Alexander Van der Bellen a été élu dimanche soir président de la République d’Autriche, avec plus de 53 % des voix, contre Norbert Hofer. Alors que l’écart n’avait été que de quelque 30 000 voix le 22 mai entre le candidat des Verts et celui de l’extrême droite, la répétition de ce deuxième tour en raison d’un vice de procédure a creusé l’amplitude et assuré une victoire confortable à Van der Bellen. Entretien avec Alef Korun, députée des Verts d’origine turque, qui s’est activement engagée dans la campagne.
Source : https://www.mediapart.fr
L’extrême droite a perdu l’élection présidentielle autrichienne. Pour la députée Alef Korun, du parti du président élu, les Verts, c’est la réussite d’un travail de terrain auprès de la base de l’électorat, et un message fort envoyé à l’Europe après le Brexit.
Que signifie pour vous ce résultat ?
Alef Korun : C’est un succès énorme de la société civile. La réussite de Van der Bellen résulte de la mobilisation de milliers de citoyens aux origines sociales diverses, venant de différents horizons professionnels et proches de différents partis politiques. Après le Brexit et l’élection de Trump aux États-Unis, les électeurs ont fait le choix d’un candidat fiable, qui respecte les gens, y compris ceux qui défendent des idées différentes des siennes. Le rôle du Brexit a été particulièrement important : les Autrichiens ont pris conscience de ce qui pouvait se passer quand les nationalistes essayent de détruire l’Union européenne (UE). Ils ont donc voté pour une Autriche forte dans l’UE, pour un pays ouvert sur ses voisins, contre la fermeture. Et le profil sérieux d’Alexander Van der Bellen l’a emporté, face à Nobert Hofer dont le masque est tombé à plusieurs reprises pendant la campagne.
Le candidat de l’extrême droite a en effet commis plusieurs erreurs. Alors que beaucoup avaient cru à son visage « sympathique » et à ses allures de « gentleman » pendant la première campagne au printemps, il a bien insisté pendant cette deuxième campagne sur le fait qu’il représentait « à 100 % » le FPÖ [le parti libéral d’Autriche, extrême droite – ndlr]. Il disait que rien ni personne n’allait l’arrêter. Sur les migrants, son discours était d’une intolérance maximale : il voulait expulser l’ensemble des immigrés en Autriche. Il ne s’agissait même plus de coupables d’actes criminels, mais des migrants tout court. Cet agenda raciste – sans jamais utiliser le mot racisme – est une des raisons de son échec.
Enfin, je crois que les électeurs ne voulaient pas tout chambouler. Ils voulaient un changement, mais pas détruire la république ! Dans ce contexte, Van der Bellen incarnait la stabilité, y compris pour des électeurs qui n’étaient pas de son bord.
Quelle leçon tirez-vous de cette campagne ?
Je me suis beaucoup investie dans cette campagne, j’ai donc eu l’occasion de discuter avec des gens très différents qui ne sont pas des électeurs traditionnels des Verts, comme les retraités. J’ai pu voir de très nombreuses personnes s’emparer de cette deuxième campagne, beaucoup plus que la première, en distribuant des tracts notamment. On dit en Europe que les gens sont frustrés, déçus de la politique… Eh bien là, ce que j’ai vu, c’est le contraire : il y a de très nombreux Autrichiens qui sont prêts à prendre leurs responsabilités, à s’engager du côté pro-européen, et à se mobiliser de manière bénévole. Cette élection de Van der Bellen, ce n’est pas la victoire d’un camp politique – les Verts, ou les sociaux-démocrates – mais bien celle de tous ces citoyens qui se sont mobilisés, ensemble, pour défendre la démocratie.
J’ai entendu de nombreuses personnes, dimanche soir, dire qu’elles souhaitaient être actives en politique les prochains mois et les prochaines années. Elles voient à la fois la nécessité de prendre les choses en main mais aussi le fait qu’on peut avoir de l’influence : avec ce scrutin, nous avons envoyé un message très fort à nos voisins européens et dans le monde ! C’est très encourageant, cela montre que l’engagement politique fonctionne quand les gens sont mobilisés, à la base de la société, et pas seulement les dirigeants…
Suite de l'article sur mediapart
Source : https://www.mediapart.fr
****************************
Source : http://www.liberation.fr
Au cours de la campagne présidentielle autrichienne, dont Alexander Van der Bellen est sorti vainqueur face au candidat d'extrême droite, les deux adversaires et leurs camps se sont livrés à une bataille sur les réseaux sociaux.
