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(Mathieu Cugnot/AP/SIPA)
Redémarrer les hauts fourneaux de Florange en mettant le pied à l'étrier à un repreneur capable de concurrencer ArcelorMittal dans l'hexagone, c'était, dans un contexte de crise, mettre en péril le site sidérurgique de Dunkerque et ses 3000 emplois. Au delà des arguments de coût ( 600 millions d'euros publics), de difficultés juridiques, de philosophie – un État impécunieux doit-il ou non jouer les entrepreneurs dans un secteur en crise ? –, voilà le raisonnement qui a convaincu le président François Hollande et son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, de ne pas réquisitionner l'ensemble des activités de Florange, comme le souhaitait Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif.
Quitte à se satisfaire des engagements de Lakshmi Mittal d'investir (180 millions d'euros) et de ne pas licencier dans la vallée de la Fentsch. Un choix, à moyen terme, beaucoup plus risqué qu'il n'y paraît. Voici pourquoi.
L'aveu subi, le 6 décembre, de difficultés techniques pour justifier le retrait temporaire à Bruxelles, du projet Ulcos (une technologie de captage de CO2 qui pourrait donner un sursis à la coulée de Florange) en donne une nouvelle illustration: le PDG du numéro un mondial de l'acier est un joueur de flûte de niveau international.
L'accord confidentiel, à durée indéterminée, que Marianne met en ligne, permet même d'apprécier toute sa virtuosité. En effet, ces dix pages ont été paraphées, le 2 novembre 2009 par le directeur financier d'ArcelorMittal, Gonzalo Urquijo, et Michel Wurth, alors responsable des aciers plats Europe du groupe, poste occupé aujourd’hui par le fils du PDG, Aditya Mittal. Tel un conte de Noël, elles visaient à rassurer tous les salariés européens du groupe représentés par la FEM, la Fédération Européenne de la Métallurgie, huit mois après la fermeture de Gandrange.
« Arcelor Mittal a l’intention de préserver l’ensemble des outils et usines qui sont mis sous cocon ou temporairement arrêtés afin de les remettre en marche pourvu que le marché le permette, » lit-on sous l’intitulé « Principe général ».
Ce flamboyant paragraphe est complété par l’engagement de « renouveler machines et outils et de les remettre à niveau.» pendant ces arrêts. Hissant le dialogue social au rang d’art de « maîtriser le présent tout en anticipant le futur », le premier sidérurgiste mondial souffle le chaud en jurant ne pas envisager de licenciements obligatoires. Puis mentionne plus bas, au détour d’une phrase, que si des départs doivent toutefois avoir lieu, « ce serait dans le cadre d’une solution négociée de bonne foi, dans le respect des lois, traditions et cultures nationales. » Formulation quasi anthropologique aussi fumeuse, d’un point de vue juridique, qu’une cheminée d'aciérie !
Quitte à se satisfaire des engagements de Lakshmi Mittal d'investir (180 millions d'euros) et de ne pas licencier dans la vallée de la Fentsch. Un choix, à moyen terme, beaucoup plus risqué qu'il n'y paraît. Voici pourquoi.
L'aveu subi, le 6 décembre, de difficultés techniques pour justifier le retrait temporaire à Bruxelles, du projet Ulcos (une technologie de captage de CO2 qui pourrait donner un sursis à la coulée de Florange) en donne une nouvelle illustration: le PDG du numéro un mondial de l'acier est un joueur de flûte de niveau international.
L'accord confidentiel, à durée indéterminée, que Marianne met en ligne, permet même d'apprécier toute sa virtuosité. En effet, ces dix pages ont été paraphées, le 2 novembre 2009 par le directeur financier d'ArcelorMittal, Gonzalo Urquijo, et Michel Wurth, alors responsable des aciers plats Europe du groupe, poste occupé aujourd’hui par le fils du PDG, Aditya Mittal. Tel un conte de Noël, elles visaient à rassurer tous les salariés européens du groupe représentés par la FEM, la Fédération Européenne de la Métallurgie, huit mois après la fermeture de Gandrange.
« Arcelor Mittal a l’intention de préserver l’ensemble des outils et usines qui sont mis sous cocon ou temporairement arrêtés afin de les remettre en marche pourvu que le marché le permette, » lit-on sous l’intitulé « Principe général ».
Ce flamboyant paragraphe est complété par l’engagement de « renouveler machines et outils et de les remettre à niveau.» pendant ces arrêts. Hissant le dialogue social au rang d’art de « maîtriser le présent tout en anticipant le futur », le premier sidérurgiste mondial souffle le chaud en jurant ne pas envisager de licenciements obligatoires. Puis mentionne plus bas, au détour d’une phrase, que si des départs doivent toutefois avoir lieu, « ce serait dans le cadre d’une solution négociée de bonne foi, dans le respect des lois, traditions et cultures nationales. » Formulation quasi anthropologique aussi fumeuse, d’un point de vue juridique, qu’une cheminée d'aciérie !
