Source : https://www.marianne.net
Des abus de l'état d'urgence. Le conseil constitutionnel a censuré ce vendredi 9 juin une des dispositions de ce régime censément d'exception, utilisée l'an dernier pour empêcher des centaines de personnes de manifester contre la loi Travail.
C'est l'article 5-3 du texte de 1955, prévoyant les mesures d'exception et les conditions d'exercice de l'état d'urgence, qui a été scruté par les Sages. Donnant pouvoir au préfet "d’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics", il a été massivement invoqué pour empêcher des militants jugés "radicaux "de battre le pavé. Et ce, sans aucun rapport avec la menace terroriste. C'est sur cette base que l'individu qui a saisi le Conseil d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a été empêché de "séjourner dans certaines rues et arrondissements de Paris" lors d'une grande manifestation contre la loi Travail, le 28 juin 2016.
Des atteintes aux libertés soulignées par un rapport d'Amnesty International publié fin mai. L'ONG souligne que l'administration, par le biais des préfets, s'est servie de ces mesures d'exception, au moment de la loi Travail mais aussi à l'automne 2015 lors des mobilisations liées à la COP21., "pour servir des objectifs plus larges, notamment pour maintenir l’ordre public". Selon ce rapport, "639 interdictions individuelles de manifester ont été ordonnées par les préfectures en France, sous l’argument de prévenir les violences lors des manifestations, alors que le plus souvent il n’existait que peu ou pas d’éléments démontrant que ces personnes auraient participé à des violences".
Considérant que la disposition est textuellement trop vague pour être interprétée à bon escient, les membres du Conseil constitutionnel ont donc donné raison aux détracteurs de l'état d'urgence qui dénoncent l'utilisation politique de ce texte. Ils pointent l'absence de "conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif constitutionnel de sauvegarde de l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit de mener une vie familiale normale".
Dans l'avant-projet de loi sur la lutte contre le terrorisme voulu par Macron, qui a fuité dans les médias cette semaine et qui permettrait de faire basculer les mesures de l'état d'urgence dans le droit commun, le cadre de cette disposition controversée a été précisé et se limitera à "la prévention des actes de terrorisme".
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