Source : www.reporterre.net
Marie Astier (Reporterre)
jeudi 11 décembre 2014
En Grèce, la mobilisation en faveur du jeune anarchiste Nikos Romanos a porté ses fruits. Il pourra poursuivre ses études, à condition de porter un bracelet électronique. Il cesse donc sa grève de la faim. Ce jeune homme est le symbole de la pression de l’État sur sa population, mais aussi le représentant d’un mouvement qui tente dès aujourd’hui d’imaginer une autre Grèce pour l’après-crise et dont l’un des centres est le Café Vox, à Athènes. Visite guidée.
Athènes, reportage
L’emplacement est idéal, à l’un des coins de la place centrale du quartier d’Exarchia, le quartier dit « anarchiste » d’Athènes.
Dans des temps plus calmes, les lieux pourraient apparaître comme un simple café. A l’ombre des arbres, dans une ruelle pavée, la terrasse est cosy. Jeunes et moins jeunes sirotent des cafés glacés. Le soir, les jeunes athéniens viennent y boire des verres à prix raisonnables, ici, la plupart des boissons sont à deux euros. L’enseigne, « Vox », est toujours celle de l’ancien cinéma.
Mais au-dessus des grandes fenêtres, des banderoles suspendues laissent deviner un lieu militant : ce bâtiment abandonné est devenu un squat anarchiste il y a deux ans.
C’est de là que sont parties plusieurs manifestations pour demander la libération du jeune militant anarchiste Nikos Romanos, accusé de vol à main armé. « Le café Vox fédère beaucoup de mouvements militants », explique Yannis Youlountas, philosophe et réalisateur franco-grec. Il était à Athènes, en plein cœur de la mobilisation ces derniers jours. « Vox permet le dialogue entre ceux qui défendent les migrants, les autonomes, les anti-autoritaires, etc. », poursuit-il.
Un « centre social occupé »
L’ex-cinéma est spacieux. Plus qu’un café, il est devenu un « centre social occupé » : il accueille une bibliothèque, un centre médical autogéré, des cours en tous genres et surtout beaucoup de réunions et assemblées porteuses de projets dans le quartier. « Au départ, on voulait juste créer un café puis quand on a vu que les lieux étaient très grands on a voulu faire plus », explique notre interlocuteur, un des membres fondateurs du squat.
On ne donnera pas de prénom, il est simplement le représentant de l’assemblée de Vox désigné pour parler à Reporterre. De même, pas de soucis pour réaliser des photos mais ici la règle c’est « pas de visages ». La police pourrait les utiliser.
Car le journaliste n’est pas malvenu, mais sa demande doit passer par l’assemblée de Vox. Tous les mercredis soirs, sa petite trentaine de membres débat de la vie du squat, des projets. C’est la règle de base : les décisions sont prises en commun, tout le monde est à égalité. Chaque activité a également sa petite assemblée.
« Montrer que c’est possible »
« Tout a commencé avec l’assemblée de soutien aux prisonniers politiques », poursuit-il. En Grèce, depuis le début de la crise, une trentaine d’anarchistes ont été arrêtés et emprisonnés. Certains pour avoir participé à des attentats contre des banques ou l’ambassade des États-Unis, d’autres pour leur appartenance au mouvement.
- En 2012, l’opération pour retirer les plaques de métal fixées par les policiers -
Les recettes du café servent à payer les frais de justice et à améliorer leur ordinaire en prison. Mais Vox est surtout devenu un centre d’expérimentation sociale anarchiste, avec un but : créer une petite société autogérée, pour « montrer que c’est possible ».
Au départ, les autorités ont bien tenté de déloger les squatteurs. « Deux jours avant l’ouverture officielle, la police est venue. Elle a bloqué tout le quartier pendant deux heures pour fermer le squat. Ils ont fixé de grandes plaques de métal à toutes les ouvertures, ils ont tout saccagé à l’intérieur. On a enlevé les plaques, on les a vendues. Ça a fait de l’argent pour les prisonniers politiques ! » Depuis, « ils coupent l’eau ou l’électricité, de temps en temps », poursuit le militant.
À l’intérieur, à côté du bar, un tableau affiche les permanences des serveurs, tous bénévoles. Les murs sont tapissés d’affiches qui rappellent les luttes, annoncent des projections, des débats, des appels à manifester.
Un drapeau rend hommage à Pavlos Fyssas, rappeur antifasciste poinardé en septembre 2013 par un militant du parti néonazi Aube Dorée. Une fresque représente les militants de la CNT (Confederación Nacional del Trabajo) lors de la guerre d’Espagne de 1936. Des reproductions de peintures zapatistes égayent la bibliothèque. Une affiche en turc fait référence aux rassemblements de la place Taksim à Istanbul au printemps 2013.
- Hommage au rappeur Pavlos Fyssas -
Médecine gratuite
Des contestations qui ne suffisent plus, selon le représentant de Vox : « On ne va pas t’écouter si tu ne fais que parler de la révolution. Il faut faire des projets dans la société, matérialiser ce que l’on dit maintenant. On développe des stratégies pour tous les aspects de la vie : alimentation, santé, éducation, etc. »
Avec le centre médical, par exemple. Gratuit, ouvert à tous...
*Suite de l'article sur reporterre
Source : www.reporterre.net