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23 juin 2014 1 23 /06 /juin /2014 20:39

 

Source : www.mediapart.fr

 

Au grand raout du lobby des partenariats public-privé

|  Par Lucie Delaporte

 

 

 

Le club des PPP a célébré mardi 17 juin les dix ans de l'ordonnance créant les partenariats public-privé. Alors que l'horizon s'obscurcit, l'influent lobby a tenu à raconter la belle épopée de ce « jeune outil de la commande publique » tout en proposant, sobrement, d'en changer le nom.

Il a fallu attendre près de trois longues heures de discours, avant de sabrer le champagne et d’entamer les petits fours. Ce mardi 17 juin, le club des PPP avait mis les petits plats dans les grands pour célébrer les 10 ans de l’ordonnance de 2004 portant création des partenariats public-privé (PPP) au Cercle national des armées, à Paris.

« Dix ans de l’ordonnance des contrats de partenariats, on ne voulait pas manquer la date », lance le maître de cérémonie Marc Teyssier d’Orfeuil, délégué général du club des PPP, attendri devant les dix bougies de ce jeune « outil de la commande publique » qui a permis aux majors du BTP de réaliser de bien belles opérations ces dernières années. Mais lui a aussi valu quelques-uns de ses plus récents scandales : naufrage de l’hôpital francilien (un de nos articles ici), soupçons de corruption dans l’attribution du marché du Pentagone de la défense ou du grand stade de Lille... Sans compter les nombreux rapports de la Cour des comptes soulignant combien les PPP constituent, la plupart du temps, un marché de dupes pour la puissance publique.

Ce jour-là, c’est évidemment une tout autre histoire qu’on se raconte. Celle d’une belle épopée contre l’idéologie et le conservatisme pour faire émerger d’ambitieux projets de travaux publics.

 

Marc Teyssier d'Orfeuil, délégué général du Club des PPP 

Devant un parterre composé pour l’essentiel de représentants du BTP, mais aussi de quelques élus et de hauts fonctionnaires de Bercy, Marc Teissier d’Orfeuil appelle donc, les unes après les autres, les bonnes fées qui se sont penchées sur le berceau des PPP depuis leur création.

Jérôme Grand d’Esnon, l’un des plus actifs artisans, en coulisse, de la création des contrats de partenariats vient d’abord rappeler combien « à l’époque le projet était connoté idéologiquement » : « Au départ il y avait un contexte très violent, beaucoup d’hostilité de la gauche, il a fallu beaucoup de ténacité. » L’homme, qui fut le secrétaire général de l’association de financement de la campagne de Jacques Chirac en 1995, après avoir été directeur des affaires juridiques de la mairie de Paris à la grande époque des scandales du financement du RPR, a été celui qui a mené à Bercy la réforme des marchés publics dans le gouvernement Raffarin. Il officie désormais comme avocat conseil dans un cabinet d’affaires où il s’occupe notamment des grands contrats publics.

Autre figure inconnue du grand public, mais tout aussi essentielle dans le développement des PPP, Noël de Saint-Pulgent raconte lui aussi la dure bataille qu’il a dû mener pour faire accepter ce nouvel outil de la commande publique à la tête de la MAPP, la mission d’appui des PPP à Bercy, qui depuis l’origine est à la fois chargée de les promouvoir et de statuer sur leur bien-fondé... « Avez-vous senti ce poids de l’idéologie à ce moment-là ? » l’interroge, plein d’empathie, Marc Teyssier d’Orfeuil. « C’est effectivement un débat qui a dérapé. Il y a eu autour des PPP une passion bien française qui nous a beaucoup gênés », admet cet « X Pont » qui avait fait jusqu’alors carrière dans l’assurance et l’organisation d’événement sportifs. Noël de Saint-Pulgent, qui est par ailleurs président de l’association d’entraide des familles nobles de France, souligne aussi combien les décisions successives du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel – qui ont limité leur utilisation – ont été pénalisantes.

