Le mouvement mondial Slow Food et 276 organisations non-gouvernementales actives en Europe, dont le WWF, Oxfam, Greenpeace, les Amis de la Terre, ont adressé une lettre ouverte aux membres du Parlement européen pour dénoncer l’attitude réactionnaire adoptée par AGRI, la commission de l’agriculture du PE, qui a émasculé les propositions pourtant timides de la Commission européenne pour réformer la Politique agricole commune à partir de 2014.
« Dans la vision de la CAP retenue par AGRI, l’argent continuerait à être distribué de manière injuste et le soutien apporté y compris aux pratiques agricoles les plus polluantes, certains fermiers étant même subventionnés deux fois pour les mêmes actions environnementales (un principe contraire aux fondements des Traités européens). Au fond, la position de la commission AGRI est hostile à l’environnement, à notre santé, au bien-être animal et aux pays en développement », affirme la lettre qui estime que cette attitude est contraire aux opinions émises par d’autres commissions du PE.
Comme pour le budget pluriannuel 2014-2020, dont le projet en régression a été adopté par les chefs d’État et de gouvernement de l’UE lors de leur dernier sommet à Bruxelles, le Parlement européen a été doté par le Traité de Lisbonne d’un véritable pouvoir de codécision concernant le futur fonctionnement de la PAC. Mais l’attitude, peu surprenante au demeurant, de la commission AGRI augure bien mal de l’usage de ce pouvoir pour mettre fin aux aberrations les plus criantes de la politique agricole européenne.
Aujourd’hui présidée par l’eurodéputé italien (PSE) Paolo De Castro, ancien ministre de l’agriculture des gouvernements D’Alema et Prodi lié au mouvement coopératif italien, AGRI est une chasse gardée du lobby agricole et agro-alimentaire européen. Elle fut longtemps présidée par Joseph Daul, dinosaure conservateur aujourd’hui à la tête du groupe conservateur PPE et chef d’exploitation agricole jusqu’en 2007.
La France, qui reçoit à elle seule un quart des subventions annuelles de la PAC (soit plus de dix milliards d’euros dans le cadre financier actuel), a toujours veillé à ce que AGRI, comme d’ailleurs la direction générale de l’agriculture de la commission, soit entre les mains de hauts fonctionnaires ou eurodéputés peu susceptibles d’aller contre les intérêts « du pays qu’ils connaissent le mieux », comme on dit à Bruxelles. « Jusqu’ici, le débat (sur la réforme de la PAC) a été contrôlé par un petit groupe d’eurodéputés au service d’intérêts particuliers », relève d’ailleurs la lettre ouverte des ONG.
Le texte affirme que « le soutien public doit être accordé exclusivement aux agriculteurs qui défendent des campagnes saines et animées et produisent une nourriture amicale pour l’environnement. Les subventions qui affectent négativement notre environnement, notre santé, nos emplois, les pays en développement et le bien-être animal doivent être supprimées ».
Fidèle continuateur de son voisin corrézien Jacques Chirac, François Hollande a consacré l’essentiel de ses efforts, lors du sommet budgétaire de Bruxelles des 7 et 8 février, à préserver autant que possible le statu quo agricole, dans un contexte de diminution, pour la première fois, de l’enveloppe des « perspectives financières » de l’UE. Avant d’aller au salon de l’agriculture battre le record de durée des visites présidentielles longtemps détenu par le châtelain de Bity.