Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
Rue89 - Verhaeghe | Auteur
Tribune 22/07/2012 à 14h12
Peut-être vous souvenez-vous que Thomas Piketty [économiste proche du PS, ndlr] et consorts, en janvier 2011, avaient proposé une très belle réforme fiscale qui devait inspirer le Parti socialiste. Leur intention répondait à une forte exigence de justice, comme dirait Jean-Marc Ayrault.
L’essentiel des recettes de l’Etat provient en effet de la fiscalité indirecte sur les personnes, qui est injuste, alors que la fiscalité directe, en principe progressive, tient compte des capacités contributives de chacun.
L’idée implicite qui guidait l’ouvrage de cette équipe n’était pas sans rappeler la revendication d’un impôt universel telle que les économistes physiocrates l’avaient formulée dans les années 1770 et 1780. Chacun doit contribuer à la dépense publique de façon équitable, c’est-à-dire proportionnelle à son revenu.
Ce principe est très éloigné du système fiscal français contemporain, qui est à la fois lourd à porter et très inégalement structuré.
Pour être précis, la France prélève aujourd’hui plus de 820 milliards d’euros de contributions publiques de toutes sortes, sur un produit intérieur brut de presque 2000 milliards d’euros. Traditionnellement, les analystes distinguent :
Sur aucune de ces lignes de recettes, l’universalité de l’impôt n’apparaît dominante.
Les 500 milliards de l’Etat sont en effet prélevés de façon extrêmement discriminatoire.
C’est par exemple le cas de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, qui touche les assureurs mais est en réalité payée par l’assuré, puisque répercutée sur les tarifs.
Au total, 360 des 500 milliards d’impôts en France sont prélevés de façon indirecte. Et, hormis les 83 milliards d’euros de CSG, aucun impôt universel n’existe.
Le même phénomène se produit pour les 320 milliards de cotisations de sécurité sociale, qui frappent les 23 millions de salariés du privé et abondent un système universel dont les principaux bénéficiaires ne sont plus salariés.
L’instauration d’une réforme fiscale tendant à une plus grande universalité répond donc à une vraie nécessité en France. Elle participe en outre à une salutaire reconstruction démocratique, puisque c’est par l’impôt que chacun contribue effectivement à l’édifice commun.
En écho à cette idée, François Hollande avait, dans son discours du Bourget du 22 janvier 2012, annoncer un rapprochement puis une fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. L’enjeu était simple : redonner une universalité à l’imposition directe. Il s’agissait au fond de reconstruire le lien entre le citoyen et l’Etat.
Début février, Jérôme Cahuzac avait réduit la voilure en annonçant une harmonisation de l’assiette de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Puis le candidat Hollande, le 27 février, a encore réduit la peau de chagrin de sa réforme fiscale : relèvement de la dernière tranche actuelle de 41 à 45% et création d’une tranche à 75% au-dessus du million de revenus.
La déclaration de politique générale s’est contentée de confirmer cette dernière mesure en abandonnant toute ambition réformatrice sur le fond.
En termes éthiques, ces choix sont très discutables. De longue date, l’impôt sur le revenu souffre de taux trop élevés qui compensent mal une assiette trop étroite. La politique gouvernementale accroîtra ce phénomène, au détriment d’une universalisation de notre imposition.
Ces deux mesures mises en exergue sont très en-dessous de la hausse d’impôts nécessaire pour atteindre un déficit à 3% du PIB en 2013. La loi de finances initiale présentée à l’automne comportera donc très probablement des hausses de CSG et de TVA bien plus lourdes que cette réformette de l’impôt sur le revenu annoncée par Jean-Marc Ayrault.
Comment ne pas se dire qu’une occasion a été manquée : celle de reprendre les ambitions affichées par François Hollande en janvier 2012 et abandonnées sans explication depuis lors ? Notre démocratie y aurait gagné.