À Athènes, la polyclinique de Médecins du monde ne reçoit plus seulement des migrants et des demandeurs d’asile comme le prévoyait sa mission d’origine. La cinquantaine de médecins et infirmières qui y travaillent, pour la plupart bénévolement, voient affluer un nouveau public de Grecs, appauvris par la crise au point qu’ils ne peuvent plus se soigner et se nourrir à leur faim. Ce centre de soins est situé dans le centre, à Koumoundourou Square. Un autre a ouvert à Perama, ville portuaire à une demi-heure de route de la capitale, et une unité médicale mobile circule dans les îles et les régions plus reculées. Entretien avec Christina Samartzi, responsable des programmes nationaux en Grèce pour l'ONG.
Les traces de la crise et des plans d’austérité sont-elles perceptibles dans le profil des personnes qui frappent à votre porte?
La grande nouveauté, c’est que nous voyons de plus en plus de Grecs venir demander de l’aide et se faire soigner ici, où ils savent qu’ils peuvent trouver gratuitement des généralistes, des dermatologues, des psychologues et des pédiatres. Ce n’était pas le cas auparavant, ou à la marge. Médecins du monde s’est installé à Athènes pour porter secours aux migrants, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, principalement originaires d’Afrique subsaharienne et d’Asie centrale. Arrivent désormais des chômeurs, des travailleurs précaires avec de faibles revenus et des sans-abri qui n’ont plus les moyens de se soigner. Ils ne peuvent plus payer les consultations dans le secteur privé. Ils n’ont plus, non plus, accès à l’hôpital public où il existe un droit d’entrée de 5 euros. Pour de nombreuses personnes, 5 euros, c’est déjà trop. Ils ne peuvent plus, non plus, acheter les médicaments. Ils viennent ici pour en obtenir gratuitement. En 2011, les Grecs ont représenté 30% du public reçu. Ils étaient moitié moins l’année précédente. Dans notre centre de Perama, situé dans une région très pauvre, ne viennent que des Grecs.
Quand avez-vous commencé à constater cette évolution?
Cela a débuté à la fin de l’année 2010 et ça s’est amplifié début 2011, pour atteindre des sommets. Au total, environ 30.000 personnes sont passées chez nous cette année, contre 20.000 un an auparavant.
Qui sont ces Grecs qui ont recours à vos services?
Les profils sont variés, mais on observe la présence de beaucoup de femmes seules avec leurs bébés. Ces femmes n’ont plus accès aux services sociaux habituels car l’État n’a plus les moyens de les prendre en charge. Elles viennent pour faire vacciner leurs enfants. Elles ont besoin de médicaments et d’examens médicaux de base. Il y a aussi de plus en plus de personnes âgées, des retraités qui n’ont plus de revenus. On reçoit également des fonctionnaires qui ont vu fondre leurs salaires, ainsi que de nombreux anciens entrepreneurs. Dans le passé, ils pouvaient être riches, ils étaient à la tête de PME florissantes qui ont fait faillite du jour au lendemain et ils se retrouvent sans rien. Ils ont honte de venir à la polyclinique. Certains ont tellement honte qu’ils nous parlent en anglais pour passer pour des migrants. Ils ne veulent pas qu’on pense qu’ils sont grecs.