Comme un changement de tonalité. Ce vendredi 21 juillet, le gouvernement a achevé les réunions de concertation avec les syndicats sur sa réforme en cours du droit du travail. Toutes les organisations représentatives ont rencontré six fois les membres du cabinet de la ministre du travail Muriel Pénicaud (sauf la CFE-CGC, dont le dernier rendez-vous a été décalé à mercredi prochain). Et le bilan que tirent les représentants des salariés de ce cycle de « concertation intense », comme l’avait désigné la ministre en le lançant il y a un mois et demi, est pour le moins mitigé.
Au fond, seuls les syndicats CFTC et FO s’affirment plutôt satisfaits du processus. Pour Philippe Louis, le président du syndicat chrétien, « il reste des interrogations, mais beaucoup de choses ont été éclaircies ». FO n’a pas souhaité répondre à Mediapart, car l’organisation doit accorder ses violons avant une prise de parole officielle en début de semaine. Mais dans sa dernière interview, au Parisien, Jean-Claude Mailly a maintenu son satisfecit global en direction du gouvernement, qui tranche avec l’opposition de son syndicat à la loi sur le travail, version 2016 : « Par rapport à l'an dernier, le contexte politique a changé. Et sur la méthode, c'est le jour et la nuit, dit-il. J'ai réclamé une concertation et un allongement du calendrier initial de la réforme, le président de la République l'a accepté. Ce serait irresponsable de tout rejeter. » Un soutien appuyé à la réforme qui commence à créer des vagues en interne, une partie de la base de FO ne le comprenant pas et ne s’y reconnaissant pas.
Sans grande surprise, la CGT campe de son côté sur une position très critique. À l’issue des six réunions d’une heure, son négociateur en chef, Fabrice Angeï, souligne que « six heures de discussion, c’est beaucoup et peu à la fois : les thèmes sont nombreux et précis, et les ordonnances qui seront publiées fin août par le gouvernement devraient représenter plus de 200 pages ».
« Il y a plus une volonté d’habillage que de dialogue réel, estime le cégétiste. Nous n’avons pas vraiment discuté : chacun a seulement présenté ses intentions et ses positions. Là où la ministre parle de changement de paradigme, nous pensons que le projet gouvernemental va créer un bouleversement, une véritable destruction du droit du travail. » La CFE-CGC, le syndicat des cadres, n’est pas plus rassurée, dans la droite ligne de ses déclarations précédentes : « Nous avons de moins en moins confiance. Nous sommes inquiets car nous sommes aujourd'hui persuadés que nous sommes face à un projet de régression sociale pour les salariés », déclare le négociateur Gilles Lecuelle.
La CFDT rejoint le camp des opposants
La position de la CFDT est en revanche bien plus inhabituelle, au vu de ses prises de position sur la réforme du droit du travail dans les 18 derniers mois. Quand on l’interroge sur son ressenti à l’issue des concertations auxquelles elle a participé, la numéro 2 du syndicat Véronique Descacq se dit elle aussi « angoissée et pas confiante ».
Ce son de cloche global tranche avec les déclarations officielles de toutes les organisations depuis le début des concertations. Jusqu’à présent, elles avaient paru plutôt hésitantes à critiquer la méthode choisie par l’exécutif, partagées entre la reconnaissance de pouvoir donner officiellement leur avis sur la réforme, et la crainte d’être exclues des négociations si elles se montraient trop virulentes. Aujourd’hui, les désaccords, plus ou moins grands selon les thèmes, sont affichés. « Au fil du temps, il y a effectivement eu un changement de position des organisations syndicales, constate Fabrice Angeï. Face à certaines mesures défendues par le gouvernement, la contestation est générale. Tout le monde est obligé de constater que le bilan, c’est qu’on ne va pas vers des droits en plus pour les salariés, mais vers de la précarité en plus. »
Pour sa part, Gilles Lecuelle trouve que « le projet de loi s'est fortement éloigné de l'objectif de départ ». L’objectif de départ ? Renforcer le dialogue social, affirmaient en chœur Muriel Pénicaud et le premier ministre Édouard Philippe. En vérité, il est assez vite apparu qu’Emmanuel Macron et son gouvernement entendaient bouleverser la philosophie générale du code du travail, le faisant passer d’un texte pensé pour défendre les salariés à un outil de « sécurisation » des pratiques des employeurs...
*Suite de l'article sur mediapart
Source : https://www.mediapart.fr