Source : https://www.mediapart.fr
Interdit de séjour dans la Meuse, en raison de sa participation au mouvement contre le centre d’enfouissement de déchets nucléaire de Bure, Florent affirme sa décision de désobéir, pour « faire voler en éclats la logique de répression qui s’abat sur un seul individu ».
C’est un témoignage lourd de conséquences que Mediapart publie aujourd’hui : à la fois récit personnel et acte de désobéissance civile. Un militant contre le centre d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo, à Bure (Meuse), annonce vouloir briser son interdiction judiciaire de territoire. Florent a été condamné à six mois de prison avec sursis en septembre 2016 pour violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique. En juillet 2016, il avait mordu le doigt du gendarme qui l’interpellait en le saisissant par l’arrière, au pied d’une barricade noyée sous les gaz lacrymogènes. Un réflexe malheureux, décrit-il aujourd’hui. Son sursis est assorti d’une mise à l’épreuve de deux ans, qui lui interdit de « paraître » dans le département de la Meuse pendant cette durée.
Habitant de Metz, ancien travailleur social, sans emploi aujourd’hui, il se consacre à la lutte contre le site que l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) entend mettre en service en 2025 sur la commune de Bure pour y enfouir les déchets les plus dangereux du système nucléaire français. L’été 2016, plusieurs dizaines d’opposants à ce qu’ils appellent une « poubelle nucléaire » ont occupé une partie du bois Lejuc, où l’agence devait conduire des travaux préliminaires. C’est lors de cette action que Florent a été arrêté. Après l’expulsion des militants le 7 juillet, la forêt a été réoccupée quelques semaines plus tard.
Près de huit mois ont passé et ses habitants s’y trouvent toujours, confortés par plusieurs décisions de justice : l’annulation de la délibération accordant à l’agence la propriété du bois, le rejet du mur construit par l’Andra et sa condamnation à le détruire, le refus de la demande d’expulsion des opposants – une nouvelle audience doit se tenir le 5 avril à ce sujet. Le 18 février dernier, plusieurs centaines de personnes (700 selon les organisateurs) ont manifesté contre le projet Cigéo et la présence de l’Andra. À l’issue de la manifestation, les grilles entourant le site du laboratoire ont été renversées. Fait rare, les associations locales habituées à organiser des marches pacifiques ont affiché leur solidarité vis-à-vis de cette action offensive. Des affrontements ont eu lieu avec les gendarmes disposés pour protéger le bâtiment du laboratoire.
Florent, militant anti-Cigéo, se soustrait à son interdiction du territoire de la Meuse (DR)
C’est dans ce contexte conflictuel, marqué par une hostilité grandissante au site d’enfouissement, que Florent, âgé de 33 ans, s’est présenté un matin de mars dans les locaux de Mediapart pour décrire sa situation et annoncer sa décision. « Je souhaite annoncer publiquement que je me soustrais à mon interdiction de territoire. » Cette peine est « complètement absurde. Je n’ai plus envie de valider la logique de la répression. Avec ce type de condamnation, tu te retrouves à être ton propre geôlier. Tu es très enfermé. Tu es très seul. Ça te coupe de tes camarades ».
Pourquoi proclamer par média interposé (il doit tenir une conférence de presse ce lundi 27 mars au matin) cet acte de désobéissance ? « Je suis dans une position privilégiée : cela a plus de portée de le faire depuis Bure, car c’est une lutte sur la pente ascendante, qui fait l’actualité. Je le fais pour faire voler en éclats la logique de répression qui s’abat sur un seul individu. Cette question des interdictions de territoire concerne tout le monde. Si tu ne poses pas des actes forts d’insoumission, le débat ne sera jamais posé. » Depuis 2012 et l’échec de l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, des militants sont condamnés à des interdictions judiciaires de territoire qui les coupent de leur terrain d’action. Dans un communiqué, les opposant.es au projet d'enfouissement de déchets nucléaires Cigéo déclarent «leur soutien total à l'action de Florent» et annoncent relayer « son appel à désobéir massivement aux restrictions de liberté de circulation, qu'elles soient administratives ou judiciaires. »..
*Suite de l'article sur mediapart
Source : https://www.mediapart.fr
commenter cet article …