Source : http://lentreprise.lexpress.fr
La loi Travail a instauré des accords de préservation et de développement de l'emploi (APDE), appelés communément accords offensifs. Les entreprises commencent à s'en saisir.
afp.com/BERTRAND GUAY
Les accords de préservation et de développement de l'emploi (APDE) faisaient partie des mesures les plus décriées par les opposants à la loi El Khomri. Des entreprises commencent à s'emparer de cet outil de flexibilité inédit.
Obliger les salariés à travailler plus sans gagner plus, et licencier ceux qui refusent. Voilà en substance ce que permettent les accords de préservation et de développement de l'emploi, instaurés par la loi Travail. Quelques garde-fous ont été posés: l'obligation d'obtenir un accord majoritaire des syndicats pour valider l'accord, bien sûr, ainsi que l'impossibilité de baisser la rémunération mensuelle des collaborateurs. Mais pour Isabelle Pontal, avocate chez Jeantet, qui conseille les employeurs, ces nouveaux "accords offensifs", qui peuvent être conclus dans des entreprises n'ayant pas de difficultés économiques, offrent une souplesse inégalée puisqu'ils peuvent modifier des éléments du contrat de travail et s'imposer sur ce dernier. Elle les préconise à ses clients. Interview.
Vos clients sont-ils au taquet pour essayer de passer des APDE?
Disons que lorsqu'ils veulent gagner en compétitivité, on s'interroge ensemble sur la meilleure façon d'y parvenir, sur les leviers possibles. Modifier des accords collectifs existants et proposer des hausses de temps de travail à chaque salarié nécessite leur signature. L'accord de préservation et de développement de l'emploi, en revanche, est entre guillemets "l'outil idéal".
Pourquoi "idéal"?
Quand l'emploi est en cause, l'intérêt collectif (l'accord collectif) doit pouvoir primer sur l'intérêt individuel (le contrat de travail). C'est la logique issue du rapport Combrexelle. Il n'y a donc pas besoin d'obtenir la signature du salarié. L'entreprise peut augmenter le temps de travail à isocoût, en imposant à ses collaborateurs de travailler non plus 35 heures pour 100, mais 39 heures pour 100. Clairement, les APDE ont été fait pour lutter contre le poids du code du travail qui peut être source de sclérose, alors même que l'emploi est en jeu.
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Les syndicats doivent sans doute se montrer très hostiles...
Ils n'opposent pas un "niet" d'emblée. Quand vous êtes dans une entreprise où le taux horaire est supérieur à ce qui se pratique dans votre secteur, vous le savez très bien... Mais évidemment, ils jouent leur rôle d'organisation syndicale: ils posent des jalons pour bien encadrer les négociations, veulent l'assistance d'un expert-comptable, qu'un calendrier précis soit mis en place, qui s'apparente selon moi aux accords de méthode des plans de sauvegarde de l'emploi...
Un APDE, c'est quand même beaucoup d'efforts pour les salariés, sans contrepartie palpable...
La contrepartie, c'est l'objectif de maintien de l'emploi, c'est-à-dire éviter les licenciements ou en éviter le nombre. Mais il est vrai que par rapport aux accords de maintien dans l'emploi (les AME n'ont jamais eu beaucoup de succès, ndlr), les APDE sont beaucoup plus souples. Pas besoin en théorie, par exemple, que les dirigeants et mandataires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés.
Les APDE peuvent-ils consister en d'autres modalités qu'une hausse du temps de travail sans hausse proportionnelle de la rémunération?
On peut imaginer diverses modifications des horaires de travail: par exemple passer d'horaires de jour à des horaires de nuit, d'horaires individuels à des horaires d'équipe, etc.
L'entreprise n'a aucune obligation d'apporter un début de "preuve" qu'elle serait en difficulté si elle ne passait pas l'accord ?
La logique est différente. L'entreprise partage avec les syndicats un diagnostic sur la situation afin d'aboutir à l'accord. On est vraiment dans une démarche "offensive", prospective.
Si des APDE étaient signés chez vos clients, ce serait dans quel délai d'après vous?
Aujourd'hui, nous sommes au tout début du processus. C'est le temps justement d'établir ce fameux diagnostic partagé. Notez que la loi est lacunaire: elle ne précise pas quelles sont les informations que l'employeur doit fournir aux syndicats pour parvenir à cet état des lieux commun. Nous nous basons sur le rapport de la commission des affaires sociales de l'assemblée pour y voir plus clair. Si nous parvenons avec nos clients à signer des APDE, ce sera d'ici l'été je pense. Il s'agit souvent d'entreprises de taille intermédiaire, dans le secteur industriel.
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