Source : http://www.marianne.net
"Mon véritable adversaire, c'est le monde de la finance", tonnait François Hollande en 2012, au Bourget. Son slogan résonne cruellement aux oreilles des 15.000 salariés du groupe d'habillement et de chaussures Vivarte, essorés par des fermetures de magasins et des suppressions d'emplois. La Halle aux chaussures va fermer 147 boutiques. Les marques André, Naf Naf, Pataugas, Kookaï, Chevignon vont être cédées. Le syndicaliste Jean-Louis Alfred (CFDT) accuse : "Nous finissons ce quinquennat dépecés par le monde de la finance sans que le président et ses ministres aient empêché ce naufrage." Une apathie que nombre d'employés, à 80 % des femmes à temps partiel, ressentent comme un mépris.
La finance folle, celle qui spécule à gogo sur les actifs des entreprises pour amasser des milliards, mine leurs emplois depuis les années 2000. André, la marque célèbre du "chausseur sachant chausser", possédait des pas-de-porte attractifs dans tous les centres-villes de France. Mais des actionnaires minoritaires (comme le Britannique Nathaniel Rothschild ou l'Américain Guy Wyser-Pratte) exigeaient de gros dividendes. En 2004, le groupe tombe dans l'escarcelle de Paribas au terme d'un premier LBO, autrement dit d'un rachat à crédit payé in fine par l'entreprise.
La filiale de Paribas PAI place Georges Plassat à la tête d'André (rebaptisé Vivarte). Dès 2007, Dominique Mégret, dirigeant de PAI, revend l'ensemble au britannique Charterhouse au prix faramineux de 3,46 milliards d'euros ! Deuxième et funeste LBO qui endette lourdement Vivarte, vide sa trésorerie, étouffe ses investissements. En 2009, Dominique Mégret quitte Paribas avec un chèque de plus de 20 millions d'euros pour quinze ans de service. Associé à Charterhouse, Georges Plassat possède 10 % de Vivarte, valorisés 100 millions, lorsqu'il rejoint Carrefour, en 2012, année d'élection de François Hollande.
Jackpot pour ces dirigeants et ces financiers, calvaire pour les salariés. La crise et le remboursement des dettes embourbent Vivarte. Les stocks s'amoncellent. Charterhouse, qui a d'autres LBO à fouetter, de nouveaux milliards à lever, s'éclipse en 2014. Bercy accorde bien des aides (30 millions d'euros de remise de charges, 14 de CICE), mais la barre de Vivarte est reprise par d'implacables créanciers : le californien Oaktree, flanqué de Babson (Caroline du Nord) et GLG, un fonds spéculatif fondé par d'anciens de Goldman Sachs.
Les PDG de Vivarte valsent. L'un d'eux, Marc Lelandais, a le cran de faire appel à un administrateur judiciaire à l'été 2014, pour arracher une restructuration de 2 milliards de dettes. Un record en France ! A cette occasion, les fonds américains convertissent leurs créances en titres. D'aucuns accordent 500 millions de crédits supplémentaires... à des taux indécents. Résultat : l'actuel dirigeant, Patrick Puy, toujours lesté de 1,3 milliard de dettes, engage ventes et fermetures. Au grand dam des salariés qui, eux, n'ont qu'une certitude : en 2017 comme en 2012, la finance les a menés... dans le mur de la dette !
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