Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
Au Trocadéro, on ne voyait plus qu’eux : des drapeaux tricolores partout, jusqu’à en oublier que le meeting devait être consacré au travail. Nicolas Sarkozy a bien démontré que « le 1er mai n’appartient à personne », mais le patriotisme et le bleu-blanc-rouge lui appartiendraient-ils ?
Au début, on n’y avait pas prêté attention. Au fil de la campagne, l’évidence s’est imposée :
Ces cartons avaient été fournis par Auver Prime, spécialiste des accessoires pour supporters basé à Sète (Hérault), qui compte par exemple parmi ses clients le Losc de Lille.
L’entreprise ne nous a pas précisé la quantité fournie à l’UMP, ni le montant de la facture. Chez le concurrent Doublet, le drapeau tricolore se vend un euro pièce.
Nicolas Sarkozy n’avait donc pris aucun risque en prévoyant, deux jours plus tôt, qu’il parlerait « devant une marée de drapeaux tricolores ».
Les deux caméras montées sur grue pour l’occasion – l’une pour les panoramiques sur fond de tour Eiffel, l’autre survolant la foule – ne pouvaient que renforcer l’effet. Les télespectateurs de BFM-TV seraient impressionnés.
C’est justement aux couleurs de la République que Nicolas Sarkozy a consacré l’introduction de son discours, poussant sans surprise le public à agiter un peu plus ses drapeaux :
« Regardez les cortèges [syndicaux, ndlr]. Ils ont choisi de défiler avec le drapeau rouge, nous avons choisi de nous rassembler sous le drapeau tricolore [...]. Le drapeau rouge, c’est le drapeau d’un parti. Le drapeau tricolore, c’est le drapeau de la France. Notre drapeau, c’est celui de la France. »
C’est aussi le drapeau que le Président-candidat a utilisé, pour vendre son « nouveau modèle social » et offrir aux médias la phrase à retenir :
« Je le dis aux syndicats : posez le drapeau rouge et servez la France, servez les travailleurs qui vous font confiance. »
Choisir son drapeau, ce serait donc choisir son camp – et une vision de la France. D’un côté, ce « peuple de gauche » auquel François Hollande s’adresserait. De l’autre, ce « peuple de France » qui ne serait pas animé par l’idéologie, mais par l’amour de la patrie.
Dans la pensée sarkozyste, il n’existe donc pas de « peuple de droite ». Le public du Trocadéro, dans l’ensemble plutôt BCBG, ressemblait pourtant à l’idée qu’un porteur de drapeau rouge pourrait se faire de ce peuple-là.
C’est toute l’utilité du drapeau tricolore : puisqu’il appartient à tous les Français, ceux qui le brandissent représentent bien la France entière, et ce, malgré les apparences, sans distinctions sociales ou idéologiques.
Cet appel au drapeau permet aussi à Nicolas Sarkozy de renvoyer dos-à-dos le Front national et le PS :
En 2007, Ségolène Royal déclarait même que « tous les Français devraient avoir chez eux le drapeau tricolore ». En 2012, Nicolas Sarkozy semble faire écho à son ex-adversaire, en célébrant ces Etats-Unis où on n’hésite pas à planter un drapeau devant sa maison...
Au Trocadéro, l’ambiance patriotique était renforcée par la statue équestre de Foch, qui domine la place et faisait face à Nicolas Sarkozy. Le maréchal de France n’avait sans doute pas vu autant de drapeaux tricolores depuis la victoire de 1918.
C’est à un autre militaire que Nicolas Sarkozy pensait : de Gaulle, qui avait lui aussi défié les syndicats un 1er mai. En 1950, il avait réuni ses partisans à Bagatelle, lui aussi pour parler du travail.
Le Président n’a pas résisté au plaisir de citer le général, qui avait déclaré ce jour-là :
« Il n’est que de nous voir pour être sûr que notre peuple n’est aucunement disposé à terminer sa carrière. Il n’est que de nous voir pour discerner où les travailleurs mettent aujourd’hui leur espérance. La masse immense que voilà prouve aux insulteurs que rien n’est perdu pour la France. »
Soixante-deux ans plus tard, Nicolas Sarkozy n’avait donc qu’à se servir dans le discours de de Gaulle pour nourrir le sien. En oubliant au passage que malgré cette « masse immense », le général entamait huit ans de traversée du désert.
C’est sans doute à un autre épisode du gaullisme que pense Nicolas Sarkozy. Le 30 mai 1968, ce que la droite n’appelait pas encore la « majorité silencieuse » avait remonté les Champs-Elysées pour mettre fin au désordre soixante-huitard.
On avait, déjà, ressorti les drapeaux et parlé d’une « marée » tricolore. En 1968, en jouant sur le patriotisme, la droite avait inversé la tendance. Dimanche, on saura si cette vieille recette marche encore.