Source : https://reporterre.net
30 novembre 2016 / Marie Astier (Reporterre)
Alléchées par la progression du marché des produits d’agriculture biologique, les grandes enseignes de distribution s’y engouffrent, avec leur logique de volume et de produits standardisés. Menaçant d’industrialiser la bio et d’en perdre les valeurs.
Une devanture rouge foncé reprenant les couleurs des boutiques Naturalia. Un rayon vrac qui attire l’œil dès le seuil d’entrée franchi. Installé dans un quartier commerçant du 19e arrondissement de Paris, ce magasin Carrefour bio reprend clairement les codes des enseignes spécialisées. Il faut s’approcher des rayons pour constater la différence : le vert du logo de la marque distributeur Carrefour bio domine, à côté de marques inconnues chez Biocoop ou La Vie claire.
« Cela me paraît bizarre, un Carrefour bio. Un peu incompatible. Mais j’y vais quand même », admet Nino. Le jeune homme vient de sortir du magasin, un sac de papier brun chargé de denrées à la main. « C’est pratique, et je me dis que c’est quand même un peu mieux que les produits classiques de supermarché. » Dans les rayons, deux mamies discutent des produits de ce nouveau lieu d’achat. Un vendeur vient les conseiller. « C’est bien ! » approuvent-elles en sortant.
Carrefour a ouvert plus d’une dizaine de magasins de ce type en région parisienne et à Lyon : une petite surface, implantée en centre-ville, ne proposant que des aliments bio et des produits certifiés écolos. Ce n’est pas la seule enseigne de grande distribution à tester la recette. La revue spécialisée Linéaires faisait le point fin septembre : Auchan vient d’ouvrir son deuxième magasin Cœur de Nature ; Intermarché, Système U et Leclerc testent le concept en région. Mais la plus grande part des ventes de bio se fait encore dans les grandes surfaces habituelles, où les rayons bio se multiplient, proposant toujours plus de produits. Un exemple emblématique est celui de Monoprix, qui, depuis le 19 octobre, a converti sa baguette de base au bio. Le discounter Lidl a lancé fin septembre sa nouvelle gamme bio avec une quarantaine de références. Carrefour s’attaque même au commerce en ligne : il a racheté en juillet dernier le leader de la distribution de bio sur internet, Greenweez.
« Il ne faut pas être naïf : le contexte est morose dans la distribution alimentaire, autour de 1 % de progression, sauf dans le bio, qui affiche une croissance à deux chiffres. Désormais, une partie des consommateurs, pour une partie de leurs achats, sont prêts à sortir des sentiers battus », analyse Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution. D’après le baromètre de l’Agence bio pour 2015, 9 Français sur 10 consomment bio au moins occasionnellement. L’agence estime que, fin 2016, le chiffre d’affaires du bio devrait flirter avec les 7 milliards d’euros, soit 1 milliard de plus en seulement un an. Elle annonce également une croissance insolente de 20 % au premier semestre 2016 comparé au premier semestre 2015. À noter que la grande distribution est à + 18 % quand les magasins spécialisés sont à + 25 % pour la même période. La répartition du gâteau qui grossit à vue d’œil pourrait donc évoluer. Pour l’instant, la grande distribution en détient la plus grande part (entre 40 et 45 % selon les sources), les magasins spécialisés une part à peine plus petite (35 à 40 %), le reste allant aux circuits courts...
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