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22 janvier 2017 7 22 /01 /janvier /2017 16:57

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Voter ou ne pas voter (quand on est de gauche)?

 

 
 

Mediapart a interrogé une trentaine de responsables de la “société mobilisée” pour prendre le pouls de ce qu’il reste des sympathisants de gauche. Si le rejet vis-à-vis des socialistes est grand, la campagne a tout de même suscité de l’intérêt.

À l’issue d’un quinquennat si déprimant que le président sortant élu par la gauche a préféré ne pas se représenter, comment une nouvelle primaire du PS pourrait-elle intéresser à nouveau au-delà de ce qu’il reste des sympathisants socialistes ? Alors que les candidats, comme les entreprises de sondages, affirment avoir confiance en une mobilisation avoisinant les deux millions de votants, la rédaction de Mediapart a interrogé plusieurs de ses contacts parmi la “société mobilisée”. Des syndicalistes et des militants associatifs faisant figure de relais d’opinion dans le peuple de gauche, qui s’investit en dehors des partis et plus encore du PS de ces dernières années, mais a toujours entretenu un rapport plus ou moins distant (parfois privilégié, souvent de force) avec la sphère politique socialiste.

La primaire du PS fait-elle encore sens, pour tous ces déçus du pouvoir socialiste ? En parle-t-on autour d’eux ? Qu’est-ce qui motiverait les éventuels votants à se rendre aux urnes dimanche ? Et pour voter qui ?

En creux, c’est un constat alarmant de l’état du parti socialiste qui est dressé. Avec beaucoup de lucidité, la grosse trentaine de citoyens engagés interrogés, qui s’expriment à titre personnel (quelques-uns ont réclamé l’anonymat), semble ne plus rien attendre du PS ni parfois même de la politique tout court. Mais parce que ces “capteurs” gravitent parmi ce que les entreprises de sondages nomment “les sympathisants de gauche”, et parce qu’ils sont tous des acteurs d’une démocratie qui les représente pourtant de moins en moins, ils ont quasiment tous suivi les débats de cette courte campagne, et en dressent un bilan nuancé et peu enthousiaste.

 

  • Ceux qui ne peuvent plus

Il y a ceux pour qui le passif du quinquennat est si lourd et négatif qu’ils ne peuvent pardonner au PS. Entre rancœur et déprime, ils considèrent que le PS est mort, et sa primaire est par conséquent un objet auquel ils ne s’intéressent pas. Ainsi, cet élu CGT de Marseille confie que lui et ses collègues « ne s'occupent pas » de cette primaire. « Il y a toujours un marginal qui ira voter, sur le principe du “On me demande mon avis, je le donne”, mais en réalité c'est jamais évoqué entre nous ou dans nos réunions, explique-t-il. On regarde plutôt du côté de Mélenchon. C'est fini le parti socialiste ! Beaucoup à la CGT se disent que la meilleure chose qui puisse arriver est que ce parti disparaisse pour de bon. » Éric Beynel, porte-parole de Solidaires, confirme ne « quasiment pas en entendre parler dans le cercle militant, un cercle qui n’en finit plus de vomir la gauche gouvernementale. Soit ils n’y prêtent aucun intérêt, soit ils s’en moquent ». « En fait, les militants sont déjà dans l’après-présidentielle, à dire qu’il faut préparer la lutte, ajoute-t-il. Quant à l’idée du vote utile, elle a été engloutie depuis le vote Chirac contre Le Pen puis Hollande contre Sarko. Beaucoup de militants disent qu’ils s’abstiendront ou n’iront pas voter à la présidentielle. »

Membre du syndicat des avocats de France (SAF), Slim Ben Achour est lui aussi à mille lieues du vote socialiste de dimanche. « Je n’en parle absolument pas aux copains. C’est fou, c’est un non-événement. » Même s’il se dit « conscient que derrière la gauche c’est pire, donc c’est la moins pire des solutions », celui qui fut l’un des avocats à l’origine de la condamnation de l’État pour des contrôles discriminatoires a désormais des griefs rédhibitoires vis-à-vis du PS. « Ils ont renoncé aux idéaux de la gauche, non par stratégie politique, mais par conviction, s’exaspère-t-il. Ils nous ont dit : “Ne nous emmerdez pas avec l’histoire du contrôle au faciès.” Mais ils ne se rendent pas compte de l’impact que cela a dans les quartiers populaires, qui s’étaient vraiment mobilisés pour faire voter Hollande en 2012 ! Ils sont déconnectés, et se disent que “les quartiers ne pourront jamais voter à droite”, ils voteront pour nous quoi que nous fassions. Par ce renoncement, les socialistes contribuent à l’accession au pouvoir de l’extrême droite. »

Place de la Bastille, le 5 juillet 2016. © D.I.

Place de la Bastille, le 5 juillet 2016. © D.I.

