Source : http://leplus.nouvelobs.com
Par Kevin Fermine
Étudiant
LE PLUS. Kevin Fermine, étudiant en droit, est handicapé moteur. Avec le temps, ce Toulousain atteint du syndrome de Little a appris à accepter sa maladie. Mais lorsqu’il prend un train, on lui rappelle systématiquement sa différence. Toilettes inaccessibles ou wagon restaurant inatteignable en fauteuil roulant, il ne dispose pas des mêmes possibilités que les autres usagers. Il a donc décidé d’assigner la SNCF pour discrimination.
Édité et parrainé par Louise Auvitu
Depuis ma naissance, je suis atteint du syndrome de Little, une affection neurologique, qui m’empêche de conserver mon équilibre. Je suis handicapé moteur : je ne peux me déplacer qu’en fauteuil roulant.
J’ai appris à vivre avec ma maladie et mon infirmité et a accepté ma différence.
Quand je dois me déplacer, je suis contraint de me renseigner pour savoir si le lieu est accessible aux handicapés. Je n’obtiens pas toujours de réponse et il m’arrive d’être confronté à des marches et de devoir faire demi-tour. Bien que cela m’attriste de réaliser que je ne suis pas considéré par la société, je sais qu’on ne peut pas espérer des changements du jour au lendemain, à coup de baguette magique.
En revanche, ce que j’ai beaucoup plus de mal à accepter, c’est qu’une entreprise comme SNCF ne daigne pas faire le moindre effort. Aujourd’hui, ni les gares, ni les trains ne sont adaptés pour les gens comme moi.
Des obstacles insurmontables
L’année dernière, j’avais fait le choix de faire mes études à Montpellier, mais tous les week-ends, je rentrais à Toulouse pour retrouver ma petite amie et mes parents. Systématiquement, j’ai été confronté à des obstacles insurmontables.
Mes problèmes débutent dès la réservation des billets de train. Comme je suis handicapé moteur, je dois faire appel au service "accès plus" de la SNCF, en particulier lorsque je voyage seul. Il s’agit d’un service gratuit d’accueil en gare et d’accompagnement au train.
C’est bien que la SNCF propose une telle prise en charge. Le problème, c’est que je suis obligé de les prévenir 48 heures plus tôt et que si je souhaite changer de train, je n’ai aucune garantie d’avoir quelqu’un pour m’aider une fois sur place. Il m’est arrivé de louper mon train et d’attendre le prochain parce qu’il n’y avait personne pour m’aider.
Les autres passagers sont priés de m’enjamber
Je suis totalement dépendant du modèle de train dans lequel j’embarque. Il faut savoir que la majorité d’entre eux sont tout bonnement inaccessibles. Le pire étant les TGV en duplex.
Pour me hisser de plateforme au train, j’ai besoin de l’aide d’une personne du service "accès plus". Avec mon fauteuil, je passe la porte de quelques centimètres, mais après les choses se compliquent. Rouler, tourner, faire demi-tour, je ne peux en aucun cas me déplacer à l’intérieur de la rame.
Une fois à l’intérieur, un nouvel obstacle surgit : il n’existe quasiment pas d’emplacement réservé aux handicapés et quand il y en a, il n’y en a qu’un. Alors si je me retrouve avec une autre personne dans la même situation que moi, on nous parque tous les deux dans un mini espace.
En règle générale, on m’installe en plein milieu d’une allée. Les autres passagers sont priés de m’enjamber pour circuler dans le train. C’est particulièrement dégradant de voyager dans ces conditions.
Les contrôleurs n’acceptent pas toujours de m’aider
Une fois en place, je ne peux plus bouger. Si je souhaite me rendre quelque part, je dois appuyer des boutons d’assistance qui sont rarement activés. Et lorsque je demande à un contrôleur, ces derniers n’acceptent pas toujours de m’aider. Il y a aussi un service d’urgence "accès plus", mais il est payant.
L’un d’entre eux m’a d’ailleurs rétorqué :
"Estimez-vous heureux, vous avez la climatisation."
Imaginez-vous faire un trajet de six heures, sans pouvoir vous rendre au wagon restaurant ou aux toilettes ? C’est simple, il m’est arrivé de me pisser dessus.
Quand quelqu’un daigne m’aider, je suis dans l’incapacité de faire rentrer mon fauteuil dans l’habitacle, soit je ne peux pas fermer la porte.
J’ai porté plainte contre la SNCF pour discrimination
Très vite, mes allers-retours en train se sont transformés en enfer. J’en ai eu marre de cette situation. J’ai alors décidé en août dernier d’adresser plusieurs courriers de mise en demeure à la SNCF qui m’a envoyé des réponses types écrite avec un jargon purement juridique.
En octobre, j’ai porté plainte contre la SNCF pour discrimination, pour finalement saisir le tribunal administratif il y a un mois.
Je ne cherche absolument pas à obtenir des dommages et intérêts. Non, tout ce que je veux, c’est que la SNCF reconnaisse ses torts et qu’elle fasse les aménagements nécessaires pour que je sois enfin considéré comme tous les autres citoyens français.
Propos recueillis par Louise Auvitu
Source : http://leplus.nouvelobs.com
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