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22 mai 2013 3 22 /05 /mai /2013 14:40
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L’information avait fuité à l’automne, au moment où le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, tentait d’imposer un rapport de force avec ArcelorMittal sur le maintien des hauts-fourneaux de Florange : le groupe sidérurgique avait « une dette fiscale astronomique » à l’égard de l’État français, assurait alors le ministre. Un redressement de quelque 1,3 milliard d’euros lui a été signifié, l’administration fiscale contestant une optimisation fiscale élaborée qui lui a permis, en quelques années, de ne plus payer d’impôt en France.

La direction d’ArcelorMittal avait protesté, au moment de la publication de ces informations. À l’entendre, il ne s’agissait que d’un mauvais procès de plus à son encontre. Le groupe sidérurgique, assurait-elle, était irréprochable et n’avait aucune dette fiscale à l’égard des autorités françaises. « Ayant des activités sur le territoire français, le groupe a bien conscience des contrôles qui pourraient être opérés à tout moment par les autorités compétentes et reste parfaitement serein sur cette question dans la mesure où il s'acquitte du montant des impôts qui lui sont applicables », avait-elle réagi dans un communiqué. 

Depuis, un épais silence s’est installé sur le dossier, qu'il semble opportun d'interroger le jour même où se tient à Bruxelles un sommet européen consacré à l'évasion et à la fraude fiscale. Un accord a été passé directement en décembre entre le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et Lakshmi Mittal, sans que le contenu réel et les engagements pris de part et d’autre soient révélés. Les hauts-fourneaux de Florange ont commencé à être éteints en avril, en dépit des assurances données par son propriétaire d’y installer un projet test de production à faible émission de dioxyde de carbone. Les problèmes fiscaux d’ArcelorMittal, eux, paraissent s'être totalement évanouis.


 
© reuters

À Matignon, en tout cas, on semble avoir complètement oublié le sujet. Interrogés sur la suite donnée au dossier fiscal d’ArcelorMittal, les services du premier ministre sont dans l’incapacité de donner une réponse : le groupe sidérurgique a disparu des écrans radars du gouvernement. Au ministère du budget, la même question a obtenu la même fin de non-recevoir.

La fiscalité d’ArcelorMittal n’est pas un sujet, apparemment. Savoir pourquoi le groupe sidérurgique, qui bénéficie de nombreuses aides et de crédits d’impôt, qui transfère au public une partie de ses charges sociales et environnementales, ne paie pratiquement plus d’impôt en France depuis la fusion avec Mittal en 2006, alors que les installations françaises représentaient, avant la fusion, plus du tiers du groupe, semble relever de la question incongrue voire déplacée.

Dans les discours, pourtant, le gouvernement français ne cesse de répéter sa détermination de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. Mercredi, les responsables européens doivent se retrouver pour jeter les bases de leur plan contre l'évasion et la fraude fiscales, en s’appuyant sur les travaux de l’OCDE qui, avec retard, vient de prendre conscience des méfaits créés par l'optimisation des multinationales pour échapper à l’impôt. Ils « auront la possibilité de traduire des paroles en actes et n'auront pas d'excuse s'ils ne le font pas », a prévenu le commissaire européen en charge de la fiscalité, Algirdas Semeta.

 

Prix de transfert

La France se veut pourtant en pointe dans ce combat, aux côtés de l’Allemagne. Mais dans les faits, peu de choses se passent. Alors que le gouvernement britannique multiplie les enquêtes parlementaires sur les évasions fiscales menées par Google, Starbucks, les grands groupes de distribution, et revoit toutes les conventions fiscales pour les obliger à payer un minimum d’impôt en Grande-Bretagne, que le Sénat américain vient de publier un rapport au vitriol sur les pratiques d’Apple qui n’a payé aucun impôt entre 2009 et 2012, les responsables français restent curieusement passifs. Google, qui n’a payé que 5 millions d’impôt en France en 2011 pour un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros, a négocié directement avec François Hollande un accord très opaque, où il s’engage à apporter 70 millions d’euros à la filière internet, en contrepartie d’une relative bienveillance fiscale. Amazon, qui ne paie, lui non plus, aucun impôt, est accueilli à bras ouverts, avec subventions à la clef.