Grégory Bekhtari, prof d’anglais au lycée Éluard à Saint-Denis et membre du syndicat enseignant majoritaire SNES, abonde : « Aucun d’entre eux, Montebourg ou Hamon inclus, ne reconnaît que ce quinquennat a été dramatique. Ils ont réussi à dégoûter beaucoup de gens de la gauche ou l’idée qu’on s’en fait. Autour de moi, beaucoup sont déboussolés. Mais paradoxalement, dans la salle des profs on a plus parlé de la primaire de droite. Je ne ressens pas d’enthousiasme. On se sent désemparés et orphelins. Dans mon cercle syndical, certains regardent vers Hamon, d’autres Mélenchon. Mais pas grand monde ne semble convaincu. » « Ce qu’on entend des candidats de la primaire du PS prouve que ce parti a arrêté de réfléchir il y a 15 ans, tranche Nicolas Haeringer de l’ONG écolo 350.org. Il n’a plus d’autres clivages que des clivages individuels surdéterminés par les choix tactiques, alors qu’ils auraient pu se connecter au mouvement des communs, aux conférences européennes sur la décroissance, aux luttes pour la justice climatique. » S’il concède des « nuances sur la transition énergétique », il déplore que « la seule réponse valable, celle d’un mix 100 % renouvelable, n’existe qu’à l’extérieur de cette primaire ». Le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard, est tout aussi incrédule : « Aucun des candidats socialistes ne défend la rupture avec le système existant, même si Hamon va un peu plus loin. Ils disent tous vouloir plus d’énergies renouvelables, plus de bio, moins de diesel, et sortir du charbon… des trucs hyper consensuels et déjà en marche, qui se feront de toute façon avec ou sans eux. »

 

Même son de cloche qui ne sonne plus chez Matthieu Bonduelle, ancien président du syndicat de la magistrature (SM). « Le bureau du syndicat a regardé les débats, les a tweetés, comme un travail de veille. Mais il y a une forme d’indifférence. J’ai l’impression qu’on en parle avec un sourire en coin, un peu moqueur. » À l’entendre, le SM a de bonnes raisons de se tenir à distance : « La question judiciaire n’est vraiment pas au cœur du débat politique. Sauf sous l’angle sécuritaire. Même le débat sur le cannabis n’est pas abordé sous un angle judiciaire. Les candidats parlent à la limite de justice pénale, et encore, seulement sous l’angle carcéral. L’antiterrorisme est aussi abordé, mais on évoque plus les opérations homo ou les services de renseignement que la justice elle-même. Le statut du parquet, une éventuelle réforme institutionnelle, n’est même pas évoqué. » Et de conclure : « Il y a une forme de lassitude à voir que le sujet justice est soit occulté, soit mal traité. » Ancien responsable d’Emmaüs, Patrick Doutreligne est lui aussi dans un rapport éloigné à la primaire du PS : « On en parle, mais ce n’est vraiment pas enthousiasmant. Ce qui nous intéresse, c’est le revenu minimum d’existence. Mais ce qui nous inquiète, c’est qu’il n’est pas très élaboré. » Celui qui est désormais président de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) regrette l’absence de « vision prospective » sur le sujet : « Ce n’est pas assez structuré, les associations n’adhèrent pas car ce serait un grand saut dans le vide. » Et l’absence tout court de discours sur « la protection sociale, la place des enfants, ou les problèmes d’intégration ». « Il n’y a quasiment rien sur le projet social. Et c’est faible sur les programmes de société », soupire-t-il. Marie Alibert, porte-parole d’Osez le féminisme, est tout aussi sceptique. « Bien sûr qu’on suit la primaire du PS, comme celle de droite avant. Mais les militantes sont blasées et lasses de ce qu’elles ont pu entendre lors des débats. L’égalité hommes/femmes est souvent anecdotisée ou utilisée comme un alibi. Il y a peu de propositions concrètes, beaucoup de promesses vagues et peu d’objectifs chiffrés. »

Membre d’Attac dont il fut l’un des porte-parole, Thomas Coutrot ne voit pas plus d’intérêt à cette primaire PS autour de lui. « Beaucoup me disent qu’ils n’iront pas voter, alors que nous y étions tous allés en 2012. Ce sont des débats internes au PS, et l’enjeu principal porte sur qui va garder le contrôle de l’appareil au moment de la scission », estime-t-il. Il ne perçoit lui non plus « pas de débats d’idées : on le voit bien avec Valls, il n’y a pas de contenu politique. La seule nouveauté est la proposition d’Hamon sur le revenu universel. C’est un marqueur idéologique astucieux mais c’est du marketing, critique-t-il. Après les mouvements sociaux du printemps, on aurait pu espérer quelques réflexions, des remises en cause. Mais ils n’en ont tiré aucune leçon »...

 

*Suite de l'article sur mediapart

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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