Demandez à un Autrichien de vous parler en détail de la campagne présidentielle, il finira à coup sûr par sortir son téléphone pour faire défiler son fil Facebook. Avant de remporter l’élection présidentielle dimanche soir, Alexander Van der Bellen, professeur d’université et candidat des Verts (Die Grünen) a mené avec son concurrent d’extrême droite Norbert Hofer, un match sur les réseaux sociaux.
A lire aussi: En Autriche, l’écologiste Van der Bellen contient l’extrême droite
Pour nous le prouver, Fabian, un étudiant vivant à Vienne sort son téléphone, le pose sur la table et fait défiler son fil d’actualités. Nous sommes la veille du vote, et l’on peut voir apparaître çà et là le visage de l’un ou l’autre des candidats. «C’est impressionnant. C’est bien la première fois, en Autriche, que la campagne électorale se passe vraiment sur les réseaux sociaux. Et depuis plusieurs jours, je n’ai que ça sur mon téléphone», explique-t-il. Une étudiante rencontrée devant le bureau de vote abonde : «Cette campagne s’est jouée surtout sur les réseaux sociaux».
Les deux candidats ont dégainé leurs meilleures armes dans le but de toucher le plus d’internautes possible, s’inspirant parfois maladroitement de la culture web. Ainsi, on pouvait voir le 1er décembre une photo de Norbert Hofer flirtant avec le ridicule sur un tracteur tondeuse. Le tout pour montrer qu’il n’appartient pas à l’élite et que, comme tout le monde, il tond sa pelouse. Ils se sont adonnés aussi chacun à de petits exercices de live vidéo et remercient leurs fans lorsqu’ils dépassent des totaux symboliques de like, comme le feraient des YouTubers.
Mais celui qui semble avoir réussi le meilleur coup est Alexander Van der Bellen. Le 24 novembre, plus d’une semaine avant l’élection, le candidat des Verts poste une vidéo sur sa page Facebook. On y voit une ancienne déportée juive qui témoigne. Elle appelle à voter écolo : «Pour moi, ce sera sûrement mon dernier vote», dit-elle. Plans resserrés, montage sobre, 4 minutes, le candidat des Verts abat sa dernière carte.
Un succès inespéré : 3,4 millions de vues en quelques jours pour un pays qui compte un peu plus de 8 millions d’habitants. Quelques jours plus tard, chacun de ses électeurs connaît «Gertrude» et commente ses propos avec la même affection que s’il s’agissait de leurs propres grands-parents. En ayant seulement suggéré le lien entre Norbert Hofer, l’extrême droite et la Shoah, l’équipe d’Alexander Van der Bellen est aussi parvenue à faire prendre conscience à certains électeurs qu’un vote populiste n’était pas anodin.
La campagne sur les réseaux sociaux a surtout libéré la parole. «J’ai été terrifiée par ce que j’ai vu de certains électeurs d’extrême droite sur les réseaux sociaux», confie une votante. Une autre nous montre sur son téléphone des montages photos partagés sur les réseaux sociaux, des appels à la haine ou au meurtre contre les migrants. «Certains sont des connaissances. Je n’imaginais vraiment pas qu’ils pouvaient avoir cette opinion. Ces commentaires m’ont encore plus donné envie de me mobiliser pour Van der Bellen», appuie-t-elle.
A lire aussi: Trump : Facebook et Google en cure de désintox ?
On le sait : les réseaux sociaux peuvent avoir une influence sur un vote. Aux Etats-Unis, lors de la campagne de Donald Trump, Facebook et Twitter ont pris une large place dans la propagande électorale. Avec notamment, ce que le réseau social fait de mieux : créer de l’endogamie. L’un des électeurs de Van der Bellen rencontré dans le sud de l’Autriche nous montre, lui aussi, son fil Facebook, puis s’interroge : «Regardez, je n’ai que des actualités sur Van der Bellen. Pourtant, j’ai plusieurs centaines d’amis. Est-ce parce que je n’ai que des amis qui votent pour les verts, ou est-ce parce que Facebook me montre ce que j’ai envie de voir ?» Un peu des deux sans doute.
C’est aussi le principe sur lequel est conçu l’algorithme du réseau social, théorisé par le militant d’Internet Eli Pariser : la bulle de filtre. L’idée que le réseau ne donne à voir que ce qui conforte nos opinions. Si l’on est de droite, il n’affichera que du contenu de droite. Idem pour la gauche. Et une fois encore, à en croire les militants autrichiens, il a plutôt bien fonctionné.
Source : http://www.liberation.fr
commenter cet article …