Source : www.marianne.net
Et on comprend leur malaise à la lecture du dernier rapport de la Cour des comptes, paru le mercredi 17 septembre, qui nous rappelle que le mot « assisté » devrait cesser d’appartenir à ces concessionnaires exclusifs. Ce rapport fait état de la spectaculaire hausse des fraudes aux cotisations sociales, qui ont doublé entre 2007 et 2012, c’est-à-dire durant le quinquennat de l’homme qui est revenu pour sauver la France au nom du Sacré-Cœur et guérir les malades des écrouelles.
Comment est-on parvenu à une telle explosion des fraudes durant cette période ? Fraudes qui, élargies à l’assurance chômage et aux retraites complémentaires obligatoires, bondissent à 25 milliards d’euros. Fraudes qui comportent aussi le recours abusif aux travailleurs détachés qui étaient 7 500 en 2000 et 210 000 en 2013. Ces patrons indélicats – notamment ceux des secteurs de la construction et du commerce – ne manqueront pas d’expliquer, via leurs traditionnels relais dans la presse, que toucher à ce système mafieux reviendrait à mettre en péril leurs activités. En bref, ces assistés qui coûtent tant au pays ont recours au chantage pour tenter de légitimer une situation obscène dont tout le monde pâtit, y compris leurs propres secteurs justement. En comparaison, la fraude aux prestations sociales est de 3 milliards, une somme en partie récupérée puisque son taux de recouvrement est de 90 %.
La Cour des comptes réclame une répression plus sévère dans les cas de contrats de travail dissimulé et rappelle à juste titre qu’il n’existe pas dans ce domaine d’équivalent de la police fiscale. On attend de savoir si ce rapport va connaître un classement vertical.
Le hasard étant la rencontre de deux déterminismes indépendants, comme disait le mathématicien Cournot, le quotidien économique belge l'Echo vient de pointer 20 des plus grandes fortunes françaises qui se sont établies en Belgique. Fortunes ayant mis à l’abri la bagatelle de 17 milliards d’euros. Il paraît que le chiffre a surpris l’administration belge elle-même, qui ne s’attendait pas à une telle désertion de nos compatriotes. Notre confrère cite également des hommes d’affaires comme Bernard Tapie, Stéphane Courbit et l’animateur de télévision Arthur (autant de soutiens du postulant qui a choisi de faire don de son corps au pays).
S’interroger sur ces pratiques et les condamner serait, nous dit-on, la marque d’esprits tentés par les démons de l’ultragauche ou de l’ultradroite. C’est surtout le souci de tous ceux qui estiment que de tels manquements au civisme accréditent l’idée fausse que tous les chefs d’entreprise se valent. Par malhonnêteté parfois, par paresse souvent, on englobe les gens sous un même vocable. En essentialisant, nous prêtons à tel ou tel groupe des qualités, mais plus largement des défauts. Dire « les patrons » n’échappe pas à cette règle et les mauvaises manières de quelques-uns ne doivent pas nous aveugler sur le comportement de tous les autres. Je ne suis pas sûr que, sur ce dernier point, Pierre Gattaz soit le meilleur porte-parole de l’entreprise.
>>> Cet éditorial est paru dans le numéro 909 de Marianne en vente, à partir d'aujourd'hui, en kiosques et accessible au format numérique sur notre liseuse Web, iOS et Androïd, en découvrant nos offres d'abonnement numérique et intégral.