Les diplômés de la plus cotée des écoles de commerce française HEC ont fait main basse sur l'univers des médias de manière plutôt discrète, mais efficace. Leur omniprésence aux postes de commandes des télés et des journaux intrigue…
Ils ont réussi une OPA silencieuse. Les HEC ont pris progressivement les manettes des grands médias français. Une sorte de révolution dans cette galaxie de saltimbanques qui croyaient faire partie de « l'exception culturelle ».
La montée en puissance des gestionnaires, des publicitaires, des pros de l'audience et des parts de marché a, en réalité, transformé les médias en entreprises comme les autres, au grand dam des journalistes et animateurs télé d'antan.
Pfimlin, Izraelewicz, Dreyfus, Chain, Romatet…
Aujourd'hui, après avoir envahi les agences de pub, les HEC sont bien les rois des médias. La nomination du placide Rémy Pflimlin, ancien président de l'association des diplômés HEC, à la tête de France Télévisions, illustre ce phénomène, tout comme l'arrivée de deux HEC, le journaliste Eric Izraelewicz et le gestionnaire Louis Dreyfus (venu de Libération et du Nouvel Obs), à la tête du groupe Le Monde.
Autres symboles de cette progression : la réussite du présentateur-producteur de télévision HEC Emmanuel Chain (qui a fondé Eléphant & Cie, fournisseur de programmes pour toutes les chaînes), la promotion du HEC Xavier Romatet à la tête de Condé Nast France, l'arrivée du HEC Marc Feuillée à la direction générale du groupe Figaro ou l'ascension d'Alain Weill, le patron de NextradioTV (BFM, RMC), titulaire d'un MBA d'HEC.
Les ex-HEC se mêlent aussi du contenu des programmes
Mais ce n'est que la partie la plus visible de cet iceberg. Car les HEC ne se contentent pas d'être des managers ou des publicitaires, ils veulent aussi s'occuper du contenu des chaînes de télévision, afin que ceux-ci collent aux demandes des téléspectateurs-clients.
Venu du marketing du lessivier Procter & Gamble, puis du conseil chez McKinsey, Rodolphe Belmer dirige ainsi les programmes de Canal Plus depuis 2001. Le patron de TF1, Nonce Paolini, a, lui aussi, choisi en 2008 un HEC formé chez Procter & Gamble, Laurent Storch, pour prendre en charge la grille de programmes de sa chaîne, avant de le remplacer en mai dernier par un autre expert du marketing, Jean-François Lancelier, et de lui confier les rênes de la production des fictions et de TF1 Films Production.
Même si les HEC des médias ne constituent pas une mafia homogène, ils sont liés par une certaine connivence. « On se connaît tous, à force de se côtoyer dans les instances professionnelles et le réseau des anciens », témoigne Xavier Romatet.
Le groupe qui les réunit s'appelle opportunément « Médias et Entertainment ». Rassemblant près de 1 400 diplômés travaillant dans le secteur de la presse, la radio, la TV, l'internet, le cinéma et l'édition, il est dirigé par Louis Vaudeville, le producteur de la série documentaire « Apocalypse » sur la Seconde Guerre mondiale. Ses affidés se croisent régulièrement à des réunions et des cocktails. Certains se retrouvent chaque année pour un voyage, au Japon, en Chine, à Dubaï, ou en juin 2011 à Istanbul.
Ils visitent ensemble des rédactions, rencontrent des publicitaires, décryptent les nouvelles technologies, échangent des tuyaux, des blogs, des emails et des cartes de visites. Une manière de rester branchés. Tout en faisant des affaires.
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