Source : https://reporterre.net
6 février 2017 / Lorène Lavocat (Reporterre)
Le journaliste Geoffrey Le Guilcher a passé deux mois dans la peau d’un boucher d’abattoir. Son livre, Steak Machine, raconte cette immersion clandestine au cœur d’une usine bretonne. Il démontre que les conditions de travail déplorables provoquent la souffrance animale.
Un type de dos est en train d’égorger une vache. Les deux pattes avant de la bête sont prises dans des anneaux de métal afin d’éviter les coups de sabot. Il tranche la gorge de l’animal au-dessus d’une rigole pleine de sang. Il fait ça d’un tout petit geste, de la pointe de son couteau, en un rien de temps. Il affûte son couteau, la vache suspendue et ouverte à la gorge se met à remuer violemment sa seule patte libre. Son pis ballote dans sa dernière danse. La vache bouge ainsi cinq à six secondes, puis s’arrête.
Au cœur de l’abattoir breton où il travaille depuis plus de deux mois, Albert assiste à une scène de tuerie ordinaire. Dans cette usine, deux millions d’animaux sont abattus chaque année. La tuerie, ce lieu secret où se passe la mise à mort, est entourée de murs et interdite au public. Mais percer le mystère des abattoirs, c’est justement la mission que s’est fixée Albert, alias Geoffrey Le Guilcher. Le journaliste indépendant s’est fait employer par une de ces entreprises de la mort. Crâne rasé, CV falsifié, passé inventé de jeune maçon fils d’éleveur, Albert Le Guilcher a ainsi travaillé quarante jours sur la chaîne de découpe. À l’arrivée, un livre, Steak Machine, paru le 2 février aux éditions de la Goutte d’or.
- Geoffrey Le Guilcher.
« L’immersion me paraissait le meilleur moyen de tout vivre à fond, de partager le quotidien des ouvriers », explique-t-il à Reporterre. Et de comprendre ce chiffre aberrant : une mise à mort sur cinq est ratée. 20 % des bêtes sont mal étourdies ou mal saignées. Depuis la diffusion des vidéos de L214, la question de la maltraitance animale s’est retrouvée sur le devant de la scène médiatique et politique. « Mais très peu de personnes ne sont penchées sur les hommes et les femmes qui tiennent les couteaux, observe Geoffrey Le Guilcher. J’ai donc voulu aller voir si ces usines à viande ont enfanté des hommes-monstres. Aller tenir le couteau avec eux et raconter ces mains qui assomment, tuent et découpent des êtres sensibles toute la journée », écrit-il. Le journaliste choisit un abattoir breton auquel il donne le doux nom de Mercure, afin de préserver l’anonymat des personnes rencontrées. Une entreprise industrielle, qui génère un milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel et abat quotidiennement 600 bœufs et 8.500 porcs...
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