Source : www.marianne.net
Des millions de reais déboursés selon un document obtenu par la Folha de São Paulo, l’un des principaux journaux du pays, pour s’assurer non pas de l’obtention du marché mais de la signature d’un volet supplémentaire au contrat existant, qui liait le groupe français à la mégalopole brésilienne depuis 1983.
Or selon le quotidien , au Brésil, la loi plafonne la durée de ce type de contrat à cinq ans. Quinze ans s’étaient pourtant écoulés lors de la signature de l’avenant en 1998. Ce qui n’aurait pas empêché les autorités régionales, notamment l'entreprise énergétique publique (EPTE) de recevoir, d'après l'enquête des journalistes, des pots de vin en échange de l’octroi de ce juteux contrat qui s’élevait pour Alstom à 45,7 millions de dollars.
Saisi dans les locaux d’Alstom, à Paris, par la police française, selon le site de la Folha de São Paulo, le document en question, mettrait directement en cause les directions financière, administrative et technique de l’EPTE dont on découvre pour la première fois le montant des sommes perçues.
Chacune, désignée par leurs initiales, « DF », « DA » et « DT » auraient ainsi respectivement reçu d’Alstom 780000 reais, (243000 euros), 520000 reais (162000 euros) et 67600 reais, (21000 euros) auxquels s’ajoute, entre autres, 1,5 million de reais (468000 euros) destinés au bureau du secrétaire à l’Energie de l’état de São Paulo, le « SE », alors dirigé par Andrea Matarazzo, qui nie les faits.
En tout, les versements représenteraient 15% de la valeur du contrat dont 7,5% des fonds auraient transité via une société, la MCA, de Romeu Pinto Jr, alors consultant pour le groupe français. Jusqu’à présent, la police fédérale qui enquête sur l’affaire était seulement parvenue à remonter jusqu’à lui.
L’homme n’a rien nié. Il précise cependant selon le quotidien avoir « remis les sommes à des "motoboys" mandatés par des personnes qu’il ne connaissait pas ».
Une autre instruction judiciaire en cours au Brésil depuis le 9 août dernier, portant plus largement sur une possible entente entre multinationales lors d'appels d'offre lancés par la compagnie CFTM, gestionnaire du métro de São Paulo, a débouché le 7 novembre 2013, sur le « blocage » des biens d’Alstom au Brésil, d'une valeur de 60 millions de reais. Soupçonné de corruption, Alstom est aussi visé pour blanchiment d’argent et évasion fiscale.
Egalement en cause dans ce volet énergétique distinct, l’existence de « comptes bancaires secrets » en Suisse par l'intermédiaire desquels 600000 reais auraient été versés à la MCA de Romeu Pinto JR, d'octobre 1998 à mai 2000. La filiale brésilienne d’Alstom aurait également participé au financement de ces pots de vin.
Si Alstom a été condamné en Suisse à 31,5 millions d'euros en 2011 dans le cadre de trois autres cas de corruption, dans cette affaire brésilienne le groupe a été blanchi en France selon la Folha de São Paulo, car il n’était pas illégal jusqu’en 2000, « de verser des commissions pour obtenir des marchés publics à l’étranger » à hauteur de 7,5% du contrat.
Or la valeur qui aurait été déboursée par Alstom représenterait le double de ce pourcentage, d'où la nécessité alors de « faire passer l'excédent par d'autres circuits » selon un ancien directeur d'Alstom, André Botto, interrogé par le juge Renaud Van Ruymbeke en 2008. « Un directeur d'Alstom reconnait pour la première fois que les autorités brésiliennes ont été soudoyés » écrit le journal qui publie par ailleurs un extrait du procès verbal.
*Contacté à Paris, Alstom ne commente pas les affaires en cours d'instruction mais rappelle le «strict code éthique» suivi par le groupe depuis les années 2000.
*Contacté à São Paulo, la Folha de São Paulo a fourni des éclaircissements, ajoutés à cet article à 13h15.