Le bilan de ces dix dernières années reste néanmoins positif pour lui. « On n’a pas à rougir de ce qu’on a fait. Il y a très peu d’échecs. Et puis des échecs, il y en a partout, regardez la maîtrise d’ouvrage publique, le Philharmonique ! » souligne-t-il en référence à la laborieuse construction de la salle de philharmonie à la Villette. Pourtant, reconnaît-il, le PPP a toujours mauvaise presse : « Il faut toujours travailler à son acceptabilité politique et sociale, c’est vrai. Même si les choses progressent auprès des vrais gestionnaires de gauche comme de droite d’ailleurs. »

À la tribune, le président du club des PPP – en bon communicant – enfonce le clou sur le ratage de la maîtrise d’œuvre publique. « Le philharmonique, c’est au final 300 % du prix ! L’hôpital francilien, les 80 millions supplémentaires ne représentent que 20 % du coût total. »


François Bergère, ancien directeur de la MAPP 
François Bergère, ancien directeur de la MAPP

C’est ensuite au tour de François Bergère, autre acteur essentiel du développement des PPP en France, de dresser le bilan de la décennie écoulée. « Quel recul sur dix ans ? On pouvait difficilement aller beaucoup plus vite. » Il faut se pencher de près sur le pedigree de François Bergère pour savourer toute l’ambiguïté de ce « on ». Cet ancien directeur de la Mission d'appui des PPP à Bercy a en effet été un des plus grands lobbyistes des PPP au sein de l’administration. Aujourd’hui, en quittant la MAPP, il retourne à la Cour des comptes, son corps d’origine. Il va rejoindre la chambre chargée de contrôler notamment les sulfureux PPP de l’université de Versailles Saint-Quentin (notre enquête ici)…

L’ancien secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce, Hervé Novelli, qui avait fondé le groupe PPP à l’Assemblée nationale, est ensuite chaleureusement accueilli comme celui qui permit, grâce son projet de loi de 2007, de supprimer un certain nombre d'obstacles au recours aux PPP. Il regrette que l’État comme les collectivités locales soient encore bien timorés sur le sujet et invite à se fixer comme objectif un doublement  du nombre de PPP conclus chaque année : « Il faut passer à l’acte II des contrats de partenariats ! Il faudrait aussi que des gens réfléchissent à nouveau à tout ça », affirme-t-il, déplorant que « l’effervescence intellectuelle autour des PPP (ait) un peu disparu ».

« C’est le moment de mettre le paquet en matière de communication »

Malgré la bonne humeur un peu forcée en ce jour anniversaire, chacun sait dans l’assistance que les perspectives pour les PPP ne sont en réalité guère réjouissantes. « Les beaux jours de l’investissement public sont derrière nous », admet François Bergère. « Nous sommes dans une crise des finances publiques considérable et qui ne va pas aller en s’arrangeant », opine Noël de Saint-Pulgent.

Ce que personne ne dit à la tribune, c’est qu’en dehors d’un sérieux problème d’image, les PPP ont aussi perdu beaucoup de leur attrait auprès de la puissance publique depuis qu’un arrêté de décembre 2010 interdit d’en faire un moyen de masquer son déficit. Depuis cette date, les loyers versés doivent en effet figurer dans les comptes au titre de l'endettement.

« C’est le moment de mettre le paquet en matière de communication », annonce donc plein d’entrain Marc Teyssier d’Orfeuil, qui tutoie tous les parlementaires présents ce jour-là. Il faut dire que ce lobbyiste à la tête de l’agence Com’Publics passe beaucoup de temps auprès d'eux à des titres divers, puisqu'il dirige aussi le club des amis du cochon, le club des voitures écologiques, le club des eaux minérales naturelles…

Pour redorer le blason des PPP, son club a tout prévu. Comme l’acronyme « PPP » commence à sérieusement sentir le soufre, ce jour-là tout le monde semble s’être donné le mot : on ne parle plus que de CP (pour contrat de partenariat).

Le club des PPP a aussi commandé une série de vidéos pour vanter les mérites des PPP, « que vous pourrez présenter à vos prospects », explique le maître de cérémonie. Autant d’outils pour faire la pub des PPP « auprès des acteurs locaux », assure Marc Teyssier d’Orfeuil. Parce que « pour l’État, on s’en chargera ! », assure le lobbyiste qui devait rencontrer le 2 juillet prochain Emmanuel Macron et qui rencontrera sans doute, affirme-t-il, Jean-Pierre Jouyet.

