Source : https://www.marianne.net
Derrière l'"assurance universelle" contre le chômage qu'il propose dans son programme, Emmanuel Macron prévoit un changement total de paradigme sur la manière dont les chômeurs seront indemnisés à l'avenir. Explications.
"Notre système est injuste. Je propose de faire de l'assurance chômage une assurance universelle". Présentée comme cela, la vision d'Emmanuel Macron ne peut que susciter l'adhésion. "Un droit universel", promet son programme. Lequel reste bien inutile pour quiconque chercherait à en comprendre les détails : ils ne figurent pas dans ces 30 pages.
Alors, que signifie concrètement ce concept d'assurance universelle ? "Universelle", parce qu'elle sera ouverte aux "artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales et agriculteurs". Actuellement, ces catégories sont en effet maintenues en-dehors du système général dont bénéficient les salariés. A ces nouvelles catégories, Emmanuel Macron ajoute les salariés qui démissionnent d'un CDI après 5 ans d'ancienneté dans l'entreprise.
Bien évidemment, l'entrée de ces nouveaux allocataires implique un surcoût massif pour l'assurance chômage. L'institut Montaigne l'évalue, en "hypothèse médiane", à "4,8 milliards d'euros par an". Où Emmanuel Macron les trouvera-t-il, en attendant d'atteindre son objectif de baisse du taux de chômage (7% en 2022) ? Son programme prévoit deux principales sources d'économies et bouleverse le financement de l'assurance chômage, mais aussi les droits qui en découlent…
Pour répondre à la difficulté accrue des seniors à retrouver un emploi, les demandeurs d'emploi de cette catégorie bénéficient d'un allongement de la durée maximale d'indemnisation, de deux à trois ans. Jusqu'à cette année, cet allongement se déclenchait à partir de 50 ans. Le dernier accord de l'Unédic a porté ce seuil à 55 ans (avec une diminution progressive des droits entre 53 et 55 ans). Emmanuel Macron, lui, veut encore le repousser, à 59 ans. Résultat : 390 millions économisés par an, évalue l'institut Montaigne.
Aujourd'hui, un demandeur d'emploi qui retrouve une activité partielle peut cumuler son petit salaire avec une partie de son allocation chômage durant la totalité de sa durée d'indemnisation, soit jusqu'à deux ans. Emmanuel Macron souhaite réduire cette durée de moitié, à un an. Potentiel d'économie, selon l'institut Montaigne : entre 1 et 1,5 milliard d'euros.
Restent près de 3 milliards de surcoût non pris en charge par les économies projetées d'ici à 2022. Et c'est là que le changement de logique proposé par Emmanuel Macron intervient… Avec lui en effet, fini le système de cotisation chômage, permettant à tout salarié ayant cotisé un certain temps pour prévenir son risque de chômage, de revendiquer son "droit" à deux années d'allocations garanties maximum quand celui-ci devient réalité.
Dans un futur version Macron, le risque de chômage du travailleur reste assuré mais la durée et le montant de ses indemnisations ne sont plus garanties par le montant et les années de cotisation. D'ailleurs, signe de ce changement de paradigme, les cotisations des salariés pour financer leur chômage seront supprimées et remplacées par une augmentation de la CSG, qui elle est ponctionnée sur tous les revenus, y compris ceux des retraités. Ce qui promet au passage un gain de pouvoir d'achat pour les salariés : sur la feuille de salaire, la CSG augmentera, mais moins, normalement, que ne baisseront les cotisations sociales. Le solde devrait donc être positif pour le salarié.
Un système "comme l'assurance maladie", a souligné le candidat sur TF1 le 27 avril. Et c'est le bon exemple : l'assurance maladie vous protège du risque de maladie mais ne déclenche pas, quand vous tombez malade, deux ans d'indemnisation. "Nous sortons réellement d'un système assurantiel où chacun se dit : 'J'ai cotisé, j'ai droit à être indemnisé'", a résumé le candidat en février dans Les Echos.
Dans le même entretien, Emmanuel Macron assure ne vouloir modifier "ni la durée ni les montants (salaire de remplacement)" des allocations. Et c'est là que demeure le flou. Comme le souligne La Tribune, le changement total de paradigme peut en effet faire douter de la continuité de leur montant. Jusqu'ici, l'allocation est calculée en fonction du niveau de contribution du salarié via ses cotisations - dans la limite de quatre fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale, lorsque l'on a cotisé à hauteur de ce plafond. En ne se basant plus sur les cotisations mais sur la CSG, l'assurance chômage version Macron sera logiquement déconnectée de cette méthode de calcul. D'où l'incertitude sur les montants.
Surtout, comment indemniser un plus grand nombre d'ayants-droits - au même niveau qu'aujourd'hui, puisque c'est la promesse - sans exploser la facture ? La solution repose… sur le durcissement des règles de contrôle voulues par Emmanuel Macron. Des indemnités, oui, mais moins longues donc moins coûteuses. Ces règles-là sont inscrites dans le programme : "Après deux refus d'offres d'emploi correspondants (critères de salaire et de qualification), ou que l'intensité de la recherche est insuffisante, les allocations seront suspendues". Une règle qui existe déjà dans la loi mais qui n'est pas appliquée. Qu'est-ce qu'une offre d'emploi "décente", comme la qualifie également le candidat ? "Une rémunération qui n'est pas trop déconnectée de la dernière rémunération que vous touchiez", a-t-il balayé sur TF1, renvoyant le détail (20% de moins que le dernier salaire ? 25% ? Encore moins ?) à une "négociation" après son élection.
Finalement, la durée de l'indemnisation sera désormais impossible à connaître à l'avance puisqu'elle équivaudra… au temps que mettra Pôle emploi à vous soumettre deux offres entrant dans ces critères. Passé votre droit de veto sur la première offre, peu importe que vous soyez au chômage depuis deux mois ou depuis un an : si vous refusez le second poste, ce sera direction le RSA.
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