Contrairement à la perception outre-Atlantique, les banques américaines sont en train de traverser une longue suite de poursuites judiciaires. Celles-ci visent quatre comportements qui ont, collectivement, été à l’origine de la crise financière de 2008 mais continuent encore à se produire.
- L’absence de transparence dans les conditions de crédit : il s’agit d’une série d’offres qui ont appâté les emprunteurs hypothécaires en leur proposant deux années de taux d’intérêt alléchants, qui allaient, à partir de 2007, hausser en fonction de conditions de marché sur lesquelles l’emprunteur n’avait aucun éclairage ou visibilité. Ce sont ces prêts subprime qui font l’objet de poursuites judiciaires soit par les autorités de contrôle, soit par les emprunteurs eux-mêmes.
- Une fois le drame exposé, la manière dont les banques sont entrées en possession des actifs immobiliers était irrégulière : elles ont engagé des signataires d’ordres de repossession qui ne lisaient pas les documents, obtenaient le soutien d’avocats véreux payés à la repossession, qui obtenaient de juges négligents des arrêtés de foreclosure , le tout au mépris du droit des débiteurs et d’une manière irrégulière. La semaine passée, c’est le Procureur de l’Etat du Massachussetts qui a entamé une série de poursuites auprès des grandes banques américaines pour avoir adopté des comportements « trompeurs et illégaux ».
- Les crédits subprime ont ensuite été rassemblés dans des obligations auxquelles les agences de notation octroyaient négligemment une note AAA qu’elles ont diminuée d’une dizaine de crans après l’explosion de la crise subprime. Diverses actions ont été entreprises par les détenteurs de ces obligations et plusieurs de ces groupes ont obtenu des dédommagements atteignant des centaines de millions de dollars. La semaine dernière, le juge Jed Raskoff, qui s’était fait connaître pour avoir déjà forcé la SEC à augmenter une amende contre Bank of America Merrill Lynch de 30 a 100 millions de dollars, s’en est pris à la Citibank. Cette dernière avait obtenu un settlement (accord à l’amiable sans reconnaissance de responsabilité) de 285 millions de dollars : le juge a accusé la SEC d’avoir accordé une amende trop favorable a la Citi, qualifiée de « récidiviste » par le juge.
- Enfin, l’affaire Citi s’ajoute à celle du fonds de Goldman Sachs Abacus qui lui a couté 550 millions de dollars:il s'agit de cas où la banque vend des produits structurés à ses clients en se positionnant à la baisse de ces instruments.La banque transfère à une structure de trust des crédits foireux, les vend à ses clients, et puis vend elle-même ces titres à découvert. Ce faisant, elle parie contre ses clients sur base de sa connaissance de la qualité pourrie des actifs concernés.
Il s’agit incontestablement d’une tendance lourde qui continuera, et qui amène les banques américaines à prendre des précautions supplémentaires.
Tout cela serait très bien si le patron de MF Global, Jon S. Corzine, ancien président de Goldman Sachs, Sénateur et Gouverneur de l’Etat du New Jersey, n’avait pas commis le crime suprême qu’un broker puisse commettre: prétendre aux régulateurs que sa situation de fonds propres est correcte en « transférant » (en clair : volant) les actifs des comptes de ses clients qui doivent absolument etre séparés des fonds du broker. Tout cela pour cacher un manque de fonds propres provenant de spéculations, notamment sur la dette grecque.
Il pourrait se retrouver en prison tout comme l’ancien patron de Mc Kinsey, Rajat Gupta, qui avait confié à un ami gestionnaire de hedge fund, Galleon, des informations confidentielles obtenues en tant qu’administrateur de Goldman Sachs et Procter & Gamble. Ces délits d’initiés valent à Mr. Rajaratnam, le gestionnaire du fonds Galleon, de croupir en prison pour 14 ans.
Les pratiques de Wall Street ne semblent pas avoir fondamentalement évolué : ce qui change cependant, c’est qu’elles ne sont plus impunies. Cela devrait assagir certains dirigeants peu désireux de se retrouver en prison.