Dans l’une des vidéos présentées, on apprendra de la bouche de Xavier Bezançon, délégué général du syndicat des entreprises de BTP (EGF BTP) – et « auteur d'une thèse sur les PPP » – que les partenariats public-privé ont toujours existé « depuis les Romains en passant par Colbert ». Plus tard, on découvrira en fait que le Stade de France aurait été l’un des premiers PPP, à moins que ce ne soit finalement la Tour Eiffel… Qu’importent ces petites approximations, l’essentiel est de raconter aux « prospects » une belle histoire. Nul besoin, surtout, de trop insister sur le fait que les PPP ont été en réalité calqués sur les PFI (Private finance initiative) britanniques, qui ont connu de tels déboires outre-Manche (corruption, malfaçons, etc.) qu’ils sont aujourd’hui pratiquement à l'arrêt. 

Alors que les PPP sont nés sous le gouvernement Raffarin, et se sont réellement envolés sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le club des PPP a tenu en ce jour anniversaire à montrer qu’il dispose aussi de très bons soutiens à gauche. L'événement était d'ailleurs parrainé par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg qui, compte tenu de son emploi du temps, n'a pu être présent mais s'est fendu d'une lettre transmise avec l'invitation par le club des PPP à tous les participants.

L’ancien maire socialiste de Grenoble, Michel Destot, ne tarit donc pas d’éloges à la tribune sur cette solution qui constitue selon lui, « une bonne réponse à la complexité ». « C’est même tout simplement du bon sens » dans la mesure où les collectivités territoriales ne peuvent faire face à ces investissements. Pour lui, un des terrains à développer, c’est le PPP dans le cadre de la politique de la ville, « pour raccourcir les délais et pour rapprocher les entreprises de BTP de ces quartiers ». « Mon bilan est qu’on n’a pas été assez allant » finit par reconnaître le député de l'Isère. Mais il en est sûr, comme beaucoup dans l'assemblée : le développement des PPP à l’international est une des conditions du rétablissement de la balance extérieure de la France.

Le député socialiste de Seine-Saint-Denis, Razzy Hamadi, qui était annoncé au programme, n’est finalement pas venu. Cet habitué du club des PPP aurait pu parler du faramineux contrat de PPP de construction de collèges signé par Claude Bartolone dans le département qu'il défend ardemment. En octobre 2013, il participait aux rencontres internationales du PPP, où les participants devaient débourser entre 7 000 et 35 000 euros pour approcher les « élus concernés » (voir la plaquette de présentation de l'événement)…

 

Razzy Hamadi, député socialiste de Seine-Saint-Denis 
Razzy Hamadi, député socialiste de Seine-Saint-Denis

Seule note dissonante de l’après midi, celle, mezzo voce, d’André Chassaigne, le député communiste du Puy-de-Dôme qui joua gentiment sa partition de contradicteur : « Si j’ai bien compris, dans cette assemblée, je suis le méchant. » Un méchant pas trop méchant quand même, puisqu’il affirmera dès le départ connaître assez peu le sujet, auquel, « en tant qu’élu rural », il n’a jamais été confronté. Sans citer aucun exemple précis, il résume rapidement son propos : « Je pense que c’est toujours gagnant d’un côté, pas toujours de l’autre ». Un frisson parcourt bien l’assemblée lorsqu’il plaide pour un pôle public bancaire, mais Marc Teyssier d’Orfeuil reprend vite le micro pour remettre tout cela en perspective : « La vraie question dans ce que tu dis, elle est philosophique, c’est "qu’est-ce que le service public ?". » Et de plaider pour un État qui arrête de vouloir tout faire et délègue un peu plus aux professionnels.

Pour le final, le club des PPP avait promis une « surprise ». C'est donc à un imitateur d’Alain Souchon que fut confiée la lourde tâche de conclure dans la bonne humeur la rencontre en chantant, sur l’air de la chanson « J’ai dix ans », avec des rimes étudiées : « On essaye d’être innovant/Et que tout le monde soit content…/Si tu nous croit pas hé, t’as qu’à voir nos PPP ! » Enfin, le buffet était ouvert. Enfin, les cartes de visite allaient pouvoir s'échanger.

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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