Quatre militants de Greenpeace ont été déclarés coupables mais ont été dispensés de peine par la 28e chambre correctionnelle du TGI de Paris, jeudi 4 mai, dans un dossier de « dégradation grave commise en réunion » les opposant à l’énergéticien EDF.
« Aucune dégradation n’a été commise », a jugé le tribunal, qui a requalifié la prévention en contravention de « dégradation légère par inscription », déboutant EDF de toutes ses demandes en réparation des préjudices matériel ou moral allégués.
A l’aide d’une bombe aérosol à craie de couleur jaune, les prévenus – trois Français âgés de 25 à 50 ans et un Belge de 64 ans – avaient apposé plusieurs fois la mention « EDF coule » sur la façade vitrée du siège du groupe énergétique, dans le 8e arrondissement de Paris. Leur action s’inscrivait dans le cadre de la campagne menée par Greenpeace France pour dénoncer la politique et l’état des finances d’EDF.
Fin novembre 2016, l’ONG avait déposé une plainte contre EDF au Parquet national financier pour « bilan inexact » et « diffusion d’informations trompeuses ». Selon l’organisation, qui s’appuie sur les résultats d’une étude commandée à un cabinet d’analyse financière, l’entreprise sous-provisionne une partie du coût de démantèlement des centrales et de la gestion des déchets nucléaires.
Bombe à craie
A l’audience, le 23 mars, les quatre militants avaient reconnu avoir « tagué la vitre du siège d’EDF » le 15 décembre 2016. Soulignant le caractère facilement effaçable de la bombe aérosol à craie utilisée, ils avaient, en revanche, contesté la qualification pénale de « dégradation grave » qui les exposait une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement puisque les faits avaient été commis en réunion.
Lors d’une simulation à l’audience, leur conseil, Me Alexandre Faro, avait démontré, à l’aide d’une bombe aérosol identique à celle utilisée le jour des faits, que les inscriptions étaient effaçables d’un simple coup de chiffon. Il avait plaidé la relaxe, mais le parquet avait requis 800 euros d’amende à l’encontre de chacun des prévenus.
De son côté, EDF avait réclamé un total de 7 194 euros pour les préjudices subis : 6 194 euros pour couvrir les frais de services d’une société de nettoyage spécialisée, sur la seule foi d’un devis établi cinq jours après les faits, un montant d’heures supplémentaires versé à des salariés d’EDF ayant supposément prêté main-forte à ladite société, et des frais de déblayage d’objets abandonnés sur les lieux par Greenpeace… lors d’une autre action menée la veille des faits. Au titre du préjudice moral, l’entreprise demandait également 1 000 euros pour l’atteinte à sa réputation pouvant résulter des inscriptions. Le tribunal a rejeté ces demandes.
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La dispense de peine permet de ne pas infliger de sanction à un prévenu tout en le déclarant coupable des faits qui lui sont reprochés lorsque celui-ci a pris conscience de la gravité de son acte, que le dommage a été réparé et que le trouble a cessé.
Dans un communiqué consécutif au prononcé du jugement, Greenpeace France s’est réjoui de cette décision. « S’il y a des dégradations graves, elles sont sur les réacteurs du parc nucléaire français qui sont vérolés par des centaines d’anomalies, a déclaré l’ONG. EDF ainsi qu’Areva sont en effet empêtrés dans un scandale d’anomalies et de falsifications depuis plus de dix ans, selon les récentes révélations de la presse. »
L’organisation a fustigé l’énergéticien pour sa propension à « poursuivre systématiquement toute action militante, en tentant de lancer des procédures bâillons ». Ce type de poursuites est de plus en plus utilisé par les entreprises pour « museler » militants et opposants, autant que pour les épuiser psychologiquement et financièrement.