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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 13:59

 

 

Depuis l’éclatement de la crise chypriote, le refrain est sur toutes les lèvres à Bruxelles : Chypre est un cas particulier. Qu’on se rassure, le « sauvetage » carabiné de l’île, imposé fin mars par l’Union et le Fonds monétaire international, et qui a mis à contribution certains épargnants, ne se reproduira pas.

À Nicosie toutefois, les langues se délient, et certains n’hésitent pas à pointer du doigt quelques-uns de leurs voisins européens : « Il y a environ 20 milliards d’euros de dépôts russes à Chypre… 300 milliards ailleurs en Europe. Les placements de Roman Abramovitch sont plus importants que l’ensemble des dépôts russes à Chypre. On reproche à Chypre des choses que l’on ne reproche pas à Malte ou au Luxembourg », râle l’ex-président de l’île Georges Vassiliou, dans un entretien au Monde.

Après Chypre, Malte, la Slovénie ou encore le Luxembourg sont-ils les prochains maillons faibles qui feront trembler l'euro ? Évidemment, les États stigmatisés rejettent haut et fort la comparaison. Mais le parallèle entre la petite île méditerranéenne et le Grand-Duché du Luxembourg est loin d’être absurde.

Même si elles ne figurent plus sur la liste grise de l’OCDE, les deux places sont considérées comme des paradis fiscaux de premier plan (on lira ici un historique fouillé de la manière dont le Luxembourg a construit et protégé son paradis fiscal au fil des ans). Indice qui ne trompe pas, leur secteur financier est hypertrophié.

Les actifs bancaires à Chypre représentaient, avant la crise, un peu plus de sept fois le PIB de l’île, contre près de 22 fois pour le Luxembourg (le ratio tourne autour de quatre pour la France). Avant de se raviser par souci de diplomatie, le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, s’est inquiété fin mars, sans désigner explicitement le Luxembourg, de ces États européens construits sur « le modèle économique de Chypre ».

Jean-Claude Juncker sur la ZDF. 
Jean-Claude Juncker sur la ZDF.
Sentant le vent tourner, l’exécutif du Grand-Duché a depuis fin mars déployé la communication de crise, pour convaincre que les deux pays n’ont rien à voir. Principal argument avancé : quand Chypre souffre d’une trop forte dépendance à l’argent russe, le Luxembourg, lui, a diversifié ses investissements. « Nous ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier, nous n’attirons pas les capitaux russes au Luxembourg avec de forts taux d’intérêt », résume Jean-Claude Juncker, premier ministre, dans un entretien à la chaîne de télévision allemande ZDF.

Si l’on en croit le communiqué officiel que le Duché a publié pour l’occasion, le pays compte 141 banques originaires de 26 États différents (dont l’Allemagne et la France voisines). Avec un ratio de solvabilité global – une mesure de ses bénéfices rapportés à ses engagements – plus que respectable, proche de 18 %. Rien à voir avec la poignée d’établissements surendettés et croulants de Chypre. Circulez, il n’y a rien à voir.

Le graphique établi ci-dessous par le think tank Bruegel confirme l’analyse optimiste : il y a bien un décrochage des banques chypriotes en Europe, qui, à partir de 2011, voient leur profitabilité s'effondrer. Elles souffrent de leur exposition à la dette grecque, mais aussi de la multiplication d’impayés de la part de ménages chypriotes. Au même moment, les établissements maltais et luxembourgeois, plus diversifiés, sont, eux, toujours profitables.

 

« Dynamiter les paradis fiscaux »

À la différence de Chypre, le micro-État luxembourgeois (un demi-million d’habitants) est faiblement endetté (un fardeau de 20 % environ, contre 80 % pour Nicosie). Son déficit s’établit très en deçà des 3 % fixés par Bruxelles, ce qui en fait l’un des tout meilleurs élèves de l’Europe aux yeux des critères de Maastricht. Le Duché est même parvenu à conserver, malgré la crise des dettes souveraines en Europe, le « triple A » des agences de notation – le sésame suprême. Bref, ses fondamentaux seraient aussi bien meilleurs que ceux de l'économie chypriote.

Après tout, explique Luc Frieden, le ministre des finances luxembourgeoisau Wall Street Journal, pour tenter de convaincre les derniers sceptiques, il n’y a rien de mal à avoir un secteur bancaire plus développé que la moyenne européenne : « Nous voulons encore le renforcer, et certainement pas le diminuer », prévient-il, visiblement remonté.

De son côté, le commissaire européen Michel Barnier a lui aussi volé au secours de cet État, l’un des six membres fondateurs de l’Union, dans un entretien au quotidien économique belge L’Écho. À ses yeux, le secteur bancaire est bien mieux surveillé à Luxembourg qu’à Nicosie. « C’est le caractère hypertrophié du secteur financier, associé à une gouvernance et une supervision faible qui a causé les problèmes à Chypre. Ce n’est pas le cas des autres pays », a déclaré Barnier.

 

A Nicosie, dans l'attente de l'annonce du plan de «sauvetage» de l'île en mars 2013. © Reuters.A Nicosie, dans l'attente de l'annonce du plan de «sauvetage» de l'île en mars 2013. © Reuters.


Certains économistes se montrent tout de même plus prudents lorsqu’il s’agit d’examiner l’« exception chypriote ». Pour Nicolas Véron, du think tank Bruegel, la taille du secteur financier constitue un risque en soi, pour tout pays quel qu’il soit, tout simplement parce que le gouvernement aura du mal à venir en aide à son secteur bancaire en cas de coup dur. En ce sens, le Luxembourg n’est pas épargné. « La leçon à tirer de Chypre, c’est que les autorités nationales sont très fragiles lorsque leur système bancaire est très développé », analyse-t-il dans le Wall Street Journal.

Pour l’économiste Jacques Sapir, qui intervenait sur les ondes d’une radio luxembourgeoise, les services bancaires du Luxembourg sont certes plus diversifiés. Mais cela n’atténue pas pour autant le risque systémique, estime-t-il : puisque la part du secteur bancaire dans le PIB est trois fois plus élevée dans le Grand-Duché qu’à Chypre, une déflagration, même modeste, pourrait avoir des conséquences plus graves qu’à Chypre.

Au fond, les débats sur le parallèle entre les modèles chypriote et luxembourgeois rappellent, une fois de plus, à quel point l’harmonisation fiscale en Europe est un leurre. Dans une analyse publiée par le quotidien espagnol El País, Xavier Vidal-Folch se demande « pourquoi l’on fait couler Chypre, alors que les autres paradis fiscaux (…) ne sont pas inquiétés » (lire la version française ici, la version espagnole là).

En réaction à ce deux poids, deux mesures, l’éditorialiste plaide pour « dynamiter les limbes fiscaux » aux quatre coins de l’Europe, grâce à une politique d’harmonisation fiscale qui viendrait compléter les mesures de contrôle budgétaire que la crise a renforcées depuis trois ans. Du bon sens ? Dans les faits, l’opération est très delicate, puisque la fiscalité est une matière qui requiert, à Bruxelles, l’unanimité des États membres.

« Ceux qui profitent des limbes fiscaux et tous leurs amis ont un droit de veto. Et ils s’en servent, pour l’instant. Dynamitons aussi ce veto. Faites passer le mot », conclut Vidal-Folch.

 

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