Ils étaient sept à comparaître devant la cour d’appel de Paris dans le procès qui les oppose au groupe Bolloré, huit mois après avoir été relaxés en première instance. Parmi eux, quatre journalistes de Bastamag, qui avaient accusé la multinationale de participer au phénomène d’accaparement de terres agricoles en Afrique et en Asie, dans un article de 2012 intitulé « Bolloré, Crédit agricole, Louis Dreyfus : ces groupes français, champions de l’accaparement de terres ».
Également visés par la plainte du groupe, Dominique Martin-Ferrari, journaliste de Scoop.it, Pierre Haski, cofondateur de Rue89 (absent ce jour-là), ainsi qu’un ancien ébéniste et un instituteur à la retraite : tous sont accusés d’avoir relayé tout ou partie de l’article sur leurs sites respectifs. Ce procès vient s’ajouter à la longue liste des plaintes déposées par le groupe Bolloré contre les journalistes se faisant le relais des activités africaines (principalement) de la multinationale.
Dès l’ouverture de l’audience, l’avocat du groupe Bolloré, Me Olivier Baratelli, s’en prend à Nadia Djabali, principale auteure de l’article, qui a, selon lui, fait « un travail de cochon ». Il lui reproche d’avoir porté des accusations d’infractions pénales : « Ce n'est pas moi qui fais des imputations, c'est la Minul [Mission des Nations unies au Liberia], la FIDH [Fédération internationale des droits de l’homme], des associations intergouvernementales engagées dans la défense de paysans au Cameroun, au Liberia, en Sierra Leone ou au Cambodge… Je ne relatais pas des infractions pénales en tant que telles mais des faits, corroborés par des sources », lui rétorque la journaliste, dont le travail est basé sur de nombreux rapports d’ONG.
« Donc vous avez recopié servilement les infractions que d’autres ont dénoncées », assène l’avocat. Face à la litanie de questions qui la vise, Nadia Djabali, dont le regard se durcit, s’impatiente : « On fait un Trivial Pursuit ou quoi ? » Nouvelle volée de questions, la journaliste s’emporte : « Vous faites de l'intimidation, je suis très étonnée. »
Julien Lusson, ancien directeur de publication de Bastamag, à qui le premier conseiller Pierre Dillange demande si le site a été auparavant la cible de plaintes similaires, répond par la négative. « Mais on a été mis en cause une deuxième fois par le groupe Bolloré pour un article sur une rencontre dont on avait rendu compte de façon positive. » Un article daté d’octobre 2014, intitulé « Accaparement de terres : le groupe Bolloré accepte de négocier avec les communautés locales ». « On n'a pas bien compris, se désole Julien Lusson. Ce qu'on comprend, c’est que Vincent Bolloré est coutumier du fait. Dès qu’il s'agit de faire état de ses activités en Afrique, ça vaut poursuite. » Il désespère : « Si on retombe sur le groupe Bolloré, on va encore avoir affaire à la justice. »