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Essayiste, rédactrice en chef de la revue Prochoix.
Essayiste et rédactrice en chef de la revue Prochoix, Caroline Fourest est l'invitée de la semaine de l'Humanité.
"Ils défient les CRS, se couchent sur les voies de TGV, harcèlent et huent les ministres, au cri de «Hollande fasciste» ! Souvent, leurs manifestations dégénèrent. Des casseurs lancent des projectiles, quand ils n’agressent pas les journalistes. Mais la droite comprend. Celle qui ne veut pas céder à la «dictature de la rue» quand il s’agit de ne pas laisser casser les acquis sociaux ou réformer les retraites comprend ces «casseurs»-là. Elle parle même de «colère populaire». Le Point s’interroge: sommes-nous à la veille d’un 1789?
Quelle imposture. Car, de quel peuple et de quelle colère parlons-nous? Ce ne sont pas les plus défavorisés qui manifestent contre le droit au mariage pour tous, mais les plus favorisés. Il ne s’agit ni des salariés désespérés, ni d’ouvriers en lutte pour qu’on ne ferme pas leur usine, ni de jeunes au chômage. Non, ces manifestants-là descendent dans la rue pour que d’autres citoyens ne puissent pas se marier ou adopter. Pour conserver le modèle dominant, patriarcal et hétérosexiste.
À l’image de Frigide Barjot, ils arborent des insignes où les filles sont en rose et les garçons sont en bleu –comme sur la porte des toilettes– pour être sûrs de ne pas oublier la sacro-sainte différence des sexes. Ils disent défendre la famille mais interdisent à d’autres d’en fonder, et forment eux-mêmes un drôle de mariage. Entre sympathisants de l’UMP et du FN, entre catholiques anti-avortement et néofascistes.
Bien sûr, ils ne sont pas tous d’accord sur le sort à réserver aux homosexuels. Certains veulent les tuer, d’autres simplement les ségréguer ou les discriminer. Mais une chose est sûre: aucun de ces révoltés-là ne veut l’égalité. Ils manifestent pour conserver leurs privilèges. Avec une rage qui n’est pas celle de 1789 mais bien plutôt celle de la noblesse à la veille du 4 août. D’ailleurs, ce n’est pas de la rage, mais de la morgue, voire pour certains de la haine. Et cela change tout.