Réunion du collectif citoyen chez Ghislaine et René, avec Gilbert, Odile et Pascale.
Un premier repas partagé est organisé le 19 novembre. « L’un des Afghans est cuisinier dans son pays et il est venu avec deux grands plats de riz. C’était une très bonne soirée », se souvient René. Lors du jour de l’An, le collectif organise un réveillon solidaire. Quatre-vingt dix personnes s’inscrivent. Une semaine plus tôt, pour le réveillon de Noël, le collectif lance « une famille, un migrant » pour que les migrants qui le souhaitent soient invités à diner dans des familles. « Trop de familles s’étaient proposées, il n’y avait pas assez de migrant ! », plaisante René. Le souvenir de la terrible réunion publique, deux mois plus tôt, s’estompe. « Ce qui y a été dit est insupportable, on doit accueillir ces gens. Nous ne voulions pas laisser cette image des habitants de Valfleury, c’est pour cela que nous sommes là aujourd’hui », explique Françoise, qui vient de Saint-Etienne.
Un an plus tôt, la solidarité « bloquée par les politiques »
Les généreuses initiatives ne se tarissent pas avec la nouvelle année. Patrick habite Saint-Christo, un village à trois kilomètres de Valfleury. Mi-janvier, il a organisé un match de foot amical avec son club et les réfugiés. « L’idée, c’était de leur faire changer d’air, de partager un moment de foot avec eux. » Des joueurs leur prêtent des tenues. « Nous avons mélangé les équipes afin de ne pas être les uns contre les autres mais de jouer ensemble. Les bénévoles nous ont dit qu’ils ne les avaient pas vu rire autant depuis bien longtemps. » Patrick attend l’arrivée des beaux jours pour organiser un nouveau match.
L’appel du Pape aux paroisses de France, un an plus tôt, d’accueillir chacune au moins une famille de réfugiés, a joué un rôle précieux. « Dans notre paroisse, nous étions alors environ quatre-vingt à nous être engagés à fournir une aide matérielle, culturelle ou financière », raconte Pascale, professeure d’anglais. Mais les attentats de novembre 2015 changent la donne. « Cet élan de solidarité a été bloqué par les politiques », déplore l’enseignante. Un an plus tard, elle est rassurée de voir autant de personnes motivées pour aider. Fin janvier 2017, ils sont plus de 220 bénévoles à suivre les activités du collectif citoyen de Valfleury. Odile et Gilbert ont presque réussi leur pari.
« Les gens n’étaient pas préparés »
Presque, car si des dizaine de bénévoles viennent des trente kilomètres alentours, se déplaçant même de Saint-Etienne, à Valfleury même, la solidarité demeure timide.Une quinzaine d’habitants seulement participent aux activités de soutien. « La violence est retombée mais il y a une espèce d’indifférence », observe Ghislaine. L’engagement de la préfecture à fermer le CAO d’ici avril encouragerait une forme de « neutralité ». Certains préjugés ont toutefois été dépassés. « Nous sommes dans un village où il ne se passe pas grand chose. Les gens n’étaient pas préparés ; ils ont eu peur, mais j’ai l’impression que cela s’est calmé », confie Chantal, retraitée après avoir tenu le café-restaurant du village pendant dix-huit ans. Il est aujourd’hui à vendre.
Réservée au départ, elle a franchi le pas en contactant le collectif. « Je leur ai dit que s’ils avaient besoin de quoi que ce soit, j’avais du temps de libre et je pouvais rendre service. Je n’osais pas aller au centre toute seule, alors nous y sommes allés ensemble. Ghislaine m’a présentée les résidents. Je n’avais pas apporté grand chose mais nous avons été très bien reçus. Ils m’ont offert le thé. Je suis contente d’avoir fait ce geste. Mon problème, c’est que je ne parle pas anglais. » Depuis, elle dit s’être rendue seule au centre « trois ou quatre fois », pour apporter un peu de nourriture.