèle nécessite une cécité sectaire. »
Seuls les jeux admettent volontiers qu’ils sont des caricatures. Ils subissent les conséquences de cet aveu en étant déconsidérés par l’opinion publique. « SimCity » n’est pas un outil de planification urbaine, c’est une caricature.
Comme paralysés
Oui, des algorithmes sont impliqués dans Netflix ou Google Maps. Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire. Une version « théologisée » de la diversité utilisée comme processus.
Oui, le calcul a pris une place considérable dans la culture contemporaine, mais le concept d’algorithme est devenu un raccourci bâclé.
Cette vénération nous empêche d’intervenir dans les changements sociaux que des grandes entreprises comme Google ou Facebook mettent en place, estime Bogost. Voir leurs résultats comme étant au-delà de notre influence, comme étant prédéterminés et inévitables nous paralyse. Cela nous empêche de voir que les systèmes informatiques sont des abstractions, des caricatures, une perspective parmi d’autres.
« Nous ne voulons pas d’une culture algorithmique, surtout si ce concept euphémise seulement une théocratie du calcul. »
Et son nouveau clergé !
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