Une nouvelle commission parlementaire dirigée par le député PS du Cher, Yann Galut, s’est bien constituée pour travailler sur la fraude fiscale, estimée entre 40 et 80 milliards d’euros par an. Un projet de loi devrait être présenté à la mi-juin afin de mieux lutter contre la lutte fiscale et encadrer les mécanismes de dégrisement. Mais la réserve dont fait preuve Bercy traduit bien la réticence de la haute fonction publique, plus encore que les politiques, à bousculer les règles du jeu.

 

 

Alarmé par cette résistance, le rapporteur de la commission des finances de l’assemblée nationale, Christian Eckert, a décidé d’user de son « droit de contrôle » pour examiner certains dossiers sensibles. Dans sa liste, il a pointé la banque suisse UBS et la banque anglo-chinoise HSBC, au cœur de scandales d’évasion fiscale. Il a demandé aussi le dossier ArcelorMittal. « Il y a bien un contentieux fiscal en cours. Mais cela risque de prendre des années avant de le résoudre, car le groupe conteste tout », explique-t-il. Interrogé sur son contentieux fiscal (voir notre Boîte noire), le groupe nous a adressé cette réponse : « Depuis quelques années, en raison de pertes liées aux conditions de marché difficiles, aucun impôt sur les sociétés n’a été dû, écrit-il  avant de poursuivre : cependant, durant ces années, l'entreprise a payé des taxes locales », sans donner plus de précisions. 

Tenu par le secret fiscal, qui ne semble valoir que pour l’administration – tous les groupes, et ArcelorMittal en particulier, détaillant longuement dans leur rapport annuel leur faible taux d’imposition afin de bien prouver aux investisseurs qu’ils n’ignorent rien des règles de l’optimisation fiscale –, Christian Eckert ne peut en dire beaucoup plus. « ArcelorMittal utilise habilement les prix de transfert entre la France et le Luxembourg pour minimiser la taxation de ses bénéfices. On est à la limite de l'abus de droit. Mais c’est au niveau européen que cela doit se résoudre. Il faut en finir avec la concurrence fiscale. Le Luxembourg sera-t-il d’accord ? » s’interroge-t-il.

Prix de transferts, concurrence fiscale, paradis du même nom… Au fil des enquêtes et des rapports, le jeu des multinationales jonglant avec les règles fiscales, naviguant entre Irlande et Caïmans, Luxembourg et îles Vierges britanniques, est devenu familier. Bien avant les stars d’internet, ArcelorMittal est devenu un champion de l’évasion fiscale. Le succès de Lakshmi Mittal, soutenu par Goldman Sachs et présenté par la presse comme un modèle de gouvernance, célébré comme un des héros de la mondialisation heureuse, repose sur un système volontairement opaque, allant bien au-delà du Luxembourg. Un système qui a prospéré avec la bénédiction de tous les gouvernements.


Deuxième volet à suivre : ArcelorMittal, protégé de l'Europe.

 

 

 

Dans le cadre de cette enquête, j'ai naturellement pris contact avec ArcelorMittal. J'ai adressé un long mail de questions au service de la communication du groupe le 25 avril. À la suite de cette demande, le service de communication du groupe s'est effacé. C'est l'agence de communication Image 7, présidée par Anne Meaux, chargée de l'image de Lakshmi Mittal depuis l'OPA sur Arcelor en 2006, qui a pris le relais. Il m'a été demandé de patienter pour obtenir les réponses, compte tenu « des questions précises et difficiles » que je posais. Au terme d'une bonne semaine, j'ai reçu un mail laconique pour toute réponse à mes questions : « Les états financiers consolidés d’ArcelorMittal sont préparés selon les normes internationales d'information financière (IFRS). L'intégration verticale n'a aucun impact sur les comptes établis selon les normes IFRS, ni d’ailleurs sur les comptes établis selon les normes françaises et autres exigences de conformité prévues par la loi. Depuis quelques années, en raison de pertes liées aux conditions de marché difficiles, aucun impôt sur les sociétés n’a été dû. Cependant, durant ces années, l'entreprise a payé des taxes locales. Nous vous renvoyons aux comptes annuels de la société pour les autres détails. » Depuis, aucun des représentants d'ArcelorMittal n'a jugé utile de me contacter pour expliquer ou réfuter certaines de mes questions. L'ensemble des questions sera publié dans l'onglet Prolonger dans le deuxième volet.

 
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