Mis en examen pour abus de faiblesse dans le cadre de l'affaire Bettencourt, l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, s'est donc pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 24 septembre dernier validant la quasi-totalité de l'instruction des magistrats bordelais.
Huit des douze mis en examen dans ce dossier, dont Nicolas Sarkozy, donc, mais aussi son ancien ministre du Budget Eric Woerth, ont en effet contesté cet arrêt qui validait notamment une expertise médicale clef du dossier selon laquelle la vieille dame était en état de vulnérabilité depuis 2006 et pouvait donc être victime d'abus de faiblesse. Une décision qui confirmait aussi que la mise en examen de l'ancien chef de l'État n'était pas entachée de nullité et qui rendait même hommage aux juges d'instruction pour la "rigueur" et la "fermeté" dont ils ont "su faire preuve".
Ce pourvoi en cassation en dit long sur un bobard savamment distillé ces dernières semaines par le clan Sarkozy. Selon ce bobard, le juge d’instruction, Jean-Michel Gentil, aurait eu l’intention de rendre une ordonnance de non-lieu en faveur de Nicolas Sarkozy – comme le lui a d’ailleurs suggéré le parquet. A entendre les amis de l’ancien Président, le magistrat aurait fini par prendre conscience de la fragilité des charges pesant sur le justiciable Sarkozy. D’où l’idée qu’au fond, Nicolas Sarkozy n’avait aucun intérêt à se pourvoir en cassation. Ce scénario bidon a été écrit, décrit, raconté avec force détails dans tous les médias depuis des semaines. Patatras ! Nicolas Sarkozy se pourvoit en cassation. Pourquoi ? Parce que, contrairement à ce qu’il a fait dire, il craint bel et bien d’être renvoyé en correctionnelle.
Entre deux maux, choisissons le moindre ! Nicolas Sarkozy prend le risque de perdre un an de plus, quitte à devoir ensuite jongler avec un calendrier judiciaire et un calendrier politique fort peu compatibles. Preuve que les avocats de Nicolas Sarkozy, ne sachant rien des intentions réelles du magistrat instructeur, préfèrent explorer toutes les voies de droit pour éviter l’humiliation d’un renvoi en correctionnelle.
Le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation va désormais décider si l'affaire doit être examinée en urgence. Si ce pourvoi est jugé recevable, cette nouvelle étape judiciaire pourrait prendre plusieurs mois. Ce n’est donc qu’en 2014 qu’on saura définitivement si l’instruction de l’affaire Bettencourt est ou non validée. Ce qui signifie, au mieux, que le procès Bettencourt en première instance n’aura lieu qu’au premier semestre 2015. En cas d’appel, le second procès n’interviendrait qu’en 2016. C’est-à-dire au plus mauvais moment pour un éventuel futur candidat à l’élection présidentielle de 2017.
En vérité, ce pourvoi en cassation ressemble à s’y méprendre à un va-tout politique autant que judiciaire.