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22 mars 2017 3 22 /03 /mars /2017 16:55

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Quand les élites déconsidèrent le travail
 
 

La désindustrialisation, puis la mondialisation, ont laissé sur le carreau des centaines de milliers de Français à qui l'on n'offre désormais que des “Mac jobs”. La gauche au pouvoir a participé de ces transformations, sans rien proposer comme alternative.

réteil (Val-de-Marne), Givors (Rhône) et Martigues (Bouches-du-Rhône), envoyés spéciaux.– Cela fait 35 ans que Fabrice fait la même chose. Le même métier, s’entend. Il aurait pu partir en préretraite mais il a refusé. À la fois parce que sa fille poursuit ses études, mais aussi parce que, malgré les horaires en 3×8 et les risques liés à son travail, il l’aime bien, ce boulot. Il fournit de l’énergie aux raffineries et aux usines pétrochimiques du port de Martigues, au sein d’une petite société externalisée. Il opère, surveille et répare des moteurs de turbine qui tournent 24 heures sur 24, pendant 18 mois, sans s’arrêter. Il a vu des collègues emportés par le cancer, mais les médecins n’ont détecté chez lui que deux petits résidus d’amiante dans ses poumons alors pour lui, ça va. « Des fois, on respire des trucs, on ne sait pas trop ce que c’est… Mais qu’est-ce qu’on y peut ? » philosophe-t-il. Il s’est construit une belle petite vie dans sa maison qui surplombe l’étang de Berre.

Il a toujours voté à gauche mais pour la présidentielle qui arrive, il ne sait toujours pas à qui il donnera sa voix. Il passe rapidement les candidats en revue : « Le FN, c’est pour ceux qui n’ont pas de réflexion poussée. Fillon est dans le déni total, il refuse la contradiction. Hamon a l’air tout surpris d’être là. Macron, c’est un commercial. Mélenchon est extrémiste et arrogant… Franchement, je suis emmerdé… » Au-delà du scrutin du 23 avril, c’est toute la politique et le rapport des dirigeants à la société qui l’inquiètent. « On nous répète qu’il faut nous battre, mais tout le monde ne peut pas entreprendre. Il faut bien des ouvriers dans ce monde. On ne peut pas avoir que des start-up… »

L’industrie lourde, celle qui nécessite des manœuvres et de l’abnégation, celle qui est polluante et qui peut être délocalisée à l'autre bout de la planète d’un trait de plume sur un bilan comptable, voilà bien le problème de Martigues, où une pancarte à l’entrée du port annonce la couleur : « Première zone pétrochimique d’Europe. » Des raffineries ont déjà plié bagage, d’autres sont sur le point de le faire ou de se reconvertir. L’avenir n’est pas radieux pour le secteur. Daniel Giovagnoli, collègue de Fabrice et délégué CGT, en est tristement conscient : « On espère tous pouvoir finir notre temps jusqu’à la retraite, et après nous le déluge ! C’est égoïste, mais bon… D’ici quinze ans, l’industrie autour de l’étang de Berre, ce sera terminé. »

Daniel Giovagnoli avec son épouse. © Patrick Artinian

Daniel Giovagnoli avec son épouse. © Patrick Artinian

Malgré cette entrée en matière désabusée, Daniel, qui carbure aux cigarettes et au café, est surtout en colère car il refuse de baisser les bras. « Je travaille pour une société qui engrange énormément de bénéfices, 12 millions d’euros l’an passé, en employant seulement 42 personnes. Et pourtant, on doit s’ouvrir les veines et tout bloquer quand on veut obtenir 30 euros brut d’augmentation ! On nous demande par ailleurs toujours plus de rigueur et de travail. Un opérateur de contrôle doit désormais surveiller 18 écrans sur 5 ou 6 systèmes d’exploitation, avec, derrière lui, une raffinerie à 15 milliards d’euros qui peut péter s’il fait une bêtise ! »

Le père de Daniel était mineur dans l’est de la France, il a travaillé pendant quarante ans et touche désormais une retraite de 600 euros par mois. Ce lignage est son viatique pour ne pas courber l’échine. Il répète plusieurs fois : « Je ne comprends pas cette attitude de mépris des salariés de la part d’entreprises qui dégagent des bénéfices… » Ou plutôt, si, il comprend trop bien et c’est cela qui l’énerve. La déconsidération pour le travail et pour ceux qui n’ont généralement que leurs bras pour gagner leur vie est devenue une constante du discours des élites économiques, mais aussi politiques, qui dirigent la France. À quelques exceptions près : le maire de Martigues par exemple, le communiste Gaby Charroux, n’oublie pas de préciser quand il évoque la taxe professionnelle (assez importante) qu’il récolte pour sa commune que « c’est le travail des ouvriers qui la crée ». Une petite incise sous forme de rappel à la réalité que, dans certains secteurs économiques, et pas seulement l’industrie, il y a des hommes qui produisent des richesses à la base de l’échelle.

Où que l’on soit à Martigues et autour de l’étang de Berre, impossible d’échapper à la vue des tubes métalliques qui s’entrelacent dans des structures industrielles complexes, au ballet des tankers, supertankers et autres navires, ou bien à l’odeur douceâtre des hydrocarbures qui flotte presque tout le temps dans l’air. Personne n’apprécie cette empreinte industrielle, mais personne n’a encore trouvé de substitut qui préserve à la fois l’environnement, le bien-être des habitants, mais aussi les hommes qui en tirent des salaires leur permettant de vivre dignement. Si être ouvrier dans le secteur pétrochimique n’est pas une sinécure (une récente étude, révélée par Marsactu, souligne un taux de cancer deux fois plus élevé), ce sont des emplois correctement rémunérés, à mille lieues des “Mac jobs” promus par l’“eldorado” du commerce, des services et de l’auto-entrepreneuriat.

« La désindustrialisation, c’est une violence faite au peuple »

Jean-Pierre (ce n’est pas son vrai prénom, il préfère rester anonyme) n’est pas un ouvrier, mais un patron. Il dirige une entreprise de manutention parapublique sur le port de Martigues, et il est également investi dans sa petite commune des environs en tant que conseiller municipal élu sur une liste divers gauche. Ingénieur de formation, il est tout aussi amer que ses employés par rapport à cette déconsidération du monde du travail. Depuis son bureau qui embrasse le chenal, il en mesure les effets tous les jours : « Bien sûr que nous travaillons dans une industrie polluante, mais les entreprises ont fait des efforts considérables pour s’améliorer ! Bien sûr, nous pouvons encore mieux faire, c’est sûr. Mais ce que je refuse, c’est que l’on affiche en exemple tous ces porte-conteneurs qui déchargent leurs marchandises venues de Chine. Le discours moral aujourd’hui, c’est : le pétrole c’est mal, les conteneurs c’est bien. Mais a t-on réfléchi aux hommes qui sont derrière, comment ils vivent ? »

Ce discours ressemble peu ou prou à celui du patron des dockers dans la deuxième saison de la série américaine The Wire, qui perd son combat contre des développeurs immobiliers corrompus : « Nous avions l’habitude de construire des choses dans ce pays auparavant… Maintenant, on se contente de plonger notre main dans la poche du gars d'à côté. »...

 

*Suite de l'article sur mediapart

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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