Une gestion financière qui pèse sur la fiabilité des outils
Car depuis 2009, l’hécatombe des sites européens d'ArcelorMittal n'a connu aucune pause. Outre la coulée à chaud de Florange, le groupe est en passe de fermer deux haut fourneaux en Wallonie et une fonderie à Liège ( 795 postes de travail supprimés). Il n’a promis de réinvestir sur place 138 millions d’euros qu’après un long conflit social. En Espagne, son aciérie de Madrid est également à l’arrêt. Au Luxembourg, à Schifflange et Rodange, 282 salariés ont été condamnés au désœuvrement subventionné...
« Lors de notre dernière réunion, l’un de nos responsables industriels a été très clair, confie un ancien de la maison. Les trois axes stratégique du groupe ArcelorMittal, plombé par son endettement, sont désormais : désinvestir en Europe, baisser ses coûts et augmenter sa rentabilité. »
Pour ce faire, le groupe revendrait à bon prix à ses activités sidérurgiques, le minerai qu'il extrait puis transporte. Tout en défendant mordicus ses marges sur ses tôles, au risque de faire fuir ses clients chez ses concurrents.« Selon un rapport d'expertise, cette politique de prix élevés nous a déjà fait perdre 2,5 millions de tonnes de vente ! » s'indigne un élu du personnel. 2.5 millions de tonnes: l'équivalent de la production d'acier de Florange ! La crise a le dos large. Et ce n'est pas tout.
Lancé en 1974, le site de Fos-sur-Mer a beau être récent, ses hauts fourneaux depuis leur rachat par Mittal, ont été fatigués par une exploitation en dents de scie et une maintenance chiche. A tel point que certaines des bobines à chaud d'acier électrique que livre Fos au site de Saint Chely d’Apcher (Lozère) – seule installation du sidérurgiste à avoir profité en 2012 d'un investissement de 100 millions d’euros, ont posé des problèmes de qualité. Alors que ces matériaux sont destinés aux moteurs de TGV, de voitures, tous constructeurs exigeants.
Du Sud au Nord de la France, cette gestion financière pèse sur la fiabilité des outils : « Nous vivons sur nos acquis, » se désole Philippe Verbèke, de la CGT ArcelorMittal Mardyck. Pire encore, le géant de l’acier ayant depuis 14 mois gelé ses embauches, en prévision des divers reclassements à réaliser, il peine à assurer la transmission de ses compétences, alors qu'il va bientôt être confronté à des départs massifs à la retraite.
Ainsi à Fos-sur-Mer comme à Dunkerque, des centaines de postes ne sont pas pourvus. Ce qui n'empêche pas le groupe, cette semaine, de refuser d'accorder toute augmentation générale à ses personnels en 2013. Ce manque de perspectives décourage des jeunes qui partent tenter leur chance dans la pétrochimie. Et si les jeunes s’en vont voir ailleurs, à moyen terme donc, François Hollande et Jean-Marc Ayrault peuvent légitiment s'inquiéter pour une sidérurgie tricolore...
« Lors de notre dernière réunion, l’un de nos responsables industriels a été très clair, confie un ancien de la maison. Les trois axes stratégique du groupe ArcelorMittal, plombé par son endettement, sont désormais : désinvestir en Europe, baisser ses coûts et augmenter sa rentabilité. »
Pour ce faire, le groupe revendrait à bon prix à ses activités sidérurgiques, le minerai qu'il extrait puis transporte. Tout en défendant mordicus ses marges sur ses tôles, au risque de faire fuir ses clients chez ses concurrents.« Selon un rapport d'expertise, cette politique de prix élevés nous a déjà fait perdre 2,5 millions de tonnes de vente ! » s'indigne un élu du personnel. 2.5 millions de tonnes: l'équivalent de la production d'acier de Florange ! La crise a le dos large. Et ce n'est pas tout.
Lancé en 1974, le site de Fos-sur-Mer a beau être récent, ses hauts fourneaux depuis leur rachat par Mittal, ont été fatigués par une exploitation en dents de scie et une maintenance chiche. A tel point que certaines des bobines à chaud d'acier électrique que livre Fos au site de Saint Chely d’Apcher (Lozère) – seule installation du sidérurgiste à avoir profité en 2012 d'un investissement de 100 millions d’euros, ont posé des problèmes de qualité. Alors que ces matériaux sont destinés aux moteurs de TGV, de voitures, tous constructeurs exigeants.
Du Sud au Nord de la France, cette gestion financière pèse sur la fiabilité des outils : « Nous vivons sur nos acquis, » se désole Philippe Verbèke, de la CGT ArcelorMittal Mardyck. Pire encore, le géant de l’acier ayant depuis 14 mois gelé ses embauches, en prévision des divers reclassements à réaliser, il peine à assurer la transmission de ses compétences, alors qu'il va bientôt être confronté à des départs massifs à la retraite.
Ainsi à Fos-sur-Mer comme à Dunkerque, des centaines de postes ne sont pas pourvus. Ce qui n'empêche pas le groupe, cette semaine, de refuser d'accorder toute augmentation générale à ses personnels en 2013. Ce manque de perspectives décourage des jeunes qui partent tenter leur chance dans la pétrochimie. Et si les jeunes s’en vont voir ailleurs, à moyen terme donc, François Hollande et Jean-Marc Ayrault peuvent légitiment s'inquiéter pour une sidérurgie tricolore...