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26 décembre 2016 1 26 /12 /décembre /2016 10:22

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Flexibilité, primes et travailleurs détachés, l'ordinaire d'une petite entreprise agricole
Par Lucie Tourette
 
 
 

Dans la Drôme, un ancien salarié modèle attaque l'entreprise d'herbes aromatiques qui l'employait pour licenciement abusif. Il supervisait un système mis en place par son patron et reposant sur les heures supplémentaires et la flexibilité de travailleurs détachés. Enquête dans l'ordinaire d'une petite entreprise agricole.

 

Drôme, envoyée spéciale.– Man Gurung est chef d'équipe, originaire du Bhoutan. Il commande à des ouvriers guatémaltèques détachés par une société d'intérim espagnole. Tous travaillent dans une entreprise agricole de la Drôme, tenue par une famille de protestants rigoristes. L'affaire pourrait être classique, celle d’un chef d’équipe qui conteste son licenciement et réclame le paiement d'heures supplémentaires. Mais, examiné par les prud’hommes, le conflit a permis de faire surgir la réalité des conditions de travail des salariés de l’agriculture.

Man Gurung s’est présenté devant le conseil des prud'hommes de Valence, jeudi 23 novembre, pour démontrer que son licenciement était dépourvu de faute grave et de cause sérieuse. Il demande à son ancien patron, Ruben Deaux, le paiement de ses indemnités de rupture et la réparation du préjudice subi. Il réclame également le règlement de centaines d'heures supplémentaires effectuées entre 2011 et 2015 et qui ne lui ont pas été payées.

Face aux conseillers prud'homaux, Jean-François Coppere, l'avocat de l'employeur, met les heures non payées sur le compte de « quelques problèmes de formalisme ». Il s'agit d'un « loupé » dû à « l'externalisation de la comptabilité ». « Il manque peut-être l'intitulé “manageur” sur la fiche de paie, concède-t-il, mais la réalité, c'est qu'il est manageur. »

Man Gurung était le bras droit du patron. Il arrivait en même temps que lui, à 6 heures, et éteignait la lumière en partant le soir. Située à Livron-sur-Drôme, dans la campagne au sud de Valence, l'entreprise Les Herbes de Chenevière vend de la menthe, de l'aneth, de la coriandre et d’autres herbes aromatiques fraîches. À sa tête, Ruben Deaux, 34 ans, est protestant, membre d'une communauté rigoriste. Il ne mange jamais avec une personne extérieure à sa communauté. C'est lui qui a fait de l'exploitation agricole familiale une entreprise florissante, optant pour la culture des plantes aromatiques car les marges sont intéressantes. Aujourd'hui, l'entreprise expédie à Lyon, Bordeaux, Paris et à l'étranger des plantes à ses clients restaurateurs.

Man Gurung, 38 ans, originaire du Bhoutan, a passé son adolescence en Inde. Après un diplôme de manageur dans l'hôtellerie, il part pour la France, obtient l'asile en 2005, la nationalité française en 2009. Il commence à travailler aux Herbes de Chenevière en 2008, comme ouvrier agricole, et se retrouve rapidement manageur. Payé au Smic les premiers temps, il est augmenté de manière régulière : 11 euros de l'heure en juin 2010, 12 euros en 2011, 14,36 euros en 2015. Il organise le travail de dix à vingt personnes suivant les saisons, de la récolte des herbes à leur emballage.

Sur son site internet, l'entreprise met en avant sa réactivité : « Possibilité de livrer le lendemain pour toute commande passée avant 8 heures du matin. » Alors Man Gurung rallonge souvent ses journées et celles des autres. Il travaille 10 ou 11 heures par jour, ne prend qu'une semaine de congés par an. Son patron part au temple vers 17 heures. Il lui confie l'entreprise lorsqu'il voyage à l'étranger.

 

La maison de Man Gurung. Originaire du Bhoutan, il s'est installé dans la Drôme en 2008 © Lucie Tourette

La maison de Man Gurung. Originaire du Bhoutan, il s'est installé dans la Drôme en 2008 © Lucie Tourette

 

Man Gurung pilote cinq équipes. La plupart des responsables d'équipe ont un statut administratif précaire. Plusieurs sont réfugiés, l'un a une carte de séjour temporaire. Les patrons se méfient des salariés français : « Pour eux, assure Man Gurung, la plupart des Français sont des syndicalistes. Il y a plein de Français qui viennent pour chercher du travail mais ils ont toujours dit non. » Un discours qu'il fait d’ailleurs sien lorsqu’il raconte les tensions qui peuvent survenir avec des ouvriers. Il dit d'eux qu'ils « commencent à faire les syndicalistes ».

Malgré ses responsabilités dans l'entreprise, Man Gurung garde un statut d'ouvrier agricole jusqu'en 2014. Et seulement une partie de ses heures lui sont payées. Se fondant sur les relevés d'heures établis par l'employeur lui-même entre 2011 et 2013 et sur des calendriers qu'il annotait entre 2014 et 2015, Man Gurung a comptabilisé 1 419 heures supplémentaires...

 

*Suite de l'article sur mediapart

 

 

Source ;:https://www.mediapart.fr

 

 

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