Source : https://www.mediapart.fr
Deux syndicalistes SUD, employés des centres d’appels du groupe Iliad-Free, sont en cours de licenciement. Le comité d’entreprise a donné son accord, mais deux inspectrices du travail ont rejeté les motifs invoqués par la direction, et refusé de valider la procédure. La tension entre direction et syndicat est très forte depuis plusieurs mois.
Les deux courriers sont datés du 13 février, envoyés par l’inspection du travail des Hauts-de-Seine et par celle de Paris. Ils refusent sèchement tous les deux qu’Iliad, le groupe de Xavier Niel, qui détient la marque Free, poursuive le licenciement en cours de deux salariés, syndicalistes SUD travaillant tous les deux dans l’univers des centres d’appels du groupe. Le premier, Anousone Um, est le remuant représentant du syndicat chez Mobipel, le centre de Colombes (Hauts-de-Seine). La seconde est assistante aux ressources humaines (RH) chez MCRA, la filiale chargée du management dans les centres d’appels, à Paris.
Mediapart a exposé leurs cas, et le sévère conflit opposant la direction d’Iliad à SUD, dans cet article. Cet affrontement se déroule par ailleurs dans une entreprise où, selon les nombreux témoignages que nous avons recueillis ici, on risque d'être rapidement écarté si on est identifié comme une forte tête. Les licenciements et les ruptures de périodes d’essai sont nombreux, et des dizaines de contestations sont en cours devant les prud’hommes.
La direction reproche principalement aux deux syndicalistes un tract et une publication sur la page Facebook de SUD Mobipel, où, sans nommer quiconque, Anousone Um soulignait qu’on pouvait être un cadre bien noté dans les centres d’appels Iliad, sans pour autant tenir ses obligations en terme de productivité. Une responsable de plateau, notoirement en conflit avec lui, assure s’être reconnue dans certaines statistiques dévoilées dans ce tract. Cette cadre a saisi en novembre 2016 le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de son centre pour dénoncer ce qu’elle considère comme des actes de harcèlement du syndicaliste, remontant à plus d’un an et pesant sur sa santé. Elle avait déjà déclenché une telle démarche en décembre 2015. Elle a aussi porté plainte pour harcèlement moral, et pour diffamation.
De son côté, le syndicaliste conteste fortement, et assure au contraire que cette responsable est justement à l’origine de plusieurs départs de l’entreprise, du fait de son attitude envers certains salariés. Il a lui aussi porté plainte pour harcèlement, fin janvier 2017. La seconde syndicaliste visée par la procédure de licenciement est considérée comme proche de Um et est soupçonnée par la direction d’avoir aidé le remuant représentant de SUD à obtenir les chiffres de productivité qu’il a diffusés dans son tract.
Iliad ne plaisante pas sur cette histoire, et a porté plainte le 22 décembre contre le syndicat SUD pour « collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite », pour « détournement d’informations à caractère personnel » et pour « abus de confiance ». L’affaire est au cœur du dossier établi par l’entreprise pour justifier les deux licenciements auprès de l’inspection du travail, dont l’accord est indispensable puisque les salariés étaient candidats aux élections professionnelles, qui se sont déroulées début novembre chez Iliad. Dans les deux cas, le comité d’entreprise a donné son accord au licenciement, signe peut-être des tensions existant entre syndicats au sein du groupe. Et pourtant, comme l’a déjà révélé le site Le Lanceur, deux inspectrices du travail différentes ont refusé que les procédures aillent plus loin.
Leurs décisions sont plutôt sévères pour l’entreprise. La première, concernant le cas d’Anousone Um, indique : « Il ressort que les faits établis et fautifs (…) pris ensemble ne sont pas d’une gravité suffisante pour justifier un licenciement en raison de l’absence d’antécédents disciplinaires du salarié, de l’absence d’intention de nuire du salarié, de l’absence de préjudice notamment financier pour l’entreprise. » Le texte insiste aussi sur le « nombre de faits reprochés au salarié qui ne sont pas fautifs ou dont la matérialité n’est pas établie ». Autrement dit, le dossier, comportant douze griefs, est vide, ou presque. Même son de cloche pour la seconde salariée, l’inspectrice du travail estimant que seuls deux des onze griefs sont en partie constitués, et qu’aucun ne constitue « une faute d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement ».
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