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Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

Bruxelles veut affaiblir les agences de notation

LEMONDE | 14.11.11 | 13h13   •  Mis à jour le 14.11.11 | 16h24

 
 

Possibilité de suspendre la notation dans certaines circonstances, davantage de concurrence, plus de transparence... : le commissaire européen aux services financiers, Michel Barnier, devait dévoiler, mardi 15 novembre, de nouvelles mesures pour réguler les agences de notation, ces sociétés chargées d'évaluer la solidité d'un emprunteur - entreprises ou Etats - sur les marchés. Un troisième texte en ce sens, après deux moutures, en 2009 et en mai 2011.

Cette présentation intervient quelques jours à peine après que l'agence Standard & Poor's (S & P), eut envoyé par mégarde à des clients un courrier électronique pouvant laisser croire que la France avait été dégradée.

Une bévue qui a relancé les critiques contre les agences : abus de pouvoir, partialité, oligopole, évaluation pousse-au-crime... "Il ne s'agit pas d'en faire des boucs émissaires, leur utilité est reconnue, indique-t-on à Bruxelles. Mais l'incident grave chez S & P démontre un peu plus encore le besoin d'une réglementation stricte."

A l'avenir, l'ESMA, le régulateur européen des marchés, pourra ainsi suspendre de manière temporaire la notation d'un Etat dans certaines circonstances "exceptionnelles". Un moyen d'éviter de rééditer deux précédents qui avaient particulièrement agacé les autorités européennes : les dégradations, par l'agence Moody's, au rang de junk bonds (obligations pourries) des dettes grecque, en juin 2010, et portugaise, en juillet 2011, juste après que ces pays aient négocié un programme européen d'assistance.

"Ce dispositif restera très rare, note-t-on à Bruxelles, seulement quand il y aura une menace immédiate sur la stabilité financière européenne : en pleine négociation d'un plan d'assistance, avant le vote de réformes structurelles..."

"Retirer une notation peut clairement donner aux marchés le signal que les régulateurs (...) leur cachent des informations", déplore Michel Madelain, le patron de Moody's Investors Service, dans une lettre adressée à la présidence polonaise de l'Union. Et plutôt que de les calmer, une telle mesure pourrait avoir l'effet totalement inverse et créer un mouvement de panique et de ventes massives."

Bruxelles veut aussi accroître la concurrence dans un secteur souvent accusé d'oligopole, car quasi contrôlé par les Big Three : S & P, Moody's et Fitch. A elle trois, elles possèdent 90 % du marché, relève l'économiste Nicolas Véron, dans une note publiée par l'institut Bruegel. Bruxelles estime que l'émergence de nouveaux acteurs réduira l'influence de chacune d'entre elles : une dégradation aurait moins d'impact si les marchés ne suivaient pas trois agences, mais, par exemple, six ou sept...

Une concurrence accrue qui ne passera finalement pas par la création d'une agence spécifiquement européenne : "Nous avons étudié la création d'une agence européenne mais avons conclu qu'elle poserait des problèmes de conflits d'intérêts et serait pour l'heure peu crédible sur les marchés", note-t-on à Bruxelles.

Pour faire émerger de nouveaux acteurs, la Commission préfère poser un principe de rotation : à l'avenir, un émetteur ne pourra plus toujours recourir à la même agence pour faire noter ses emprunts et au bout d'une période donnée, inférieure à cinq ans, il devra faire appel à une autre.

Ce principe de rotation ne pourra pas s'appliquer aux dettes souveraines car, dans la majorité des cas, les notations des Etats sont, selon le terme consacré, "non sollicitées". En clair, ces emprunteurs publics ne rémunèrent pas les agences, qui décident unilatéralement de les évaluer pour des questions d'image ou pour les besoins de leurs clients...

Contre-pouvoirs

Pour les entreprises, en revanche, cette nouvelle règle devrait également permettre de réduire les éventuels conflits d'intérêts nés du modèle économique du secteur, où c'est l'emprunteur qui rémunère l'agence chargée de l'évaluer : celui qui lève de l'argent sur les marchés peut avoir tendance à porter son choix sur une agence bienveillante, et cette dernière peut être plus laxiste pour ne pas obérer de futurs contrats...

Pour favoriser la concurrence, l'ESMA, le régulateur européen des marchés, dressera aussi un index recensant toutes les agences, affichera leurs tarifs et listera les différentes notes pour un seul produit. Avec leurs filiales, rappellent les Big Three, elles représentent plus de la moitié des 27 agences enregistrées au 31 octobre auprès de l'ESMA, les autres étant souvent spécialisées dans un secteur ou une zone géographique.

Bruxelles souhaite également améliorer les contre-pouvoirs. D'abord, en obligeant les agences à prévenir les Etats ou les entreprises d'une dégradation non plus douze heures avant sa publication mais vingt-quatre heures. Ce qui leur laissera plus de temps pour préparer leurs réponses.

Ensuite, en créant un cadre européen de responsabilité civile en cas de faute lourde. Les agences devront aussi rendre publics davantage d'éléments les ayant amenées à revoir une note et leurs méthodologies devront préalablement être approuvées par l'ESMA.

Des mesures qui suscitent l'agacement des grandes agences : "Pour ouvrir davantage le marché de la notation, il serait plus judicieux de mettre fin à l'obligation de s'y référer dans des réglementations financières plutôt que d'introduire de nouvelles contraintes portant atteinte à sa qualité et à sa crédibilité", explique-t-on chez S & P.

A Bruxelles, on reconnaît d'ailleurs qu'un rôle "quasi institutionnel" a été conféré aux agences au fil du temps dans les réglementations, créant une "surdépendance". Et de noter que les références aux notes sont désormais à chaque fois éliminées dans les nouvelles réglementations, afin qu'elles ne deviennent plus qu'"une opinion parmi d'autres".

Clément Lacombe

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