Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
Ils sont millionnaires, mais font partie du mouvement « Occupy Wall Street » et dénoncent les inégalités sociales. Rencontre avec l'un d'eux à Boston.
Farhad Ebrahimi est un « indigné » pas tout à fait comme les autres. À 33 ans, il est à la tête d'une fortune faramineuse de 40 millions de dollars, grâce à la réussite de son père dans l'informatique et dans l'immobilier. Ce « fils de » se classe facilement dans la catégorie des 1 %, ce pourcentage de la population qui concentre la majorité des richesses… et les foudres du mouvement contestataire anti-Wall Street (« Occupy Wall Street ») qui secoue les États-Unis.
Cette frange des ultraprivilégiés englobe théoriquement les banquiers et leurs riches clients, les lobbyistes et les politiciens complices d'un système dont la finalité principale est le profit. Farhad Ebrahimi ne s'est jamais reconnu dans cette catégorie. « Quand j'étais plus jeune, j'avais un rapport difficile avec l'argent. J'éprouvais un sentiment de culpabilité et de confusion, de ne pas savoir comment cette richesse m'influencerait dans ma vie ou si je serais capable de m'en détacher. » À l'âge adulte, plutôt que de suivre son père dans les affaires, il se lance dans la philanthropie, tout en suivant une autre passion, celle de la musique.
D'accord avec Warren Buffett
En septembre dernier, il rejoint le rassemblement « Occupy Boston ». « Nous n'avions pas d'électricité, pas d'Internet, et la météo n'était pas ce que l'on avait prévu. J'ai tout de suite vu comment je pouvais donner un coup de main », explique ce diplômé en mathématiques du prestigieux Massachusetts Institute of Technology. Le Bostonien d'adoption avait les contacts qu'il fallait pour trouver des solutions aux problèmes techniques. Habile négociateur, il est ensuite allé voir un marchand d'accessoires de camping pour marchander le prix des tentes, avant d'en acheter quelques-unes pour Dewey Square, le nom du rassemblement au cœur de la capitale de la Nouvelle-Angleterre. « J'ai fait quelques donations de-ci de-là, car je peux me le permettre. Mais j'ai aussi décidé de sortir de mon rôle de philanthrope pour m'impliquer comme participant et pour faire partie de l'action. »
Plutôt que d'investir ou de flamber son argent, il a décidé de consacrer 100 % de sa fortune à la protection de l'environnement. Il a lancé sa propre fondation, The Chorus Foundation, qui finance des projets en matière d'énergie renouvelable. « Je suis d'accord avec l'homme d'affaires Warren Buffett, qui dit qu'il faut donner suffisamment à ses enfants pour qu'ils puissent tout faire, mais pas assez pour qu'ils puissent ne rien faire. Mes parents m'ont donné suffisamment pour que je puisse me croiser les bras toute ma vie, mais ils m'ont aussi élevé avec d'autres valeurs. » Cet occupant d'un nouveau genre fait partie de l'association américaine Ressources Generation, qui rassemble des jeunes gens fortunés autour de causes sociales. « L'argent n'achète pas tout. Il peut vous procurer la tranquillité d'esprit et les outils pour réaliser des choses, mais il ne peut offrir le talent, l'amitié, la joie, tout ce qui fait, selon moi, la richesse d'une vie. »
Intégration immédiate
Sur Dewey Square, il ne cache rien de son statut : « J'ai fabriqué des pancartes et des T-shirts qui indiquent que je fais partie des 1 %. Mais j'ai aussi dit que je soutenais tout à fait la cause des 99 %, que je dénonçais les injustices économiques, l'influence de l'argent sur le monde politique, et que je voulais être taxé davantage. » Autant dire que l'intégration a été immédiate. Si le camp de Dewey Square a été évacué le 10 décembre, Farhad Ebrahimi se sent toujours l'âme d'un Indigné.
« Pendant l'hiver, raconte-t-il, nous construisons une nouvelle stratégie et nous insistons sur la formation des équipes. Nous profitons du fait que nous n'avons plus à nous occuper de la logistique quotidienne pour développer une collaboration avec des organisations plus anciennes, qui militent depuis plus longtemps que nous sur les questions de d'égalité sociale et économique. Si nous revendiquons le fait d'être les 99 %, nous devons réunir toutes sortes de voix différentes. Vers quels genres d'actions allons-nous ? Occupation de lieux symboliques ? Rassemblement massif ? Obstruction de port, comme à Oakland ? Nous ne savons pas encore sous quelle forme, mais la dynamique va reprendre de plus belle au printemps. »
sudouest.fr 06h00 | Mis à jour 08h49n Par Stéphanie Fontenoy, à Boston |