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Echapper à la taxation par l'expatriation est devenu pour les ultra-riches un sport de plus en plus international. Eduardo Saverin, cofondateur de Facebook, s'est illustré. Une semaine avant l'introduction de Facebook en Bourse, qui faisait de lui un multimilliardaire, M. Saverin a renoncé à la nationalité américaine, repris sa nationalité brésilienne et s'est installé à Singapour. Tout cela pour ne pas payer l'impôt américain.
Au moins les Américains qui résident en dehors des Etats-Unis paient un impôt à leur pays si leur revenu dépasse un certain montant. Au moins le riche Américain, s'il renonce à sa nationalité, est-il redevable d'un impôt sur la fortune, dit "exit tax" ("impôt de sortie"). Rien de tout cela en France et c'est une faille du projet de François Hollande que l'affaire Arnault révèle : les Français ultrariches qui décideraient de quitter la France pour résider en Belgique, en Suisse ou au Royaume-Uni, voire de quitter la nationalité française ne paieront plus l'impôt en France, réservé à ceux qui continueront d'y résider.
Pour être juste, l'imposition des Français ultrariches doit être progressive : plus forte pour ceux qui choisissent de résider à l'étranger et encore plus forte pour ceux qui décideraient de renoncer à la nationalité française, plutôt que de continuer de résider en France en y payant leurs impôts.
Reste que le phénomène international d'évasion fiscale des ultrariches vers des nationalités qui les protègent de payer des impôts va continuer. Entre 2008 et 2010, le nombre d'Américains ayant choisi de quitter la nationalité américaine a été multiplié par six. Ce phénomène touche de plus en plus de Chinois, de Russes ou d'Indiens, dans l'inaction de ces grands pays à qui souvent ils doivent d'être devenus riches. En plus d'une taxation nationale plus juste, la France doit donc impulser une action internationale (à l'OCDE ou à l'ONU) contre l'évasion fiscale par le changement de nationalité (et de résidence).
Imaginons ainsi une taxe internationale annuelle de 1 % sur la fortune appliquée aux 1 210 milliardaires du monde. Son produit aurait représenté 45 milliards de dollars en 2011 (35,2 milliards d'euros). Cet impôt pourrait être perçu par le pays de résidence ou, en cas de refus ou d'échec, par un quelconque autre pays signataire de cet accord. Son produit serait réparti entre les Etats avec qui ces ultrariches ont eu des liens de nationalité ou de résidence au prorata de la durée de ces liens. Si un Américain devient suisse à 49 ans, les Etats-Unis percevront 49/50 de cet impôt lorsque ce contribuable aura 50 ans et la Suisse 1/50, 49/51 à 51 ans, etc.
Cet impôt pourrait contribuer à financer les organisations internationales (à titre d'exemple et de comparaison, le budget de l'ONU est de 13 milliards de dollars), puis des actions à impact mondial (environnement, développement). L'économie se mondialise, les fortunes aussi, donc leur taxation doit suivre. M. Hollande a raison de proposer plus de justice fiscale au plan national. Mais pour atteindre ses objectifs, sa réforme doit dissuader tout incivisme et viser très vite une action internationale conjointe des grands Etats. Faute de quoi les ultrariches seront de plus en plus nombreux à se placer au-dessus des lois.