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Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

A quel stade de la mondialisation économique sommes-nous ?

 

marianne.net

 

Mardi 10 Septembre 2013 à 11:29

 

Philippe Murer

 

Après avoir profité du libre-échange en asphyxiant les pays développés, ce sont maintenant les pays développés qui tournent de moins en moins vite et asphyxient les pays émergents.

 

Illustration - Bebeto Matthews/AP/SIPA
Illustration - Bebeto Matthews/AP/SIPA
La crise de 2008 a changé la façon dont se développent les pays émergents. Avant 2008, le déficit commercial des pays occidentaux augmentait sans cesse avec les pays émergents. En effet miroir, de nombreux émergents dont la Chine accumulaient des excédents sans cesse plus grands. Une partie importante de l’industrie passait des pays développés aux pays émergents. Ce courant négatif permanent pesant sur les économies développées était compensé par de l’endettement public ou privé supplémentaire chaque année pour faire avancer la machine. (L’Allemagne est un cas à part, l’exception qui confirme la règle)

On remarquera que le journal Le Monde, après avoir nié l’évidence, a passé un éditorial stupéfiant sur les émergents où il reconnait « Ceux-là mêmes qui nous ont méthodiquement dépouillé de nos industries et de nos emplois depuis deux décennies. » Le développement de l’économie des émergents était facilité par ce courant positif permanent. Les investissements, la consommation intérieure, une bonne politique économique dans certains cas faisait le reste.

 

A quel stade de la mondialisation économique sommes-nous ?

 

Une autre catégorie d’émergents, peu exportateur de produits industrialisés comme le Brésil, la Russie, se développaient par un effet indirect : à l'instar de très grands pays comme la Chine ou l’Inde qui utilisaient la richesse créée pour s’équiper massivement en infrastructures, ils dévoraient de plus en plus de matières premières à des prix sans cesse plus élevés. Les pays exportant des quantités importantes de matières premières (Brésil, Russie…) s’enrichissaient avec ce courant positif permanent d’achat de matières premières.
 
Depuis la crise de 2008, les pays développés ne peuvent plus croître avec ce courant négatif constant du déficit commercial croissant car ils sont surendettés (dette privée et publique). Du coup, leur économie tourne avec un taux de croissance beaucoup plus bas, la crise de l’euro n’arrangeant rien. Leurs déficits commerciaux ont pris un tour inverse : ils se réduisent chaque année créant un flux positif de croissance pour eux mais négatif pour les émergents.

 

A quel stade de la mondialisation économique sommes-nous ?

 

Pour les Etats-Unis, cela est en partie dû au gaz et pétrole de schiste, en partie dû au fait que l’ouvrier américain devient si mal payé après 40 ans de baisse tendancielle des salaires, qu’il devient compétitif. Salaires et énergie à prix réduits permettent la résorption du déficit commercial américain.

Pour les pays d’Europe du Sud comme la France, l’Italie et l’Espagne, la baisse du déficit commercial se fait par des importations bridées par une croissance en baisse et des exportations qui continuent à augmenter. La baisse des importations et la hausse des exportations permet à l’Europe de prendre près de 1% de croissance à l’étranger, surtout dans les émergents. Après avoir profité du libre-échange en asphyxiant les pays développés, ce sont maintenant les pays développés qui tournent de moins en moins vite et asphyxient les pays émergents. Les « moins bien gérés » affichent maintenant des déficits commerciaux (de 4% du PIB pour l’Inde à 8% pour la Turquie) et ont des problèmes de croissance de plus en plus aigus. La Russie affiche 1% de croissance trimestriel, l’Inde 3 à 4%, le Brésil 2% et la Chine a un taux réel de croissance d’environ 3-4% depuis un an (tous les économistes même ceux de Goldman Sachs et d’UBS expliquent que les statistiques chinoises sont « incohérentes ». On ne peut qu’estimer la croissance chinoise en observant la croissance de ses besoins en pétrole, électricité, fret …).

On remarquera que la Chine n’arrive à croître assez faiblement qu’en faisant exploser son taux d’endettement de 30% du PIB chaque année : l’endettement public et privé de la Chine est aujourd’hui proche de 220% du PIB, proche donc des records d’endettement des USA (300% du PIB) de 2007 à 2013 et de 1929 ! A cet égard, le prochain cycle de récession de l’économie mondiale qui devrait arriver entre 2014 et 2015 (un cycle économique dure généralement 6 ans), pourrait voir la Chine et d‘autres émergents avoir des problèmes économiques considérables à résoudre  (les pays occidentaux aussi).

Le libre-échange après avoir cassé la croissance occidentale et alimenté une dette publique et privée explosive, est en train d’affaiblir par ricochet la croissance des émergents qui s’en tirent à peu près en alimentant une dette publique et privée conséquente. Les pays occidentaux arrivent tout juste à sortir la tête de l’eau pour certains, à garder la tête sous l’eau sans couler pour d’autres. Le système est à bout et crée des déséquilibres gigantesques. La croissance est en train de se réduire progressivement partout sur la planète. La dette monte en puissance partout. Le libre-échange devient destructeur pour tous. (sauf peut-être pour l’Allemagne dont la croissance est de 1% en moyenne chaque année depuis 2001, ce qui n’est pas formidable)

La prochaine récession mondiale sera probablement très dure. Les pays d’Europe du Sud, qui ont déjà la tête sous l’eau, seront alors dans une situation catastrophique. On l’oublie trop souvent en Europe : nous sommes parfois en récession dans un cycle de croissance mondiale ! Pour les émergents aussi, pour les USA et l’Allemagne, il faudra gérer une forte baisse du PIB.
Les dirigeants deviendront-ils rationnels et sauront-ils changer de cap ? Si le cap n’est pas modifié, la montée des tensions entre les pays risque d’être considérable : plutôt que de s’accuser d’avoir commis des erreurs en suivant les règles d’un système destructeur, les dirigeants ne préféreront-ils pas reporter la faute sur d’autres ? On risque malheureusement de voir alors les limites du « doux commerce ».

Philippe Murer est professeur de finance vacataire  à la Sorbonne et membre du www.forumdemocratique.fr
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