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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 13:51

LEMONDE | 03.01.12 | 11h52   •  Mis à jour le 03.01.12 | 14h28

 
 

 

Des salariés de Petroplus manifestent à Petit-Couronnes, près de Rouen, le 2 janvier 2012.

Des salariés de Petroplus manifestent à Petit-Couronnes, près de Rouen, le 2 janvier 2012.AFP/KENZO TRIBOUILLARD

Rouen, Correspondant - Les salariés de la raffinerie Petroplus à Petit-Couronne (Seine-Maritime), ont voté, lundi 2 janvier, lors d'une assemblée générale, pour la poursuite du blocage de toutes sorties et livraisons des produits finis actuellement en stock. Une semaine après l'annonce du refus bancaire de renouveler la ligne de crédit de 1 milliard de dollars (770 millions d'euros) qui lui permettait de s'approvisionner en pétrole brut, le raffineur suisse a mis à l'arrêt complet trois de ses cinq sites européens: ceux de Petit-Couronne, Anvers (Belgique) et Cressier (Suisse). Ingolstadt (Allemagne) et Coryton (Royaume-Uni) sont approvisionnés.

La pause du Nouvel An n'a pas tempéré la volonté du personnel. A quelque 200, ils se sont retrouvés sous les averses, un peu avant 13 heures, devant le poste de garde, pour l'assemblée générale quotidienne. Entre Petit et Grand-Couronne, le port et les usines font partie du quotidien des habitants. On traverse la raffinerie pour aller d'une commune à l'autre.

En écoutant les responsables de l'intersyndicale, les salariés ont dans leur dos les panaches de fumée blanche de la papeterie Chapelle Darblay du groupe finlandais Kymmene, "une bagarre" qui s'était en partie bien finie avec l'injection, en 1984, de dizaines de millions de francs par le premier ministre socialiste, Laurent Fabius, élu d'une autre commune voisine, Le Grand-Quevilly.

"TRÉSOR DE GUERRE"

Cette fois, M. Fabius, président de la communauté d'agglomération de Rouen, a placé son successeur à Matignon, François Fillon, devant ses responsabilités et lui a demandé une audience dans les plus brefs délais. Pour l'intersyndicale CGT, CFDT, CFE-CGC de la raffinerie, la solution se situe bien au plus haut niveau de l'Etat.

Sur place, ils se concentrent sur la garde d'un "trésor de guerre". "Le blocage des produits en stock [évalués à 200 millions d'euros], c'est notre seule et unique monnaie d'échange. Si on leur rend, on est mort", a martelé, lundi, Yvon Scornet (CGT), porte-parole de l'intersyndicale.

Le syndicaliste n'a plus de mots assez durs pour stigmatiser le comportement du raffineur suisse, dont le directeur général est accusé d'avoir laissé la situation de Petroplus se dégrader. Jean-Paul Vettier, qui a fait carrière chez Total jusqu'en septembre 2009, est accusé de laisser prospérer l'idée qu'il serait victime d'une surcapacité de raffinage en Europe. "Faux !, objecte M. Scornet. La France a importé 27 millions de tonnes de produits en 2011, soit trois fois la production de Petit-Couronne." M. Vettier devait être reçu par le ministre de l'industrie, Eric Besson, officiellement pour examiner les possibilités de reprise des productions.

"UN VRAI PROFESSIONNEL QUI AIT LES REINS SOLIDES"

Les 550 salariés de Petit-Couronne ont fermement indiqué qu'ils prenaient eux-mêmes en main le dossier. Surtout, ils en appellent à l'Etat pour que celui-ci "saisisse la raffinerie" et impose sa reprise par "un pétrolier, un vrai professionnel qui ait les reins solides". "Et pourquoi pas un pétrolier d'Azerbaïdjan ou du Qatar ?", demandent-ils. Ils vont solliciter les ministres, la Commission européenne, "et pas pour faire la tournée des directeurs de cabinet". "On veut voir des personnes qui nous disent, les yeux dans les yeux, ce qu'elles vont faire", prévient encore M. Scornet.

L'argument développé à Petit-Couronne est la qualité technique du site. "Il faut que les financements soient opérationnels, demande Laurent Patinier (CFDT). Avec des investissements, les projets peuvent être rentables à court terme." L'intersyndicale reçoit un soutien actif des élus régionaux. Lundi, devant les portes de l'usine, les politiques – PS, PCF, Lutte ouvrière, entre autres – bravaient les averses aux côtés des salariés. Les candidats à l'élection présidentielle continuent d'être sollicités.

AVENIR "EMBLÉMATIQUE"

Le centriste Hervé Morin est annoncé, avant la trotskiste Nathalie Artaud (LO) et, prochainement, François Hollande (PS) et Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche). Du côté syndical, on attend François Chérèque, secrétaire confédéral de la CFDT, et la CGT va multiplier les délégations de fédérations diverses.

Désindustrialisation, concurrence d'importations de pays tiers à l'Europe, engagement des banques dans l'économie réelle : l'avenir de la raffinerie de Petit-Couronne est "emblématique", glisse Guillaume Bachelay (PS), vice-président du conseil régional de Haute-Normandie, chargé des questions industrielles dans l'équipe de M. Hollande et qui doit préparer la visite du candidat socialiste. Serait-il accusé de récupération ? "Notre lutte surfe sur la campagne électorale. Il n'y a pas de honte à cela", assume Jean-Luc Bronté, délégué CGT.

Etienne Banzet

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